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Accueil du site > Actualités > International > L’indépendance et la partition des Indes britanniques

L’indépendance et la partition des Indes britanniques

« C’est une erreur de croire qu’il n’y ait pas de rapport entre la fin et les moyens, et cette erreur a entraîné des hommes considérés comme croyants à commettre de terribles crimes. C’est comme si vous disiez qu’en plantant des mauvaises herbes, on peut récolter des roses. » (le Mahatma Gandhi, 1910).



Il y a exactement soixante-dix ans, le 15 août 1947, les Indes britanniques sont devenues deux pays indépendants, l’Inde et le Pakistan, conformément à la loi votée par le Parlement britannique le 18 juillet 1947 ("Indian Independence Act"). En fait, l’indépendance du Pakistan a été célébrée la veille, le 14 août 1947, pour permettre à Lord Mountbatten d’être présent aux deux célébrations d’indépendance, à Karachi le 14 août 1947 et à New Delhi le 15 août 1947.

Reprenons les faits. Pourquoi "les" Indes, d’abord ? Parce que les Indes britanniques recouvraient un vaste territoire au sud de l’Asie qui correspond à plusieurs pays actuellement : l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka (île Ceylan) et la Birmanie. Les deux derniers pays furent indépendants l’année suivante, le 4 janvier 1948 pour la Birmanie et le 4 février 1948 pour le Sri Lanka.

Entre les deux guerres mondiales, les mouvements séparatistes et indépendantistes se sont développés, demandant l’indépendance. Notamment, le massacre d'Amritsar, le 13 avril 1919, amorça le mouvement pour l'indépendance initié par le Mahatma Gandhi. Il y a eu des répressions, mais aussi quelques réformes politiques pour rendre plus démocratique l’empire britannique dans les Indes (notamment avec le Government of India Act de 1935). La participation à la Seconde Guerre mondiale des Indes britanniques fut contestée par une partie des Indiens, notamment les hindous (certains cherchant même leur salut auprès des nazis), tandis que les musulmans étaient plutôt favorables à la position du Royaume-Uni de Churchill pendant la guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, il ne faisait plus aucun doute que les Indes britanniques allaient être indépendantes. Quatre personnalités clefs (entre autres) eurent une action déterminante dans l’indépendance mais aussi la partition de ce territoire.

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D’abord, Lord Louis Mountbatten (1900-1979), qui était l’oncle de l’actuel prince consort Philip (le mari de la reine Élisabeth II). Militaire (amiral), il fut nommé vice-roi des Indes le 21 février 1947 par le Premier Ministre britannique Clement Attlee avec la mission de préparer l’indépendance et la partition. Il fut ensuite gouverneur général du 15 août 1947 au 21 juin 1948 sous le règne de George VI. Cependant son prédécesseur Archibald Wavell, également militaire (maréchal) et vice-roi des Indes du 1er octobre 1943 au 21 février 1947, par ses talents de diplomate, avait largement préparé le terrain et ouvert la voie de la négociation.

Ensuite, il y a eu deux leaders historiques de l’indépendance, hindous, issus du Congrès national indien. Il s’agit d’un parti (toujours existant) fondé le 28 décembre 1885, d’inspiration socialiste modérée, dont le (premier) objectif était l’indépendance de l’Inde. Ces leaders, ce furent le Mahatma Gandhi (1869-1948), prônant la non-violence, et Jawaharlal Nehru (1889-1964). Enfin, il y a eu Muhammad Ali Jinnah (1876-1948), le leader de la Ligue musulmane, fondée le 30 décembre 1906 à Dacca.

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Gandhi était un partisan de l’unité indienne et refusait la partition, surtout pour des considérations religieuses, et il était assez traditionaliste, fustigeant le mode de vie marchand à l’occidentale. Nehru aussi était initialement favorable à l’unité indienne, prônant un modernisme laïc beaucoup plus avancé que Gandhi, favorable aux réformes économiques pour industrialiser l’Inde, mais il s’est rangé finalement auprès des partisans de la partition pour soutenir le plan Mountbatten et rester maître de la situation politique. Quant à Jinnah, musulman, là aussi, initialement, il était contre une partition religieuse mais la Ligue musulmane était très largement majoritaire en faveur de la partition (résolution de Lahore adoptée le 23 mars 1940). Jinnah s’est rangé en 1946 à l’avis de son parti.

Le 22 mars 1940 à Lahore, Jinnah a d’ailleurs déclaré l’incompatibilité des deux cultures : « Il est extrêmement difficile d’apprécier pourquoi nos amis hindous ne parviennent pas à comprendre la nature réelle de l’islam et de l’hindouisme. Ce ne sont pas des religions au sens strict du mot, mais, en fait, des ordres sociaux différents et distincts, et l’idée que les hindous et les musulmans puissent jamais créer une nation commune est un songe, et cette erreur d’une nation indienne unique rencontre des difficultés, et mènera l’Inde à sa destruction si nous échouons à corriger nos idées à temps. (…) Assujettir ensemble deux telles nations sous un seul État, l’une en tant que minorité numérique et l’autre comme majorité, ne manquera pas de mener à un mécontentement grandissant et à la destruction finale de toute structure qui pourrait avoir été conçue pour le gouvernement d’un tel État. ».

Il a donc fallu partitionner les Indes. La partie hindoue et sikhe deviendrait l’Inde, et la partie musulmane le Pakistan (acronyme inventé en 1933), en deux parties, occidental et orientale. La finalisation a eu lieu au cours d’une conférence le 3 juin 1947 à New Delhi avec Mountbatten, Jinnah et Nehru (qui était Vice-Président du gouvernement par intérim).

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Parmi les territoires qui posaient des problèmes, il y a eu le Pendjab, coupé en deux, une partie pakistanaise avec Lahore (à l’ouest) et une partie indienne avec Amritsar (à l’est), et le Bengale, coupé aussi en deux, avec une partie occidentale indienne et une partie orientale pakistanaise. Ce fut un avocat qui ne connaissait rien aux Indes qui dirigea la commission chargée de tracer les nouvelles frontières.

Les États princiers avaient droit à l’autodétermination (choix entre l’indépendance, l’intégration dans l’Union indienne et l’intégration dans le Pakistan). Les États princiers étaient des États indiens dirigés par un monarque local reconnaissant la suzeraineté de la couronne britannique. Quatre États princiers ont posé véritablement problème.

Le Cachemire, qui était dirigé par un maharaja hindou, Hari Singh (1895-1961), avait une population à majorité musulmane avec des régions majoritairement hindoues. Il était tenté par l’indépendance, mais quand des milices patchounes ont voulu l’envahir, il s’est finalement résolu le 26 octobre 1947 à intégrer l’Inde qui lui est venue en aide. Cela a provoqué la première des quatre guerres indo-pakistanaises entre le 22 octobre 1947 et le 1er janvier 1949. Le cessez-le-feu a été déclaré le 31 décembre 1948, quelques secondes avant minuit, avec la partition de l’État avec une partie pakistanaise (à l’ouest), une grande partie indienne (à l’est) et une petite partie chinoise (au nord). Cette région reste très instable et a fait l’objet de plusieurs conflits armés).

Asaf Jah VII (1886-1967), le nizam de l’État d’Hyderabad, un État enclavé en Inde, était musulman avec une population majoritairement hindoue, proclama l’indépendance, mais après la révolte de sa population et l’invasion des troupes indiennes, l’Hyderabad fut annexé le 17 septembre 1948 et le nizam déposé.

Deux autres États princiers, dont les monarques furent musulmans pour une population majoritairement hindoue et enclavée en Inde, ont décidé de s’intégrer au Pakistan, l’État de Junagadh et l’État de Manavadar. Comme pour l’Hyderabad, la population s’est révoltée et les troupes indiennes les ont annexés en 1948 et ont déposé leurs monarques : le nawab de Junagadh, Mohammad Mahabat Khanji III (1900-1959) et le khan de Manavadar, Gholam Moïn ed-Din Khanji (1911-2003). Un plébiscite organisé le 10 février 1948 dans l’État de Junagadh approuva l’intégration de l’État dans l’Inde.

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Entre 1945 et 1948, il y a eu entre plusieurs centaines de milliers et un million de personnes tuées pour des raisons religieuses entre musulmans et hindous. Après l’indépendance, il y a eu beaucoup de déplacements de populations, les personnes d’une religion voulant rejoindre la partie religieuse correspondante, en quittant tous leurs biens (au nord-ouest, 8 millions de musulmans ont quitté l’Inde et 6 millions d’hindous ont quitté le Pakistan ; à l’est, ce furent respectivement 1,5 millions de musulmans et 2 millions d’hindous). Ceux qui restaient malgré leur religion risquaient parfois d’être massacrés. Le film "Gandhi" réalisé par Richard Attenborough et sorti le 8 décembre 1982, récompensé par huit oscars, donne une idée du climat de violence au sein de la population à cette époque.

Le Pakistan oriental prit finalement son indépendance le 26 mars 1971 (création du Bangladesh) avec l’aide de l’armée indienne (cette indépendance fut reconnue le 16 décembre 1971).

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Le Mahatma Gandhi fut assassiné le 30 janvier 1948 à New Delhi par un hindou nationaliste qui fut condamné à mort et exécuté le 15 novembre 1949 (ainsi que son complice). Muhammad Ali Jinnah fut gouverneur général du Pakistan du 14 août 1947 jusqu’à sa mort de maladie le 11 septembre 1948.

Jawaharlal Nehru fut élu Premier Ministre de l’Inde du 15 août 1947 jusqu’à sa mort le 27 mai 1964. Sa fille Indira Gandhi et son petit-fils Rajiv Gandhi furent parmi ses successeurs. Indira Gandhi (1917-1984) du 24 janvier 1966 au 24 mars 1977 et du 14 janvier 1980 au 31 octobre 1984 (date de son assassinat), Rajiv Gandhi (1944-1991) du 31 octobre 1984 au 2 décembre 1989, fut également assassiné le 21 mai 1991. La femme de ce dernier, Sonia Gandhi (née en 1946), est aujourd’hui la présidente du Congrès national indien (depuis le 14 mars 1998), et son fils Rahul Gandhi (né en 1970) son vice-président (depuis le 19 janvier 2013). Motilal Nehru (1861-1931), le père de Jawaharlal Nehru, avait été le président du même parti de 1919 à 1920 et de 1928 à 1929.

Quant à Lord Mountbatten, il fut assassiné à 79 ans (ainsi que trois autres personnes dont son petit-fils) le 27 août 1979 dans l’explosion de son bateau dans la baie de Donegal (Irlande) par un indépendantiste irlandais qui fut libéré en 1998 malgré sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
George VI.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.

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12 réactions à cet article    


  • Yvance77 Yvance77 14 août 2017 11:24

    Franchement sur Avox, vous n’en avez pas marre de lui sucer le créateur à ce piètre billettiste ? On s’en branle pas mal de son actualité, il n’a qu’à demander publication chez Historia. L’actualité de nos jours est bien plus importante et tout autre !


    • Taverne Taverne 14 août 2017 11:52

      @Yvance77

      « L’actualité de nos jours est bien plus importante »

      Et c’est quoi cette actualité importante ? L’achat de la marchandise Neymar pour 222 millions, le dernier tweet de Trump ? Cela restera-t-il dans les faits marquants de l’Histoire ?


    • jymb 14 août 2017 13:17

      Une phrase est dévastatrice pour les temps que nous vivons, la citation de Jinnah affirmant que l’Islam est insoluble avec une autre culture

      « ....ordres sociaux différents et distincts, et l’idée que les hindous et les musulmans puissent jamais créer une nation commune est un songe... »

      Peut-être faudrait il enfin se poser la question ailleurs que sur des forums de discussion....

      • popov 15 août 2017 16:18

        @OMAR

        Relisez le texte. Il ne s’agit pas d’une critique de l’hindouisme comme vous le prétendez, mais de « nos amis hindous (qui sont en faveur d’une nation indienne unique) ».


        Dès que quelqu’un parle de l’islam, vous avez une poussée d’adrénaline qui obscurcit votre compréhension.

        Jinnah constate simplement l’incompatibilité de l’islam avec l’hindouisme, comme on peut constater en Europe l’incompatibilité de l’islam avec les sociétés occidentales.

      • popov 16 août 2017 02:36

        @OMAR

         

        Tu viens de donner une énième preuve qu’effectivement, tu n’es pas français.

         

        Votre phrase est subtilement tournée pour suggérer que je voudrais cacher le fait de n’être pas français, alors que je l’ai déclaré à plusieurs reprises sur ce site : je ne suis pas français, je n’habite pas en France, je vous observe au télescope depuis le fuseau horaire de Yakoutsk.

         

        Évidemment, je n’ai pas comme vous connaissance de toutes les subtilités de la langue française, et ma culture littéraire n’est manifestement pas aussi profonde que la vôtre.

         

        Alors, soyez gentil, donnez-moi un petit cours de français en m’expliquant en quoi le texte que vous citez est une critique de l’hindouisme et en quoi je l’ai mal interprété.

         

        Pour moi, ce texte est très clair. Jinnah constate que l’islam et l’hindouisme sont des modes de vie incompatibles. Faisant ce constat, il se pose en réaliste et présente ses « amis hindous » qui croient au vivre-ensemble comme de doux rêveurs. Je ne vois dans ce texte aucune critique ni de l’hindouisme ni de l’islam.

         

        Mais vous, bizarrement, vous parvenez à y voir une critique de l’hindouisme.


      • popov 16 août 2017 13:39

        @OMAR


        Je vois, vous êtes à court d’arguments comme bien souvent. 

        Alors comme d’habitude, vous insultez, vous divaguez, vous hallucinez, vous pétez un plomb.

        Vous évitez la question que je vous ai posée : qu’est-ce qui, dans le texte cité, constitue une critique de l’hindouisme ?

      • popov 16 août 2017 17:03

        @jymb


        Une phrase est dévastatrice pour les temps que nous vivons, la citation de Jinnah affirmant que l’Islam est insoluble avec une autre culture

        Dévastatrice est le mot. Il suffit de voir dans quel état vous avez mis notre ami Omar.

        Qu’un personnage aussi respecté dans le monde islamique que Jinnah puisse ainsi dire la vérité sans maquillage a de quoi énerver les frères moustoufs dont la politique est de dire que l’islam il est beau il est gentil, qu’il est compatible avec la démocratie, qu’il a toute sa place en Europe. 

        Ceci bien sûr tant qu’ils ne sont pas en nombre suffisant pour imposer par la force leur idéologie totalitaire et rétrograde. Entre temps, ils veulent éviter à tout prix que les gens prennent conscience de la véritable nature mortifère de l’islam.

        Voici un document officiel de l’OCI qui détaille la stratégie d’islamisation de l’Europe par la ruse.

        Et voici les déclarations d’un leader islamique en Australie qui déclare sans maquillage le but de l’islam dans ce pays.



      • popov 16 août 2017 17:27

        @OMAR


        Constatant que vous n’avez pas encore pu rameuter tous les zomars, je vais vous donner un petit coup de main et moinsser mes 4 derniers commentaires. 

      • Decouz 15 août 2017 16:45
        Il ne faut pas trop simplifier, l’Inde (surtout au Nord) a été gouvernée par des dynasties musulmanes pendant des siècles, minoritaires en nombre.

        "La vraie fracture était, en fait, à l’intérieur des deux camps. Face à l’arrogance du colonisateur, les identités se réveillent à la fin du XIXe siècle. Les hindous restaurent les rituels de purification, réactivent le souvenir mythifié du passé prémusulman, reviennent à un esprit de castes rigoureux, au culte de la vache, au sacrifice des veuves. Le nationalisme hindou exploite le mécontentement de populations réticentes à l’occidentalisation de l’Inde et qui se rejoignent dans la référence à un védisme originel qui aurait été perverti par l’islam et le christianisme.

        Même évolution chez les musulmans qui veulent « deshindouiser » l’islam, éliminer le culte des idoles, revenir à la lettre du Coran, chasser le soufisme, perçu comme une contamination de l’islam par l’hindouisme."

        http://www.lemonde.fr/ete-2007/article/2007/08/04/la-monstrueuse-vivisection-de-l-inde_941922_781732.html


        • Decouz 15 août 2017 16:48
           "Mohammed Jinnah est pourtant tout sauf un islamiste. C’est un réformateur moderne, marié à une ismaélienne, mangeur de porc et buveur de whisky, mais il a compris que la seule façon de créer le Pakistan était d’utiliser les oulémas. « C’est parce que des acteurs politiques ont considéré qu’il était de leur intérêt d’activer ces lignes de clivage religieux, conclut le chercheur Christophe Jaffrelot, qu’elles ont fini par devenir pertinentes, alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant. » Le scénario était en place pour le pire. "

          http://www.lemonde.fr/ete-2007/article/2007/08/04/la-monstrueuse-vivisection-de-l-inde_941922_781732.html

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