Le régime algérien : le vrai visage
La scène politique algérienne se caractérise par une polarisation très forte. Le hiatus entre le mouvement populaire et le régime en place ne cesse de prendre de l’ampleur. Se nourrissant de la détermination des citoyens de tous bords, le mouvement populaire se veut inébranlable. Les voix qui s’élèvent de partout laissent entendre qu’il n’y aura point de répit tant que la dictature continuera à sévir impitoyablement et impunément.
De plus en plus isolé, le régime compte, pour sa survie, sur des soutiens, intérieurs et extérieurs, fragiles, circonstanciels et fortement contestés. Durant ces derniers mois, il a joué toutes ses cartes dans des manœuvres dirigées contre un peuple en quête de changement. Il a dès le départ misé sur l’essoufflement de la contestation sous l’effet d’une éventuelle démobilisation massive. Tous ses calculs se sont finalement révélés faux. Comme quoi il faut se garder de parier contre son peuple, au risque de se faire démasquer au grand jour.
Les partenaires du régime sont : (1) les trolls sponsorisés (en ligne), (2) les policiers, les juges et les journalistes d’une certaine presse aux ordres (sur le terrain). Sont résumées, ci-après, les stratégies déployées pour tenter de déstabiliser le mouvement populaire :
- Diabolisation
La stratégie de diabolisation est en elle-même diabolique. Elle repose sur la destruction de la trame nationale par la réactivation des vieux démons du régionalisme, de l’ethnocentrisme, du racisme et de la division. Il s’agit d’une stratégie d’attaque qui consiste à dénaturer la réalité de sorte à donner une mauvaise image des personnes ou des objets susceptibles d’inspirer positivement les esprits. Cette stratégie offensive fonctionne à l’échelle cognitive. Elle interpelle les représentations mentales des uns et des autres. Elle remet en cause des faits longtemps intériorisés pour en donner une version erronée. Son terrain de prédilection est la falsification de l’histoire des régions historiques du pays et la dévalorisation du parcours des figures de l’opposition. Au nom de cette diabolisation, soutenue par des campagnes de trolling, les Kabyles sont passés pour des « zouaves » et le moudjahid Lakhdar Bouregaa pour un « usurpateur ». Il y a là de quoi faire taire le plus éloquent des orateurs. Le mensonge est tellement flagrant qu’il ne reste plus rien à dire.
- Terreur
La brutalité est le point fort du régime algérien, déjà habitué aux putschs et aux coups de force. Jusque-là, il faut le reconnaitre, il n’a fait usage que de la matraque, des canons à son, des canons à eau et des bombes lacrymogènes. En tout cas, il n’a pas eu l’occasion de recourir à son arsenal létal en raison du caractère pacifique de la contestation. Certes, Bouteflika était mauvais, mais ses successeurs sont pires. Pour se maintenir en place, ces derniers font appel à la stratégie de terreur, dont les leviers sont la provocation, l’humiliation, l’agression physique, la répression, l’emprisonnement et les faux-procès. Cette stratégie est dotée d’un bras sécuritaire et d’un bras judiciaire qu’elle fait jouer à la demande. En exécutant les ordres, les policiers et les juges semblent avoir choisi leur camp.
- Désinformation
A l’exception de quelques titres, la presse algérienne n’est pas indépendante. La télévision publique et beaucoup de médias privés ont fait allégeance à la dictature militaire en place. Les journalistes libres sont pourchassés et jetés en prison, à l’instar de Said Boudour, Adel Azeb, Abdelmoundji Khelladi et Sofiane Merakchi. Ce qui est reproché à cette presse est d’être partiale dans son traitement de l’actualité. Il n’est tout de même pas normal de rapporter tout ce qui se passe dans le monde entier et d’ignorer ce qui se passe dans la rue algérienne. Pendant que de nombreuses figures de l’opposition sont boycottées et interdites d’antenne, des tribunes entières sont offertes aux partisans du statu quo. Contrairement à leur vocation première, ces médias passent leur temps à soigner l’image de l’institution militaire. Au lieu d’être le lieu par excellence du débat contradictoire, ils ont fait du futur scrutin présidentiel, largement rejeté par les forces actives de la société civile, leur cheval de bataille.
- Décapitation de l’élite
Selon la logique du régime algérien, aucune tête ne doit se distinguer du lot. Se cache derrière cette loi un mépris institutionnalisé envers l’élite pensante. Plus qu’un outil agricole, la faucille (el mendjel) est investie d’une forte symbolique renvoyant à l’acte de décapiter les têtes trop visibles comme des épis de blé. Cette stratégie vise à priver le mouvement populaire de tout leadership. En témoigne l’emprisonnement de plusieurs personnalités politiques proches des idéaux du peuple.
- Recours à la « main étrangère »
Le peuple algérien fait sa révolution dans la transparence la plus totale. Le pouvoir, quant à lui, mène sa contre-révolution dans des conditions peu orthodoxes. Dépourvu de toute légitimité, ce dernier tente de vendre son âme au diable sur le concert des nations. La loi sur les hydrocarbures est l’un des billets utilisés pour acheter la complaisance des puissances étrangères. Dans le même sillage, la fermeture de la chaine Al-Magharibia, qui diffuse depuis Paris, intervient à la demande d’Alger. La rencontre du président intérimaire, Abdelkader Bensalah, avec le président russe, Vladimir Poutine, ce 24 octobre 2019, confirme cette tendance, désormais symptomatique, à se mettre à plat ventre devant les décideurs étrangers en sollicitant leur soutien et leur indulgence.
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