Les poursuites de la CPI contre des dirigeants israéliens
Le 21 novembre, la CPI décidait de poursuivre le premier ministre israélien Nétanyahou et son ministre de la défense Galant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza entre le 8 octobre 2023 et le 20 mai 2024 au moins. Une première qui déclencha naturellement une controverse, tant le conflit entre Israël et la Palestine focalise un océan de passions. Le premier ministre israélien crie à l’antisémitisme.
Au risque de passer pour l’héritier des cavaliers d’Offenbach, je me permets ici quelques réflexions.
Rappel préalable : il s’agit ici d’une mise en accusation devant idéalement conduire à un procès. Il n’est donc question que d’établir « des motifs raisonnables de croire que… ». Une condamnation effective ne pourrait résulter que du procès. Tout le monde sait que celui-ci n’aura probablement jamais lieu ; l’affaire est donc surtout symbolique.
- L’antisémitisme ?
Qu’est-ce que l’antisémitisme ? Avant de le définir, considérons deux concepts :
- Le racisme : selon le Robert : « Idéologie postulant une hiérarchie des races. Ensemble de réactions qui, consciemment ou non, s'accordent à cette idéologie ».
- La xénophobie : outre son sens général, il me semble utile de lui reconnaître un sens particulier : la haine d’un peuple pour d’autres motifs que la prétendue infériorité raciale.
Dans le racisme, il y a un dominateur et un dominé ; dans la xénophobie, pas nécessairement. Le sentiment de supériorité du dominant peut se fonder sur un préjugé relatif à l’intelligence ou à la vertu morale. La distinction d’avec la xénophobie n’est pas toujours évidente, d’autant plus que l’attitude xénophobe peut rechercher des motifs racistes pour justifier une détestation qui existe indépendamment d’eux. Un exemple de xénophobie est la haine qui a prévalu entre Allemands et Français du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale. Des préjugés moraux ont existé dans les deux camps, mais ils servaient à « habiller » la xénophobie.
L’antisémitisme est le racisme à l’adresse des Juifs. L’Occident chrétien l’a pratiqué au cours des siècles. Probablement, peu de gens les croyaient inférieurs intellectuellement ; c’est donc le sentiment d’infériorité morale qui motivait cette haine. Le IIIe Reich était ambigu : leur fantasme des différences crâniennes pourrait donner l’impression de la croyance en une infériorité intellectuelle mais vu le nombre de savants et d’artistes juifs, c’est peu probable.
- Les poursuites de la CPI.
Netanyahou a dénoncé les poursuites dont il est l’objet comme du « pur antisémitisme ». On pouvait s’y attendre. Chaque critique contre la politique israélienne fait l’objet de cette accusation de la part des dirigeants de ce pays et de ses alliés depuis plusieurs décennies. L’idée que la CPI veuille poursuivre Netanyahou parce qu’il est juif est grotesque. Les faits incriminés sont bien documentés et vaudraient de telles poursuites à n’importe quel chef d’Etat, du moins il y a lieu de l’espérer.
Page consacrée à cette affaire sur le site de la CPI : https://www.icc-cpi.int/fr/news/situation-dans-letat-de-palestine-la-chambre-preliminaire-i-de-la-cpi-rejette-les-exceptions
La motivation des poursuites est bien expliquée sur ce document pas trop long à lire. Ne le passez pas.
Par l’usage inconsidéré du terme « antisémitisme », Nétanyahou et ses alliés réduisent son potentiel, ils le désarment, le mutilent, le rabaissent à n’être qu’une simple insulte comme on dirait « salaud » ou « crapule ». A l’heure où le concept garde toute son actualité, la dévalorisation du mot est regrettable.
Netanyahou a même comparé son cas à ce lui de Dreyfus. Pauvre Dreyfus, lui qui n’avait jamais fait de mal à une mouche.
Heureusement, de plus en plus de Juifs prennent part aux manifestations de défense des palestiniens en Europe, clamant « pas en notre nom ».
Le président des Etats-Unis, Biden, a jugé « scandaleuse » la décision de la CPI. Il est bon de rappeler pourquoi les Américains ne participent pas à la CPI. Certains de leurs responsables pourraient être poursuivis pour des crimes de guerre commis notamment lors de l’invasion de l’Irak. En tant que puissance à vocation hégémonistes, l’Amérique veut se ménager la possibilité d’utiliser tous les moyens y compris ceux qui sont en contradiction avec le droit international. Au fond, c’est comme Netanyahou, mais en plus vaste.
Les dirigeants de l’extrême droite européennes comme le Hongrois Orban et le Néerlandais Wilders ont manifesté leur solidarité avec Netanyahou, lui aussi d’extrême droite. On conçoit aisément que tous ces gens sont sur la même longueur d’onde. Et n’oublions pas que le racisme anti-arabe est un article de leur fonds de commerce.
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