Energie : sommes-nous dépendants de la Russie ?
Premier producteur mondial de gaz, la Russie a fait de son potentiel énergétique une arme très dissuasive face au continent européen. Coupures de gaz fréquentes et diverses menaces rappellent chaque jour au vieux continent que son indépendance énergétique est loin d’être acquise. Chaque année, 65 % des exportations de gaz russe sont acheminées en direction de l’Europe. Par ailleurs, la consommation annuelle de gaz russe dans l’Union européenne est évaluée à plus de 25 % de la consommation de gaz totale. Cette dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est cependant très répartie sur le territoire européen puisque, si la Slovaquie et la Finlande sont entièrement dépendantes du géant Russe, la France, quant à elle, ne doit que 26,8 % de sa consommation de gaz à la Russie. Cette tendance risque cependant de s’accélérer puisque les économistes prévoient que, d’ici 2020, du fait des importantes réserves russes, 70 % des importations européennes de gaz proviendront de Russie.
Comment mettre fin à cette dépendance ?
Si divers projets sont mis en place afin de réduire cette dépendance, la politique européenne énergétique est encore trop hétérogène pour aboutir à des résultats concrets. Seul le projet, certes ambitieux, mais compromis de Nabucco est sérieusement évoqué. Ce gazoduc de 3 300 kilomètres de long relierait la Géorgie au vieux continent, sans effectuer de détour par le géant russe (voir carte). Il traverserait la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, la République tchèque et l’Allemagne.
La crise géorgienne estivale a cependant ralenti le projet puisque la Géorgie n’apparaît désormais plus comme un fournisseur stable. L’Iran, qui devait aussi participer au projet, n’apparaît plus non plus comme fiable depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrémiste Mahmoud Ahmadinejad qui nourrit par ailleurs une excellente relation avec la Russie. Le manque de garanties quant aux réserves de l’Azerbaïdjan et de l’Iran est une autre problématique.
Les désaccords persistants entre membres de l’Europe communautaire n’ont pas échappé au Kremlin qui s’efforce de contrecarrer tout projet plausible tel que Nabucco. South Stream et North Stream font figure de réponse de la part de la Russie face au projet de Nabucco. En cours de construction, ils desserviraient l’Allemagne et l’Italie en contournant les ex-pays satellites de l’URSS, apportant ainsi de meilleures garanties quant à un approvisionnement régulier et stable. Seulement, ces deux gazoducs enterrent à nouveau l’idée d’un projet commun à l’Europe communautaire.
Une utilisation politique du Kremlin
On s’est rendu compte que la Russie avait l’intention de se servir de cette énergie comme d’un instrument de puissance, déclarait récemment un politique français. Cette constatation n’a rien d’anxiogène, elle est tout à fait réaliste. Le Kremlin est en effet à la tête, directement ou indirectement de l’ensemble des grands groupes énergétiques russes ; à en croire que la Russie n’a toujours pas fait le deuil de sa période communiste. Gazprom, premier exportateur mondial de gaz appartient à l’Etat pour 50,1 %, et est fréquemment utilisé par le Kremlin comme une puissante arme de dissuasion. Conscient de l’intérêt stratégique de Gazprom, Vladimir Poutine avait de 2004 à 2006 révoqué la privatisation de la compagnie voulue par son prédécesseur Boris Eltsine en augmentant la part de l’Etat dans le capital de Gazprom, qui, en l’espace de deux ans, passera de 38 à 50,1 %.
La crise ukrainienne de janvier 2006 a démontré toute l’utilisation politique que fait le Kremlin de Gazprom. Cette dernière avait en effet brusquement décidé d’augmenter les prix du gaz pour l’Ukraine, qui bénéficiait jusque-là de tarifs spéciaux du fait de leur adhésion à la CEI. Pour se justifier, Gazprom annonça que l’Ukraine était désormais considérée comme une économie de marché, et qu’elle devait accepter ce statut ainsi que les conséquences qui en incombent. Mais, derrière ce prétexte maladroit, ce sont les désirs d’indépendance de l’Ukraine qui ont réellement motivé cette décision.
Toute puissante compagnie énergétique russe est désormais sous la direction du Kremlin. Ioukos, cette compagnie pétrolière indépendante, n’a pas échappé à la règle. Le Kremlin s’est acharné en vain à placer sous son aile cette compagnie représentant 20 % de la production pétrolière du pays. Afin d’y parvenir, elle accuse alors en 2004 son président directeur général, Mikhaïl Khodorkovski de vol par escroquerie à grande échelle et évasion fiscale, accablant alors Ioukos d’amendes considérables qui conduiront à la reprise de son activité par l’Etat ainsi que la vente aux enchères de plusieurs de ses filiales, actuellement détenues par Gazprom.
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