MH17 - A la recherche du mobile : la clef diplomatique
Avant de Poursuivre, la série d'articles sur la désinformation et les intoxications médiatiques liée au drame du MH17, il est essentiel de replacer les faits dans le contexte géopolitique de l'été 2014.
La destruction du MH17 et la mort de ses passagers ont de part sa brutalité totalement écrasé l'actualité ukrainienne de Juillet 2014. Dans la mémoire collective, ce mois commence le 17 à 15h15 (heure française). Or le drame se tisse, les destins s'infléchissent dans les semaines précédentes.
Du point de vue militaire cette période correspond à la fin du cessez-le-feu du 21 juin. C'est le début de la série noire pour l'aviation ukrainienne, peu à peu justifiée par la propagande occidentale par des tirs imaginaires de missiles Pantsirs puis Buks russes.
Ces semaines sont aussi le cadre de la négociation d'un nouveau paquet de sanctions évoqué pour la première fois lors du sommet du G7. La relecture de ces négociations, aujourd'hui totalement occultées, est essentielle pour trouver un mobile à un crime qui resterait sans cela totalement gratuit.
Des sanctions bien timides et sans réelles répercussions pour la Russie.
Les premières sanctions de l'Union Européenne et des USA datent du 17 mars 2014. Elles interviennent suite au référendum d'autodétermination de la Crimée. Dans ses déclarations préliminaires l'Union Européenne invite « la Russie à retirer immédiatement ses forces armées et à permettre un accès immédiat à des observateurs internationaux ». A cette date, les troubles dans le Donbass n'ont commencé que depuis 2 semaines et se bornent à des manifestations pacifiques. L'Europe reconnaît donc la présence des forces armées russes en Ukraine que dans la seule et unique Crimée.
Les mesures coercitives européennes tout comme celles des USA sont symboliques. Elles se limitent à des restrictions contre 21 personnalités auxquelles « une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE et un gel de leurs avoirs détenus dans l'UE entreront en vigueur aujourd'hui ». Autant dire que la première vague de sanctions occidentales a été insignifiante par rapport au gain stratégique pour la Russie que représente la réintégration de la Crimée.
Même l'embrasement du Donbass le 13 avril lié au début de l'ATO n’entraîne qu'une faible réaction de Bruxelles. La proclamation des Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk le 2 mai suivant, ne suscita pas non plus de nouvelles sanctions.
De leur côté les USA, en réponse à la présence de 40.000 soldats russes à la frontière russo-ukrainienne prennent des sanctions plus sévères contre Moscou. Le 28 avril, ils interdisent l'exportation vers la Russie des hautes technologies pouvant trouver une application militaire.
Le 13 juin, à Bruxelles, de nouvelles de sanctions sont prises, les marchandises provenant de Crimée ne pourront plus êtres importées en Europe et vice versa. Autant dire pas grand-chose...
Divergence politique entre l'Europe et les USA.
Durant cette période, la diplomatie européenne à la différence de celle des USA, focalise son action vers une résolution diplomatique de la crise ukrainienne. Le 25 mai, Pietro Porochenko est élu Président. Son élection n'a été rendue possible que par la seule guerre civile qui a exclu l'électorat de l'est du pays. L'absence d'intervention de la Russie dans le processus électoral a entraîné lors du dîner informel des Chefs d'Etat et Gouvernement la suppression du point portant sur de nouvelles sanctions.
Sous la pression de la diplomatie européenne, un premier cessez-le-feu est obtenu le 21 juin. Suite à la reprise des combats la semaine suivante et sous la pression de Kiev, les USA demandent des sanctions économiques (sanctions de niveau 3), creusant ainsi un peu plus le hiatus diplomatique avec les européens.
En effet le Ministre des Affaires Étrangères français de l'époque, Laurent Fabius déclarait le 16 juillet 2014 : "Ce qui est prévu, c'est un certain rehaussement" des sanctions "qui ne va pas jusqu'au niveau 3".
- Pietro Poroshenko s’exprimant au Conseil de L’Europe le 26 Juin 2014.
16 Juillet 2014 : Schisme entre les sanctions américaines et européennes.
Simultanément de part et d'autre de l'Atlantique, au motif que la Russie ne fait pas assez pression sur les rebelles ukrainiens, la question de nouvelles sanctions est débattue. Le Conseil de l'Europe s'ouvre sous une très forte pression de l'Ukraine (1) et de sa diaspora qui ont mené durant la première quinzaine de Juillet un lobbying incessant à grand renfort de fakes news impliquant Moscou. Le président ukrainien s'était entretenu téléphoniquement avec ses homologues français et allemand les 3, 4, et 10 juillet. Selon le Président ukrainien : « L’implication d’Angela Merkel et d’autres dirigeants mondiaux est cruciale pour une résolution du conflit dans l’est de l’Ukraine ». Cette dernière tout comme François Hollande lui assure son total soutien pour l'application de son plan de paix. Le 15 juillet, Pietro Poroshenko s'est longuement entretenu avec Herman Van Rampuy Président du Conseil Européen.
En ce 16 juillet, le Président ukrainien est donc serein, les USA demandent des sanctions de niveau 3, les européens lui assurent son soutien. Cet optimisme se retrouve aussi dans la presse ukrainienne qui se fait l'écho de futures sanctions de l'EU contre des entreprises russes.
Peu après 23 heures, les communiqués officiels tombent : Les USA prennent des sanctions économiques et l'Europe y renonce. Le front commun occidental est fini, le schisme est là.
Situation au 17 juillet :
A la grande satisfaction des ukrainiens, les USA lancent des sanctions économiques contre les plus grandes sociétés russes. Malgré les nombreuses garanties que les ukrainiens pensaient avoir reçues, le Conseil de l'Europe a fait Volte-face et ne prend que des mesures symboliques contre la Russie. C'est un échec cuisant pour le nouveau Président et la diplomatie ukrainienne. Non seulement, ils n'ont pas réussi à convaincre l'Europe de sanctionner économiquement la Russie et de plus ils ont mis fin à l'harmonie diplomatique occidentale.
C'est donc dans un pays en proie à une grande frustration que le MH17 est détruit à 16h15 heure locale.
Après 17 juillet :
Dès le lendemain de la catastrophe le Conseil de l'Europe se réunit, et élargit les sanctions « aux entités qui apportent un soutien matériel ou financier aux actions menées contre l'Ukraine ». Les 29 et 31 juillet des sanctions économiques sont prises contre la Russie. Ainsi deux semaines après la destruction du MH17, l'Europe rentre dans le rang et emboîte le pas des USA. Les occidentaux agissent de nouveau à l'unisson.
Face à un crime deux question se posent : quel suspect avait un mobile ? Et à qui profite le crime ?
L'historique des sanctions suffit à lui seul à répondre à ces deux questions.
Prochain article : MH17 : La machine à fabriquer un coupable.
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