Le „Diplo”, les tsiganes et la Roumanie
1/-Je vais parler d’un article seulement, parmi les 8 ou 10 articles „légers” que j’ai pu lire ces deux dernières années, émanant du Monde Diplomatique. Souvent ne me choquaient que des tournures de phrases peu heureuses telles „annexion de la Crimée” alors que le mot „rattachement” était à mon sens plus légal puisque consécutif à un scrutin, ou bien une absence d’approche historique pour comprendre la situation dans les balkans et en Ukraine (lutte contre le pan-slavisme et influence du fait religieux, par exemples), cette fois le sujet m’a heurté car il a été apparemment traité en occultant un grand nombre d’informations.
Il s’agit de l’article du Monde Diplomatique, numéro de février 2016, publié en page 22 et intitulé „En Roumanie, tous propriétaires ... ou presque” signé de Mme Beurq, qui explique que les tsiganes roumains n’auraient pas le droit de récupérer leurs propriétés confisquées ... ce qui représente une caricature assez honteuse du travail que nous sommes censés attendre d’un journaliste !
D’abord et historiquement les Roms (Tsiganes) n’étaient pas propriétaires mais en très grande majorité nomades ; dans les années 80 le régime Ceausescu le savait bien, il leur a confisqué leur or (leur seule vraie richesse monnayable) et a tenté de les sédentariser, notamment en les installant à la périphérie des villes et villages, les laissant construire des cabanes, bicoques, maisons, souvent sans aucun permis de construire ; cette sédentarisation a fonctionné, il n’y a quasiment plus de Roms nomades sauf les Inghers, considérés comme des intouchables par les autres Roms ; cette tentative de sédentarisation a existé également en Hongrie, Tchécoslovaquie, Bulgarie, bref partout où cette communauté était importante et peu, voire pas intégrée.
Ce même régime les a aussi laissé s’installer dans les villages peuplés de Saș (prononcer sache, allemands de nationalité roumaine), profitant d’une opportunité offerte par l’Etat allemand dans les années 80, à savoir racheter à Ceausescu ses citoyens perdus à l’est ; le régime en place en Roumanie avait besoin de devises, il a accepté que les roumains d’origine allemande désertent leurs villages de Transylvanie, les Roms s’y sont installés, purement et simplement ...
Ensuite le problème des rétrocessions est extrêmement compliqué, d’abord parce que le coup d’Etat de décembre 1989 n’a rien changé au niveau de la classe politique, donc les dignitaires de la nomenklatura sont devenus anti-communistes et ont gardé ce qu’eux ou leurs parents avaient confisqué aux Boier et aux Chiabur (propriétaires terriens) ; pour les immeubles certains ont été revendus, d’autres ont été rasés ... comment dédommager les propriétaires du départ, ceux spoliés ? Pour les terrains agricoles certains sont devenus constructibles, d’autres ont été réaffectés pour y implanter des usines (par exemple Aro et Melana à Cîmpulung Muscel), là-aussi comment dédommager, et sur quelle valeur ? Et que faire quand ensuite ces usines ont été désaffectées ? Qui va payer la démolition ? Pour les maisons du centre de Bucarest, rasées pour y installer des immeubles et aussi la fameuse „casa poporului”, comment dédommager les gens expulsés et relogés dans des 2 ou 3 pièces, dans des immeubles à la périphérie de la capitale ?
Une autre situation problématique est celle des propriétaires juifs spoliés, quand eux-même avaient profité des années 1850-1900 pour saisir des biens de paysans avec des crédits usuraires (voir le livre „Chestiunea Evreiasca” de Mihai Eminescu (traduction du titre „la question juive”, ce livre n’est apparemment pas édité en France). Il y a aussi ces bâtiments qui pourraient être classés mais ont été transformés en appartement sociaux, donc laissés à des gens (locataires) sans aucune contrainte d’entretien ; qui doit payer la remise en état ? C’est le cas très actuel du „Palatul Braunstein” de Iasi, transformé en logements sociaux et occupé en partie par des anciens de la „nomenklatura”, lesquels aimeraient bien garder leurs privilèges, quitte à en appeler sans aucune gêne à la solidarité va les réseaux sociaux pour payer les frais d’entretien et de réfection.
Enfin cet article est venu au moment où, en Roumanie, des reportages ont été menés dans certaines communes (dont Odobesti, proche de la ville de Titu, département de Dîmbovita) pour y montrer les maisons construites sans aucune autorisation par des Roms partis pour certains mendier et d’autre voler en Suède (ils le reconnaissaient en direct notamment sur la TV Antena 3 le 10 février). Maintenant les gens du coin appellent cet endroit, non sans un certain humour, „cartierul suedez” (le quartier suédois) ; la même chose existe dans la commune de Babadag, les Roms de cette commune ont choisi le Portugal, ça fonctionne aussi là-bas ... et dans tant d’autres pays.. la mendicité, c’est même une affaire qui fonctionne à merveille avec ces „couillons d’occidentaux, prêts à gober n’importe quoi” et à donner à n’importe qui (dixit un Rom au journaliste qui lui demandait pourquoi les occidentaux donnaient).
Donc les rétrocessions, pas si simple et surtout pas si caricatural ....
2/-suite à cet article j’ai transmis au „Diplo” le commentaire ci-dessus, aucun retour, aucune prise en compte dans le cadre du courrier des lecteurs, comme si soit je disais des âneries, soit mon propos n’était pas conforme à la „ligne”. Je ne suis pas un adepte des commentaires critiques sur des sujets que je ne maitrise pas, mais le côté superficiel et caricatural du travail mené par la personne qui a écrit cet article est tel qu’il me semblait normal que soit prise en compte ma réaction et peut-être qu’il soit demandé des explications à l’auteur dudit article.
3/-ces deux dernières années j’ai le sentiment que „le Diplo” est rentré petit à petit dans le rang en devenant de plus en plus conformiste et adepte du „politiquement correct”, c’est dommage car pour moi c’est un „îlot de liberté d’expression et de pensée” qui disparait.
Petite précision :
-le mot Roumanie (en roumain România) vient de Roma, Italie, époque de l’Empire roumain, et n’a rien à voir avec le mot „Rom”
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