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Le bassin-versant du Nil

Face à ce sujet de géographie imaginé pour un récent concours de la fonction publique, j'ai essayé d'apporter quelques éléments de réponse. Sans prétendre remplacer bien des travaux approfondis !

 [1] Les termes du sujet donnaient les clefs pour poser une problématique. D'un côté le Nil semble n'appartenir qu'à un seul (l'Egypte), avec tous les problèmes que l'on peut imaginer en terme de relations internationales, en particulier dans la répartition de la ressource en eau entre pays situés en amont et pays situés en aval. De l'autre, le bassin-versant définit l'ensemble des territoires délimités par une ligne (imaginaire) de séparation des eaux. Au sein d'un bassin-versant, les ruisseaux et cours d'eau convergent en direction d'un seul. Ici, il s'agit d'un fleuve puisque le Nil se jette dans la Méditerranée, après la traversée d'un delta. La lettre grecque a justement inspiré le nom de cette forme géographique qui achève la vallée ['Cancuneries']

Le bassin-versant du Nil [dossier-cartes] réunit par conséquent une dizaine de pays du nord-est de l'Afrique, dont les principaux sont l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie. Je signale aux distraits et aux ignorants que la Turquie et l'Afghanistan n'en font pas partie. Que l'on ne me soupçonne pas de tirer une perle exceptionnelle [voir en bas]. Je cite ces deux pays, parce que plusieurs candidats les ont évoqués. Mais un bassin-versant, ce n'est pas qu'une zone de conflits. Et le Proche-Orient peut être un sujet d'étude en dehors des questions de rivalités régionales, de tensions communautaires et/ou religieuses. Dans un bassin-versant rassemblant au bas mot deux cents millions d'habitants dont une majorité survit avec moins d'un dollar par jour et par habitant, la question de l'eau exclut directement ou indirectement toutes les autres [dossier OCDE / Ethiopie]. C'est la maîtrise de l'irrigation qui a conduit une frange de la paysannerie égyptienne à sortir du sous-développement. Encore faut-il montrer que cette réussite est ambiguë.

Les connaissances historiques des candidats étaient ici essentielles pour comprendre et organiser une analyse du sujet. Beaucoup ont cru bon de placer des connaissances imprécises sur l'Egypte pharaonique. Tous ont omis de préciser que celle-ci débordait très largement au sud de la frontière séparant l'Egypte et le Soudan actuels [document]. La Nubie compte sans doute autant que la moyenne et la basse vallée du Nil. Mais Nasser importait bien davantage. Il a été oublié par les candidats. L'ancien officier libre devenu dirigeant de l'Egypte a prétendu guider le monde arabe ou influencer les pays non-alignés ? C'était le responsable du grand barrage d'Assouan qui comptait dans le cadre du sujet. Quels étaient les soutiens financiers de l'Egypte ? Quels ingénieurs ont-ils apporté leur aide ? Quelles décisions politiques, économiques, ou encore militaires ont été prises en fonction d'un objectif unique : maîtriser le Nil ?

On ne peut pas affirmer que les candidats ont montré de la mauvaise volonté, ni oublié les impératifs d'une dissertation. Il manquait néanmoins à une majorité des connaissances approfondies : un bassin-versant comme celui du Nil nécessite l'étude des régimes hydrographiques (équatorial, tropical à saisons alternées, semi-aride, aride), de la répartition de l'alimentation entre le Nil Bleu (Ethiopie), le Nil Blanc et les principaux affluents. Il fallait décrire la vallée principale, avec l'alternance saisonnière entre crues et étiages, entre lit mineur et lit majeur [dossier]. A ce titre, les candidats ont décrit les seules conséquences négatives des aménagements et des activités agricoles. C'est manifestement abusif. Certes, le barrage d'Assouan a modifié le milieu ; mais il a quand même préservé la population de la vallée d'inondations catastrophiques. De la même façon, les agriculteurs utilisent des intrants (pesticides, engrais) mais les famines ont disparu d'Egypte.

Au fond, le sujet permettait d'aborder un extraordinaire paradoxe de l'Egypte nassérienne. Le développement du pays par l'agriculture irriguée et par l'industrie (électricité d'origine hydraulique) a conduit le pays dans une sorte d'impasse. La focalisation sur le Nil se retrouve même dans les investissements réalisés dans le secteur touristique, basé sur l'exploitation des ressources archéologiques ['Nasser à rien']. Les ruraux n'ont cessé de soutenir le régime. Celui-ci les a privés par démagogie et clientélisme d'une révolution. L'agriculture égyptienne n'est ni modernisée, ni économe en eau, ni basée sur des grandes exploitations mécanisées. Les paysans sont nombreux, (trop) féconds et ignorent un monde urbain davantage tourné vers l'extérieur, agité par de nouvelles aspirations, plus ou moins contradictoires ['80 millions d'Egyptiens']. Les Occidentaux amateurs de croisières sur le fleuve attirent et en même temps suscitent pour de nombreuses raisons le mépris. L'Egypte est indépendante. Mais en dépendant exclusivement du Nil et du barrage, le pays accumule les fragilités. Le gouvernement après le départ d'Osni Moubarak aura pour tache de sortir l'Egypte de cette impasse. Car les autres pays présents dans le bassin-versant utiliseront à terme leur part de la richesse en eau.

Sauf à provoquer une guerre très improbable, Le Caire devra accepter cette répartition de la ressource hydrique, en particulier avec les deux grands pays de cette partie de l'Afrique, le Soudan et l'Ethiopie [dossier]. L'échec (relatif) du nassérisme peut toutefois être transposé aux pays visés. Ainsi, l'irrigation à partir du Nil bleu ne permettra pas aux Ethiopiens de sortir de la misère. Le développement passe en effet par une diversification des activités et l'augmentation des échanges ; une gestion internationale et pacifiée des eaux du Nil s'impose donc à plus d'un titre [...]

[1] Extrait compte-rendu concours IA-2011.

[2] « Différents pays se partagent les eaux du Nil, à savoir la Lybie, la Jordanie. /// Les accords sur l'eau sont fragiles sur un continent où les gouvernements de chaque pays africains n'ont pas la réputation d'avoir une stabilité de longue durée (nous le constatons en ce moment !) /// En effet, le Nil est victime du canal de Suez qui est une sorte d'autoroute maritime au débit ininterrompu de bateaux et de marchandises et qui sont une véritable source de richesse. /// Le Nil arrose trois pays, le Tchad, le Soudan et l'Egypte et ne possède pas de grands affluents. /// Son bassin-versant, c'est-à-dire la portion de terrain qu'il arrose s'en trouve considérablement étroit. /// De plus, malgré les régions avides qu'il traverse, le Nil possède une biodiversité très importante avec de nombreuses espèces de poissons et de mamifères entraînant un afflux touristique important. /// De l'agriculture à l'industrie, l'eau est l'une des ressources indispensable. Ce qui en fait un élément particulièrement menacé. L'utilisation de pesticides et de produits chimiques peuvent à long terme affecter la source. /// L'un des problèmes majeurs que peut entraîner un bassin-versant est son ingérence. /// Le Nil fait partie des plus grands fleuves de la planète. Il prend sa source dans la mer Méditerranée./// Le Nil est l'un des plus grands fleuves du monde. Issu de la fusion du Tigre et de l'Euphrate, il représente l'une des principales ressources d'accès à l'eau pour la région du Proche et du Moyen-Orient. /// L'Afghanistan, la Palestine et la Somalie sont des pays proches où des conflits majeurs ont lieux. /// Le Nil, destination fard du tourisme. /// Tout d'abord, le Nil permet aux deux tiers des bateaux de naviguer ; ce qui permet des échanges importants. Traversant plusieurs pays comme l'Egypte ou la Turquie, il facilite les échanges commerciaux entre les différents Etats. /// Rien ne se perd, rien ne se gache, tout se transforme, disait Lavoisier, et il en est de même pour l'eau. /// La Turquie se trouve en amont du bassin-versant du Nil. En quelque sorte, ce qu'elle occasionne sur le Nil redescend directement sur les pays qui se trouvent en aval. /// L'eau a toujours attirée les populations. Symbole également religieux, l'eau est omniprésente dans tous les domaines humains. S'il l'a tant lié à sa foie, c'est parce qu'elle est indispensable à la survie des hommes. En effet celle-ci permet à l'homme de se nourrir et de s'industrialiser. » / Bêtisier collecté sur quelques dizaines de copies.


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1 réactions à cet article    


  • Bruno de Larivière Bruno de Larivière 17 mars 2011 09:07

    W.,
    Et bien d’autres choses oubliées ?! ! Il n’y a ici qu’un petit exercice de synthèse réalisé sur un coin de table. Cela étant, si vous saviez ce que j’ai lu (et noté)... Les perles réunies au-dessus font sourire, mais l’essentiel est plutôt affligeant.
    Merci de votre lecture (et du commentaire), en tout cas !

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