Israël et l’UE ressuscitent l’Empire Ottoman
L’avènement du parti islamiste au pouvoir en Turquie avait suscité moult inquiétudes dans les chancelleries occidentales et Arabes. Qui voyaient d’un mauvais œil cette prise de pouvoir de manière démocratique et sans tapage ni dépassements. Coup sur coup, le parti AKP obtiendra la majorité absolue au parlement avec 51,6%, lors des législatives de novembre 2002, puis s’offrira une large majorité en juillet 2007, ce qui lui permettra de postuler à l’élection présidentielle. Après une longue bataille juridique, le parlement à majorité AKP, élira Abdullah Gül président de la république. Disposant de tous les leviers du pouvoir, ceux qui avaient jeté un froid à l’échelle régionale et internationale parviendront à rassurer jusque et y compris leurs alliés de l’Otan. Méticuleusement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, les dirigeants parviendront à maintenir, voire à renforcer l’image de la Turquie. Déçus par les atermoiements et les inimitiés de l’Europe sur leur candidature à rejoindre l’Union, les islamistes turcs seront parvenus à s’imposer dans les forums internationaux et auprès des chancelleries occidentales. A tel point que désormais, ils jouent un rôle de premier plan dans les conflits de la région. Ce qui n’aura pas échappé à la nouvelle administration US qui serait bien inspirée de s’appuyer sur ce partenaire pour lui déléguer un rôle majeur dans la région, y compris dans le conflit israélo palestinien et sur la scène moyen-orientale que plus aucun régime Arabe ne parvient à maitriser. Serait-ce le retour de l’empire ottoman, version islamiste et laïque à la fois ? Assurément ces islamistes sont surprenants, car incontournables, notamment au Proche-Orient.
Le coup de pouce d’Obama
Tandis que le conflit allumé pour des raisons de politique intérieures par le président pro-occidental de Géorgie, Mikhaïl Saakashvili, remettait de façon magistrale la fédération de Russie au cœur des relations Est-Ouest, le président en exercice de l’UE, Sarkozy 1er en personne entama un slalom diplomatique singulier qui le mènera tous droit à Washington, la capitale fédérale US où se tient le sommet du G8, transformé à l’occasion en G20. Crise financière mondiale oblige. Ce sera également le dernier sommet de Georges W Bush, en sa qualité de président des States. Car deux semaines auparavant, les américains venaient d’élire Barak Obama à la présidence des Etats-Unis. Mais ce dernier n’étant pas encore intronisé, c’est Bush Jr qui représentera les USA. Rapidement, le nouveau président américain va jouer un rôle capital dans la réinsertion de la Turquie dans le concert des nations qui comptent. Les dirigeants Turques l’auront vite compris, eux qui se laisseront pousser des ailes pour imposer une nouvelle vision à l’ensemble de leurs partenaires.
D’autant que la Turquie est le seul état musulman qui pratique la laïcité ; avec la Palestine ! N’en déplaise aux islamistes du Hamas qui ont manifestement quelques difficultés à se départir d’un tic abominable, voire tout simplement minable, la composante arabe chrétienne de Palestine n’étant pas une invention d’Israël comme le pensent sans gène certains dirigeants Hamasistes.
Le coup d’éclat de Davos
Parfaitement conscients d’appartenir à part entière et pour longtemps à l’Otan, la Turquie d’Abdullah Gül et de Tayp Erdogan prend son rôle très au sérieux. Autre gros avantage, par rapport à des pays Arabes timorés pour l’éternité ; d’excellentes relations économiques, diplomatiques, commerciales et militaires fonctionnent à la perfection avec Israël, le chouchou gâteux de l’Occident. Jusqu’aux derniers massacres de Ghaza de l’hiver dernier. Face à ce qui s’apparente à un véritable génocide de la population civile, alors que la plupart des régimes occidentaux et arabes continuent de se voiler la face, de peur de soulever les foudres de guerre du sionisme international, voilà que le gouvernement islamique turque élève la voix et autorise les plus imposantes manifestations de réprobation de la politique israélienne vis-à-vis de l’enclave palestinienne. Sa diplomatie ne restera pas de marbre. Profitant du forum économique de Davos, le premier ministre, dans une mémorable réplique à Shimon Pérès, le président israélien, Recep Tayeb Erdogan aura les mots les plus durs et sans doute les plus justes. Certainement aussi les plus inattendus de la part des dirigeants israéliens, arabes et en présence du moribond Amr Moussa, l’incontournable SG de la funeste ligue des états arabes, qui ne pipera mot. Comble de la l’indignité, il maintiendra sa présence tandis que le premier ministre turc se retirait avec fracas d’un débat où la malhonnêteté du modérateur sera prise en défaut. L´incident avait éclaté lors d’un débat extrêmement tendu sur Gaza. Intervenant en dernier, M. Peres a défendu la politique de son pays avec une rare véhémence, criant dans son micro et monopolisant la parole pendant 25 minutes, alors que ses contradicteurs n’eurent droit qu’à 12minutes. En voulant réagir, Erdogan n’aura pas droit à la parole, l’animateur, David Ignatius, par ailleurs journaliste au "Washington Post" faisant alors valoir que le temps imparti au débat était écoulé. Le premier ministre turc prend la parole pour souligner le recours "tout à fait disproportionné à la force" de la part d´Israël, qualifiant la situation à Gaza de "prison en plein air" en raison du blocus israélien. Il quittera la salle en menaçant de ne plus revenir à Davos. De retour à Istanbul, il sera accueilli en héros par une foule compacte qui scandait des slogans hostiles à Israël.
Depuis, les relations avec Israël prendront une tangente irréversible, à la grande stupéfaction des autorités sionistes. Le dernier et non des moindres revers est le refus de laisser l’aviation sionistes venir participer à des manœuvres militaires communes organisées sous l’égide de l’Otan. Pour les officiels turcs, il n’était pas question de voir parader des engins qui avaient participé aux massacres des populations de Gaza. Auparavant, les visites en Israël et en Palestine prévues de longues dates du ministre turc des A E et du président Abdullah Gül seront tout simplement annulées par les responsables turcs, au motif qu’Israël ne voulait surtout pas que ces deux dirigeants musulmans, fassent le détour par Gaza comme ils en avaient formulé la demande. Entretemps, l’intrusion de l’armée sioniste dans partie arabe de Jérusalem et l’interdiction faite aux palestiniens de prier dans la mosquée El Aqsa aura davantage ruiné l’espoir de voir les relations turco-israéliennes retrouver une relative sérénité. Toutes ces actions ne sont point le reflet d’une quelconque précipitation de la part des turcs, bien au contraire ! Elles s’inscrivent en droite ligne d’une politique murement réfléchie à laquelle les régimes moyens-orientaux ne nous avaient point habitués. Pendant que l’on fait monter la pression sur Israël, on met en place une véritable politique de rapprochement avec les pays musulmans et arabes de la région. Tour à tour, ce sont les délégations Irakienne et Syrienne qui viennent discuter des projets hydrauliques sur le Tigre et l’Euphrate, les deux principales mamelles de la région. Plus de 40 accords de coopération ont été signés jeudi dernier à Bagdad, tandis qu’avec l’Iran, -cible privilégiée des faucons israéliens qui ne lui pardonnent ni les écarts de langage de son président ni sa politique nucléaire civile-, un projet de création d’une zone industrielle franche dans deux provinces frontalières aura été signé le 25 aout dernier. Les deux pays espèrent finaliser ces deux projets d’ici la fin de l’année.
Un peuple sans complexes et sans talibans
En reprenant à son compte l’indéfectible soutien à la cause palestinienne que les régimes arabes corrompus auront définitivement abandonnée à son sort, en renouant des relations apaisées avec la Syrie, l’Irak et l’Iran, en s’interposant comme interlocuteur ferme et décidé dans le conflit du proche Orient, la Turquie islamique et laïque n’est –elle pas en train de prendre une revanche sur l’histoire ? Celle qui, à la faveur du traité de Sèvre du 10 août 1920, sera contrainte au dépeçage de l’Empire ottoman. Méprisée sans égards par l’UE, assumant sans états d’âmes sa présence dans l’Otan et le G20, forte du soutien incontournable de l’administration américaine – on se souvient qu’à contre courant du discours de Sarkozy, Barack Obama avait parlé de « la vocation naturelle de la Turquie à rejoindre l’Europe »- la Turquie d’Abdullah Gül et de Taypp Erdogan avance méthodiquement ses pions pour redevenir un état tampon dans cette région où la proximité avec l’ex Union soviétique et l’Afghanistan n’est pas le moindre des avantages. Enfin, puisque le Moyen Orient sans pétrole perdrait de son unique substance, gazoducs et oléoducs traversant le territoire turc ne sont plus une simple vue de l’esprit. Outre leurs moindres coûts, ils seront, avec l’atténuation du conflit au Kurdistan, les véritables passerelles énergétiques de l’Europe. A ce titre, l’intégration de la Turquie peut passer à la trappe. En retrouvant un rôle central dans la région, en remplacement de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite, trop incertaines et trop timorées, la Turquie s’affirme comme la véritable puissance régionale du Moyen Orient. Autre avantage et non des moindres, son armée n’est pas infiltrée par les talibans comme c’est le cas au Pakistan, ce qui ne déplaira pas aux américains. L’avènement d’un nouvel empire ottoman est en marche, et ce ne sera que justice pour un peuple fier, car totalement débarrassé de ses complexes. Même l’arrogant état d’Israël y perd son latin…. Pardon, son hébreu ! Last but no least, c’est le seul état au monde à pouvoir dialoguer en confiance à la fois avec le Hamas et Tel Aviv.
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