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Le miracle n’aura pas lieu

Dans la bataille pour le centre, Barack Obama est en train de perdre son âme, surtout ses convictions qui ont fortement convaincu des millions d’Américains. Il voulait changer la politique, la transformer, il joue désormais selon les règles traditionnelles. Il ne marche plus sur les eaux, Barack Obama, il commence à boire « la tasse ».

«   Où est donc passé Barack Obama   ?   » s’interrogeait il y a quelques jours The New York Times. Le Barack Obama qui a suscité tant d’espoir pour des catégories d’américains désespérés par les «   Busheries   » ou les abus de l’administration actuelle, où est-il donc le «   Prophète   » métis qui faisait la promesse il y a peu, de porter le «   changement   » faisant scandé un «   Yes we can   !  » messianique aux foules de partisans en transe   ? Où est-il l’homme sans bagage qui semblait vouloir aller en croisade contre l’emprise des «   grands financiers   » sur Washington, la corruption, faire tomber les clivages et réconcilier l’Amérique avec elle-même   ? Des questions que se posent à l’heure actuelle les militants du candidat démocrate, déboussolés par le nouveau Barack Obama. Depuis la fin des primaires démocrates, les milliers de supporters de Barack Obama assistent abasourdis à sa volte-face sur des sujets qui l’ont rendu populaire auprès de l’électorat de gauche et même au-delà. «   Serait-il plus conservateur qu’il ne l’a laissé paraître   ? Assurément.   », enfonce l’une des analystes politiques de CNN, tant la remise en cause de certains de ses engagements étonnent les «   légions   » de jeunes qui l’ont transformé en véritable phénomène politique. Mais ce revirement de Barack Obama ne semble guère surprendre les stratèges républicains. «   Il n’avait pas le choix   ». «   Barack Obama à l’épreuve du cynisme politique   »[1], voilà résumé en une expression le nouveau discours de celui que l’on présentait encore il y a quelques semaines comme le John Kennedy noir.  En un rien de temps, le candidat démocrate est passé maître dans l’art du flip-flopping.

Le premier choc est intervenu avec l’annonce par le candidat Obama de renoncer finalement à la limitation aux «   seuls fonds publics   » le financement de campagne des principaux partis américains[2]. Un tollé auprès des supporters séduits justement par le fait que l’interdiction de cet appui financier privé réduirait les risques de corruption et de manipulation des politiques par certains groupes. L’administration Bush a montré à quel point les fonds privés ou de particuliers permettent aux grands financiers de contrôler d’une manière comme d’une autre les orientations de politique générale. Ceci dans le but de préserver leurs intérêts. L’on cite souvent la guerre en Irak comme une manifestation inavouable de cette influence des milieux financiers dans la politique américaine. Mais Barack Obama préfère s’assurer le soutien de «   grosses fortunes   » qui sont prêtes à tout parier sur lui. D’ailleurs, les organisateurs de l’une de ces soirées de fundraising exigeaient de payer plus de trente mille dollars pour avoir la chance de serrer la main du candidat.

En revenant sur sa décision d’empêcher le sénat d’adopter une loi controversée sur la surveillance électronique dans laquelle est garantie l’immunité pour les compagnies téléphoniques, le Sénateur de l’Illinois s’est attiré les foudres des organisations de protection et de défense des droits civiques et d’une partie importante de la gauche du parti démocrate. Car ne pas s’opposer à cette loi, qualifiée de «   liberticide   » par de nombreux juristes, donne l’impression que Barack Obama cautionne le recours aux écoutes illégales mises en place par l’administration Bush quelques temps après les attentats terroristes du 11 septembre. Après avoir dénoncé les atteintes aux droits et aux libertés du citoyen américain par une telle législation en Janvier dernier dans l’un de ses brillants discours, le démocrate a littéralement «   retourné sa veste   » et justifié ce choix par la recherche d’un consensus, d’un compromis, entre les différents acteurs de la sécurité nationale. Comme si sans une constante restriction des droits, les Etats-Unis ne seraient plus à même d’assurer la sécurité de ses populations. Comme si il était devenu impossible de traquer les ennemis de l’Amérique sans toucher au respect et à la préservation des libertés individuelles. Deux notions devenues parfaitement contradictoires aux yeux d’Obama. Un nombre d’intellectuels va jusqu’à se demander s’il n’aurait pas pu voter le très liberticide Patriot Act, passé sous le coup de l’émotion après l’écroulement des Twin Towers, tellement il est vrai que l’homme surprend et semble devenu imprévisible.

Aussi, sa virulence contre les lobbies et autres groupes de pression à qui il jurait de leur dire ses quatre vérités, n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, le sénateur démocrate assure aux chrétiens évangéliques qu’il ira encore plus loin que George W. Bush dans sa volonté de leur redistribuer une «   partie des fonds de l’Etat   ». Alors que des millions d’américains ne souffriraient pas de recevoir plus d’allocations de l’Etat. Alors simple tactique politicienne   ? Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas certain qu’il gagne des points chez les chrétiens évangéliques, largement acquis à la cause républicaine, qui le regarde toujours avec méfiance, voyant en lui un «   islamiste   » sournois et dangereux. Ce qui est sûr c’est qu’il en perd, des points, dans son propre camp car de plus en plus de démocrates considèrent cet engagement de Barack Obama comme une violation grave du «   principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat   » en transformant un «   devoir de l’Etat   » en une «   œuvre caritative   ». Il est clair que Barack Obama est sur une pente très glissante et qu’il joue avec le feu.

Ses commentaires émis sur la récente décision de la Cour Suprême de «   casser l’interdiction des armes à feu en vigueur à Washington   » ont rassuré et ravi la puissante National Rifle Association (NRA), très influent lobby américain, en même temps qu’ils scandalisaient les associations qui luttent contre la violence et pour la suppression du droit constitutionnel de porter une arme. De nombreux partisans du candidat démocrate ont sans doute été affligés d’entendre leur champion affirmé sans cligner des yeux que «   le jugement de la Cour Suprême contenait des mesures raisonnables pour les communautés locales afin de garantir la sécurité de leur quartier   »[3]. Barack Obama semble désormais souscrire lui aussi à la mauvaise interprétation de la constitution américaine faite par les sympathisants pro-armes. Le Barack Obama inventeur de «   l’audace de l’espoir   »[4] n’est plus que l’ombre de son cynisme. Offusqué par la décision de la Cour Suprême «   d’interdire la peine de mort pour des crimes sans homicide   », déterminé à faire de Jérusalem la capitale «   indivisible   » d’Israël – même s’il a regretté le choix des «   mots   » dernièrement, atermoiements sur l’Irak alors que plusieurs sondages montrent clairement que les américains trouvent qu’il n’a pas la carrure d’un Commander in Chief face à un adversaire républicain Mc Cain plus que droit dans ses bottes, Barack Obama exécute la danse du pragmatisme politique[5] avec une virtuosité qui divise son camp et donne du grain à moudre aux républicains.

L’on tente de rassurer, il ne s’agit que de nécessaires «   ajustements   », la course au centre oblige ces nouvelles adaptations justifient les stratèges de Barack Obama[6]. Mais à force de chercher à séduire les indécis, Barack est entrain de perdre les progressistes qui l’ont jusqu’ici porté et en ont fait un phénomène. «   Ce n’est qu’un recul pour mieux sauter   », entend-on dire du coté des associations de jeunes. Pari risqué dans une Amérique qui se lasse trop rapidement des phénomènes et qui a la «   zapette   » facile. Ceux qu’obama est entrain de perdre, il n’est pas certain qu’il les récupère à temps. Pour la plupart des ténors démocrates, l’impression terrible d’avoir, une fois de plus, remis en marche la «   machine à perdre   » est à peine cachée.

Le camps républicain jubile, mais pas trop. Mc Cain a aussi ses chats à fouetter. L’aile conservatrice du parti n’est toujours pas convaincu de son habilité à incarner les valeurs puritaines et trouve certaines de ses positions encore excessivement libérales. Seul un ticket avec un homme de la trempe de Mike Huckabee, pasteur ancien candidat à la nomination républicaine, et véritable révélation des primaires, pourrait éventuellement apaiser l’incrédulité d’une franche des républicains. Hillary Clinton quant à elle, attend patiemment dans l’ombre que la situation devienne ingérable pour Obama et faire son «   come-back   ». Surtout que son expérience, son réalisme et le charme qu’elle exerce sur l’électorat blanc, hispanique peuvent contribuer à la victoire finale en novembre prochain. Mais pour l’instant, elle s’occupe d’éponger sa dette colossale contractée lors des primaires, et se réorganise discrètement.

Dans la bataille pour le centre, Barack Obama est entrain de perdre son âme, surtout ses convictions qui ont fortement convaincu des millions d’américains. Il voulait changer la politique, la transformer, il joue désormais selon les règles traditionnelles. Il ne marche plus sur les eaux, Barack Obama, il commence à boire «   la tasse   ». L’Irak, qui lui a apporté tellement de sympathie, est entrain de devenir son «   bourbier   ». Les certitudes ont fait place à l’indécision. Après avoir martelé qu’il ramenerait les «   boys   » d’ici 2010, il a ensuite laissé entendre qu’il consulterait une fois elu les differents responsables militaires sur le terrain et que seulement après ces consultations il etablirait un calendrier de retrait des troupes. Immense deception auprès des familles de soldats et des americains qui souhaitaient en finir avec l’enfer irakien. Avec quelques sondages moins bons et une chute amorcée dans l’opinion nationale, Barack Obama a tenté ce mardi 15 juillet de redéfinir sa «   road map   » sur l’Irak en essayant de trouver une attitude plus consensuelle. Mais le mal est fait, le scepticisme enfle dans l’opinion. S’il est vrai que les sujets de désaccords profonds demeurent entre Mc Can et lui, par exemple sur les impôts, la sécurité sociale ou la nomination des juges à la Cour Suprême, les derniers «   ajustements   » du candidat démocrate feront tâche d’huile et resteront longtemps marqués dans l’esprit des américains. Malgré un soutien important des jeunes[7], néanmoins plus tempéré qu’hier, certains d’entre eux ont deja la gueule de bois, et en ont la quasi certitude, en novembre prochain, le miracle n’aura pas lieu.



[1] “Still, others warned that Mr. Obama risked being viewed as someone who parses positions without taking a principled stand.” – Source Associated Press.

[2] «   Ses conseillers ont expliqué sa décision de renoncer au financement public de sa campagne en disant qu’il s’appuyait sur un réseau de donateurs individuels venus des quatre coins des Etats-Unis et que, s’il renonçait aux fonds publics, il refusait également les dons des grands argentiers.   » - Source Nouvel Obs.

[3] Source CNN.  

[4] “Mr. Obama was solid on core Democratic concerns like the environment, social and economic justice and how to balance taxes among economic groups.” – Source The New York Times.

[5] “I’m disgusted with him,” said Ms. Shade, an artist. “I can’t even listen to him anymore. He had such an opportunity, but all this ‘audacity of hope’ stuff, it’s blah, blah, blah. For all the independents he’s going to gain, he’s going to lose a lot of progressives.” – Source The New York Times.

[6] “Mr. Blanchard said of left-wing critics he believes have hurt Democrats in past elections. “My attitude is lighten up on the guy. We want to win. Moving to the center is not a crime in this country.” – Source The New York Times.

[7] “We’re frustrated by it, but we understand,” said Mollie Ruskin, 22, who is spending the summer here as a fellow with Politicorps, a program run by the Bus Project, a local nonprofit that trains young people to campaign for progressive candidates. “He’s doing it so he can get into office and do the things he believes in.” – Source The New York Times.


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