Ce qui ressort du congrès du Fatah c’est le retour aux fondamentaux : « Jérusalem, Réfugiés, Colonies, Frontières »... les quatre problèmes sans solution. Rajoutons que la déclaration de Mahmoud Abbas : « l’Etat israélien ne saurait être reconnu comme Etat juif » ne va pas dans le sens du dialogue ; il est dans la logique du mythe de la reconquête, et pourrait même donner satisfaction aux durs du Hamas pour lesquels les Juifs n’ont aucun de droit sur cette terre arabe.
En soutenant la création d’un Etat palestinien le Président des Etats-Unis a-t-il visé juste ? La réponse de Netannyahou à Obama comportait de tels attendus que l’Etat qui résulterait des contraintes israéliennes (territoire, défense, libre circulation des personnes et des biens, contrôle de l’espace aérien, etc.) n’aurait pas, de fait, la souveraineté que tout Etat se doit d’avoir pour exister. Ce serait une sorte de Bantoustan bricolé pour satisfaire la Communauté internationale et les extrémistes religieux israéliens. Avigdor Lieberman a rejeté sur le Fatah la responsabilité d’"enterrer toute chance de parvenir à une paix avec les Palestiniens dans les prochaines années", ce qui est en quelques mots le compte-rendu que fait la droite israélienne (et sans doute au-delà) de ce congrès, qui arrive il est vrai bien tard pour tourner définitivement la page des années Arafat.
Il n’y a donc, tant du point de vue palestinien qu’israélien, rien de très nouveau : tout le monde connaît ces positions de principe, ces préalables insurmontables, mais on fait : « comme si » en déclarant qu’on va reprendre des négociations tout en sachant très bien que le seul but est, comme jadis et naguère, de négocier. Pour Israël, pendant qu’on négocie, la colonisation se poursuit et il sera d’autant plus difficile de revenir en arrière que l’ex Cisjordanie - la Galilée - aura été mitée par plus de cent implantations israéliennes ; pour les Palestiniens, pendant qu’on négocie on ne lâche rien, ce qui est l’essentiel, le temps jouant en leur faveur, semble-t-il croire, ne serait-ce que d’un point de vu démographique. Tout se passe « comme si » aucune des deux parties n’avait intérêt à ce que la situation se débloque : c’est ainsi depuis cinquante ans et comme jusqu’à présent il n’y a ni vainqueur ni vaincu, tous les espoirs sont donc permis... et les discours possibles. Ce qu’il y a de vraiment nouveau, c’est le mur qui enferme les Palestiniens comme dans un camp.
La question qu’on devrait poser est celle-ci : « pourquoi un Etat palestinien... de plus ? » La Jordanie étant majoritairement peuplée de Palestiniens, est-il raisonnable de créer, sur un territoire qui s’appela jusqu’en 67 la Cisjordanie, et qui était partie intégrante – avec Jérusalem Est – du Royaume hachémite, un Etat palestinien ? En supposant que l’on revienne – avec quelques adaptations – aux frontières de 67, en quoi ce nouvel Etat palestinien se distinguerait-il de ce qu’était la Cisjordanie ? Une république islamique au lieu d’un royaume c’est probable. Mais cet aspect institutionnel doit-il être pris en compte, alors que la continuité territoriale avec la Jordanie, l’histoire – y compris et surtout dans sa longue période -, les hommes, la religion et la culture, font de ces deux entités (Jordanie et Cisjordanie) un ensemble homogène ?
Ce n’est pas en créant un Etat palestinien que l’on va aborder avec plus de chances de succès les « quatre problèmes ». Ainsi des colonies israéliennes et de leur repli de l’autre côté d’une frontière dont la fixation exigera des compromis douloureux pour les deux parties. Bien au contraire : le Royaume hachémite n’apportera-t-il pas dans cette difficile et longue négociation des garanties plus solides et une hauteur de vue que n’aura certainement pas un futur Etat en voie de création ? Bien évidemment oui. Il est souverain, il dispose d’une armée, et il n’aura donc pas à se plier à des exigences israéliennes comme devra le faire – contre nature – un Etat palestinien en création, qui ne sera pendant longtemps que le prolongement de l’Autorité palestinienne avec un autre nom. On peut dire la même chose du problème des « Réfugiés », et du « Statut de Jérusalem » – d’autant que la capitale du Royaume est à Hamann, ce qui peut contribuer à lever une hypothèque en faisant par exemple de Jérusalem une « ville franche » (ou quelque chose de ce genre).
Affirmer que : « Colonies, Réfugiés, Frontières, Jérusalem », ne trouveront pas de solutions dans le processus de création d’un Etat palestinien, mais dans la cadre d’un retour à la situation d’avant 67 qui redonnera au Royaume hachémite l’entière souveraineté sur la Cisjordanie – et Jérusalem Est (suivant des modalités particulières), n’est donc pas une simple formule ; c’est une hypothèse qui mérite l’attention des diplomates, d’autant qu’elle n’est pas en contradiction avec la position exprimée à Beyrouth par le Roi d’Arabie, bien au contraire.
Et Gaza ? Avant 67 Gaza, avant de devenir la « Bande de Gaza », était sous administration égyptienne. Qu’elle y retourne ne serait pas une insulte à l’histoire et aux hommes. C’est, en toutes hypothèses, un problème distinct de celui de la Cisjordanie. On fait certes litière des projets d’union avec elle ; mais cette union n’apporterait pas à l’hypothétique Etat palestinien un changement de dimension tel, ni géographique, ni humain, qu’il en devienne plus crédible.
Si l’Etat israélien est un Etat comme un autre, il ne peut imposer à ses voisins ce que lui-même ne supporterait pas. La situation est pourrie, mais n’est-ce pas de son fait ? Avec sa position dominante – économiquement et militairement – il ne peut attendre de la partie adverse des propositions qui lui seraient particulièrement favorable... Revenir à la situation d’avant 67 est aussi pour lui une sorite possible, quitte à tordre le bras aux extrémistes religieux qui rêvent de conquérir la Galilée.