Nucléaire, bourse au pétrole : à qui profite la crise iranienne ?
La
crise avec l’Iran bat son plein depuis plusieurs semaines, tenant en
haleine la communauté internationale face aux développements nés de la
volonté iranienne de braver l’interdiction qui lui est faite d’enrichir
son uranium, signe tangible de sa volonté de produire des armes de
destruction massive nucléaires. Une crise aux ramifications
géopolitiques multiples, bien qu’en grande partie tournées vers Moscou.
La récente visite des négociateurs iraniens tend en effet à confirmer
le retour de la Russie dans le « voisinage proche » de Téhéran. La
possibilité d’un accord global, visant à assurer à l’Iran un
approvisionnement énergétique en échange d’opérations de recyclage de
son uranium en Russie, évoqué par le ministre des Affaires étrangères
russe, Sergueï Lavrov, n’est pas que simple hasard.
Moscou souhaite, en effet, ardemment rejouer un rôle majeur tant en
Asie centrale qu’au Proche-Orient, comme la visite du nouveau Premier
ministre palestinien, Ismaïl Haniyeh,
issu du Hamas, ou encore l’effacement de la dette algérienne la semaine
dernière tendent à le prouver. Reste que l’Iran sait également abattre
ses propres cartes : l’ouverture évoquée par Téhéran d’une Bourse au
pétrole en euros, signifiant la fin du dollar comme monnaie de
référence pétrolière, en est une qui ressemble à s’y méprendre à une
arme de destruction massive autrement plus dangereuse que le dossier
nucléaire lui-même. Peut-être s’agit-il juste, là, de cette réponse
« proportionnée » brandie par les Iraniens face à la menace, ouverte, de
saisine du Conseil de sécurité, ou, voilée, de frappes préventives. Mais
en ce cas, quelle réponse !
Si elle confirme ses intentions boursières, Téhéran aurait de quoi faire « exploser » l’ensemble du système monétaire international, avec pour conséquence inéluctable la chute du billet vert - rappelant au passage le poids titanesque de la dette publique américaine sur l’économie mondiale - qui plus est si l’OPEP la suit dans sa démarche. En agitant ce spectre, les Iraniens tentent sans doute aussi d’enfoncer un coin dans la relation transatlantique, qui aurait pour conséquence paradoxale de permettre aux Européens d’exercer une certaine souveraineté... Mais qui osera cependant franchir ce pas ? Dans un tel contexte, dans lequel chacun est mal à l’aise comme un chien dans un jeu de quilles, il semblerait que les cartes à poser soient encore entre les mains des Iraniens. Sans même qu’ils aient déjà eu à dégainer l’arme atomique... Seule certitude en l’état, de cette crise interposée pourrait très rapidement naître une nouvelle « asymétrie » des relations internationales. Une asymétrie qui verrait l’« arme non conventionnelle » qu’est l’utilisation de la stabilité du prix du pétrole, servir de menace, suffisamment puissante pour faire reculer la communauté internationale, avec les conséquences que l’on imagine...
Emmanuel DUPUY est chroniqueur pour Europeus.org, Secrétaire général de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) et consultant pour le Cabinet d’ingénierie stratégique pour la sécurité
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON