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Japon : une population digne

Les images et les mots qui tentent de décrire la tragédie au Japon parlent de morts, d'apocalypse, de détresse, de panique nucléaire. Le mot qui me vient à l'esprit est : dignité. 

Les images en boucle de la télévision montre des scènes de dévastation, de peur ; apocalyptiques.

Vous les regardez sûrement comme moi dans le salon ou dans la cuisine en train de préparer le dîner. Vous les écoutez dans les embouteillages ou dans le calme de la salle de bain.

Après la tragédie de décembre 2004 qui a frappé l’Asie et une partie des pays bordant l’océan Indien faisant près de 250'000 victimes, c’est au tour du Japon, six ans après, d’être frappé par le séisme et le tsumani tant redoutés.

Les mots des journalistes dépêchés à la hâte sur place évoquent l’apocalypse, l’horreur, l’enfer nucléaire. 

Leur Premier Ministre évoque la pire catastrophe depuis la deuxième guerre mondiale, sous-entendu depuis Hiroshima et Nagasaki, la débâcle, la perte de l’honneur.

Pourtant, je suis touché par la dignité des victimes.

Les images des survivants montrent une population meurtrie, certes, mais surtout digne, oui, c’est le mot qui me vient à l’esprit et au bout de mes doigts. Disciplinée, responsable. On la voit faisant patiemment la queue pour de la nourriture et de l’eau, dans un froid cristallin ou dans une pluie neigeuse, pendant des heures, sans rechigner.

On la voit réfréner ses larmes et ses cris.

On la voit s’entasser dans des abris, serrée comme des sardines, patiente, attendant une hypothétique amélioration.

Une population qui ne morigène pas.

La façade des immeubles est lézardée mais les visages se doivent de rester neutres. J’ai suffisamment vécu en Asie pour savoir qu’un sourire peut masquer la détresse, les larmes cacher l’impuissance. Ici, on ne hurle pas sa douleur, on pleure silencieusement en souriant doucement et en cachant ses dents.

On ne perd pas la face.

Le Gouvernement gère la crise comme il peut, même si le pays est bien préparé. Une catastrophe de cette ampleur reste toujours une crise, où les priorités se télescopent. Que faire ? Par où commencer ? Où aller ? Comment y aller ? Les messages contradictoires sur le risque nucléaire ne sont pas rassurants.

Bien entendu, ce calme apparent cache un désarroi qui demain, sans doute, virera vers la colère. La confiance en leur Gouvernement risque d’être ébranlée, les bureaucrates seront visés, les lenteurs analysées, les messages contradictoires passés au crible par des médias peu complaisants et très puissants. Les Japonais ne sont pas des moutons.

Plus tard. Pour le moment, la peur se terre au fond des yeux. Il y a la catastrophe qui se voit – les immeubles lézardés, les maisons détruites, les morts invisibles ensevelis, deux gens comme vous et moi – et celle qui s’évapore dans les airs, invisible et sournoise et qui n’a pas fini de faire parler d’elle faute de savoir de quoi il en retourne, exactement.

Oui, je suis touché par la dignité et la discipline de cette population. Vous savez, celle qui vient chez nous, dont les us et coutumes nous font souvent sourire en coin, que l’on voit trottiner à la queue leu leu derrière leur guide et prenant des photos dans tous les sens, ouvrant leur portefeuille généreux aussi sûrement que la focale de leur portable et appareils photo. Qui fait la fortune des groupes LVMH et Richemont.

Le Japon est un pays développé. Mais c’est aussi un archipel de 6000 îles, longtemps fermé aux étrangers, tiraillé par un modernisme forcené et dérangeant et un archaïsme social déroutant. Un pays où la communauté joue un rôle essentiel pour comprendre la société dans laquelle la population s’entrecroise. Un pays qui a appris à se battre psychologiquement, et non pas uniquement techniquement, contre les Eléments.

Je me rappelle le tsumani de 2004 (que j'avais évoqué ici). Et quand je vois les images aujourd’hui, je me rappelle hier avec un picotement familier dans l’estomac et des larmes qui perlent.

Alors au-delà des images « apocalyptiques », je préfère me concentrer sur la dignité des victimes, leur résilience, leur sang-froid.

Je me pose aussi cette question. Face à un cataclysme de cette nature, ferions-nous aussi bien ?


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15 réactions à cet article    


  • paul 16 mars 2011 09:51

    Dignité et discipline de la population, bien sûr .
    Et cette question en fin d’article , la question qui tue : « ferions nous aussi bien » ?
    Sous entendu : non, nous ne faisons que protester et se plaindre, c’est ça ?

    Moi je vois plutôt beaucoup de résignation, de la soumission, qui a fait accepter à la population
    un programme nucléaire dingue, en bordure d’une zone à très haute sismicité .
    Pas sûr qu’ils restent « dignes » longtemps les japonais, quand ils se relèveront de la catastrophe
    La résignation est l’ennemi de la démocratie .En France, c’est sans aucun débat que se poursuit le programme nucléaire . Quelle dignité ! Jusqu’à la prochaine catastrophe ?


    • titi titi 16 mars 2011 12:44

      Euh... Paul... au cas où vous l’auriez pas remarque, il y a eu un séisme de puissance 9 et un raz de marée.

      Puisqu’on parle de dignité, faudrait aussi penser à par faire de récup’...


    • paul 16 mars 2011 14:23

      @ Titi
      Quelle récup ? ce n’est pas d’aujourd’hui que le programme nucléaire inquiète, parce qu’il s’accomplit sans aucun débat, c’est l’opacité complète .
      Savez vous que Super Phénix, dont le démontage est en cours, aura consommé plus d’électricité qu’il n’en a produit , pour un coût de quelques dizaines de milliards ..aucune info au public .
      Sans parler de très nombreux « incidents » dont la liste a été donnée dans des articles récents de
      ce site .La maintenance est confiée de plus en plus à des entreprises privées, ce qui n’est pas
      compatible avec la sécurité en raison de la recherche permanente de réduction des coûts .


    • Ariane Walter Ariane Walter 16 mars 2011 15:45

      Exactement ce que je pense !
      Les maîtres adorent que leurs escalves soient stoïques et ne bronchent pas !
      Kamikaze et hara-kiri !
      Tu parles d’une civilisation !


    • Nanar M Nanar M 16 mars 2011 12:49

      Blablabla, ces gens la sont juste groggy et il y a de quoi.
      Attendez un peu qu’ils reprennent leurs esprits.
      dailleurs :
      Il était 11h00 à Tokyo lorsque le premier ministre nippon Naoto Kan a reconnu mardi la menace sérieuse que présente la centrale nucléaire de Fukushima endommagée par le séisme du 11 mars. Cette déclaration a provoqué une vague de panique parmi la population, rapporte l’envoyé spécial de RIA Novosti, Tom Balmforth.


      • Ariane Walter Ariane Walter 16 mars 2011 15:46

        Dernière phrase parfaite à laquelle je souscris totalement.


      • ALBIE Alain 16 mars 2011 14:32

        "Après la tragédie de décembre 2004 qui a frappé l’Asie et une partie des pays bordant l’océan Indien faisant près de 250’000 victimes, c’est au tour du Japon, six ans après, d’être frappé par le séisme et le tsumani tant redoutés."

        Merci pour les 30 000 morts du Sichuan en 2008, ils seront heureux de savoir qu’ils ne font pas partie des êtres humains.

        Et ça vient faire un article parlant d’humanisme avec un ton aussi doucereux que faux-cul , chapeau l’artiste !


        • Cocasse cocasse 16 mars 2011 15:06

          Face à un cataclysme de cette nature, ferions-nous aussi bien ?

          Bien sur que non, les japonais apprennent à faire face aux situations de catastrophes dès qu’ils sont à la maternelle. Ils font sans arrêt des exercices pour savoir gérer ces situations de stress, et réagir dans la discipline et le calme. Ils ont des plans d’évacuation et de gestion des catastrophes suivant leurs types. Ils sont bien préparés.


          • ALBIE Alain 16 mars 2011 15:18

            @l’auteur : Si vous avez un moment entre deux crises de larmes de compassions, jetez un oeil à ceci, c’est en partie pour vous, même si hélas vous n’êtes pas le seul dans ce cas.



            • Redj Redj 16 mars 2011 17:57

              C’est bien,


              mais la dignité, ce n’est pas ça qui va soigner les cancers qui vont se déclarer, ce n’est pas ça qui va rendre l’eau contaminée propre à la consommation.

              Bref, leur dignité, cela leur fera une belle jambe quand ils seront à l’agonie. Ah mais oui, même à l’agonie ils resteront dignes. Snif ! 

              • easy easy 16 mars 2011 19:55

                Il serait injuste, dans cette appréciation, de ne pas d’abord considérer ce que ressent un Japonais rescapé. Et sans aucun doute, il répondrait qu’il vise une attitude digne.

                Mais l’attitude digne, avait été celle de mon père Viet, un jour que la police des frontières de Saigon avait refusé qu’on décolle et que ma mère Picarde, pas digne du tout, avait couru après un de ces flics pour lui percer le crâne avec son talon aiguille, le tout à travers l’aéroport.
                 
                Bon, en l’occurrence, l’attitude de ma mère a rendu la situation encore plus complexe et il est vrai qu’on y gagne souvent à maîtriser ses nerfs, à faire preuve de calme.

                Mais de fil en aiguille, à force de ne pas exploser, de ne pas grimper aux rideaux, on en vient aussi à tout accepter, à monter dans un wagon à bestiaux, à se déhabiller en masse en hiver et devant des soldats.

                Ainsi, je considère qu’il faut de tout. Il faut, en premier temps maîtriser ses nerfs et en second temps, savoir les lâcher pour se révolter.


                Sans calme, pas de rescapés d’un incendie
                Sans crises de nerfs, pas de révolution.


                • Vent d'est Vent d’est 16 mars 2011 22:05

                  Bon article et bonne description comme il a été dans certains commentaire. Je suis aussi impressionné par la dignité des Japonais. Mais je rejoins également d’autres commentaire sur le fait que les Japonais sont un peu « trop dignes » oubliant de revendiquer leurs droits et obéissant sans trop poser de question à « l’élite ».


                  • tvargentine.com lerma 16 mars 2011 22:19

                    Il est vrai que les Japonais sont un peuple digne et non pas comme ces « journalistes » français qui font dans le catastrophisme pour mieux indexer sur la publicité leur part de marché médiatique.

                    Personnellement,j’ai décidé de regarder ARTE ou France5 à la place du JT

                    Pour le reste,le JAPON est un pays très riche qui n’aura pas besoin de la misère des pays européens en faillite et encore moins des « vautours » des mouvements « associatif » qui aimeraient bien se remplir les poches avec des appels aux dons

                    Je note ici ou la ,que des politiciens voleurs,ont déjà franchi le pas ,peut être pour financer les élections présidentielles de 2012 et leur place pour un portefeuille ????

                    http://www.tvargentine.com/sejour.html


                    • Tetsuko Yorimasa Tetsuko Yorimasa 17 mars 2011 04:18

                      J’en ai marre de tous ces gens qui théorisent sur ce que nous sommes ou ne sommes pas.

                      Pour répondre à Paul, Nous ne sommes pas soumis, il ne faut pas confondre la soumission et la discipline, toi Paul, tu manques juste un peu de discipline et de toute apparence quelque chose soumet ton esprit.

                      J’en ai également marre de la comparaison continuelle avec les Chinois et ceci à tout les niveaux.
                      Les Chinois comme les Japonais n’ont pas le monopole de la souffrance.

                      Dans ces temps difficiles nous sommes juste pragmatique, aujourd’hui n’est pas le moment pour gesticuler comme certains le font très bien dans les médias et dans certains gouvernements, si vous Français ne croyez pas dans votre gouvernement, ça vous regarde, de notre coté nous n’avons pas beaucoup d’options vers qui lesquelles nous tourner et faire confiance, donc se sera vers les personnes pour qui ont a voté.

                      j’ai parfois l’impression que vous oubliez que nous sommes une démocratie et vous verrez
                      Il arrivera un temps où nous allons demander des comptes ne vous en faites pas.


                      • ALBIE Alain 21 mars 2011 05:08

                        « j’ai parfois l’impression que vous oubliez que nous sommes une démocratie »

                        à compléter :

                        j’ai parfois l’impression que vous oubliez que nous sommes une démocratie américaine

                        Cela me fait rire de lire de la part d’une seule personne qui parle au nom d’un peuple .

                        Nous sommes, nous ..... Même pas sûr que cette personne y habite.

                        Oui, je sais, ce n’est pas politiquement correct. Disons que « Nous sommes tous Japonais, sauf moi », c’est cela aussi la démocratie.

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