OTAN : l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie suscite bien des oppositions en Europe
Soucieuses de s’écarter un peu plus de la sphère d’influence du Kremlin, l’Ukraine et la Géorgie font des pieds et des mains pour adhérer à l’Otan. Les deux pays, soutenus par George W. Bush, sont confrontés à l’opposition, au mieux à la réserve, de plusieurs pays européens. Et ce, sans parler des menaces russes qui pèsent sur eux.
Le sommet de l’Otan débute mercredi 2 avril, à Bucarest. Au cœur de cette rencontre, officiellement, outre l’Afghanistan, il y a l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Officieusement, le gaz de Gazprom. Et les craintes des pays d’une Union européenne dépendante à environ 25 % du gaz russe et qui garde en mémoire la crise liée à l’élection du président pro-occidental Viktor Iouchtchenko en Ukraine.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, a prévenu : une adhésion provoquerait une « crise profonde » qui aurait « un impact négatif sur la sécurité européenne ». Les Russes, de retour en force sur la scène internationale, tentent de garder leurs anciens satellites sous leur aile ou, plutôt, ne souhaitent pas voir s’étendre dans l’est de l’Europe l’influence du rival américain.
L’Europe craint pour "l’équilibre des rapports de puissance"
Ces menaces russes ont fait leur effet sur les dirigeants européens. La chancelière allemande Angela Merkel a exprimé ses réserves, invoquant pour la Géorgie les risques séparatistes en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Plusieurs autres pays européens rappellent la crise politique qui a secoué le pays à l’automne dernier suite à l’arrestation d’un opposant qui accusait le président Saakachvili d’avoir ordonné le meurtre de plusieurs personnalités influentes par le passé. De violentes manifestations avaient éclaté, conduisant le président géorgien à décréter l’état d’urgence en novembre. Ce dernier avait alors accusé Moscou d’avoir fomenté ces troubles, ajoutant un peu plus aux tensions qui règnent dans la région.
Mais les vraies craintes européennes à l’égard de ces deux adhésions, c’est la France qui les a le mieux exprimées. François Fillon a défendu « l’équilibre des rapports de puissance en Europe et entre l’Europe et la Russie ». Le ministre de la Défense Hervé Morin a été encore plus clair, arguant qu’un accord sur le MAP (Membership Action Plan), largement considéré comme un signe ouvert d’adhésion, n’était possible que s’il n’est « pas perçu comme une menace supplémentaire par la Russie ».
Il faut enfin noter les divisions au sein même de ces deux ex-satellites de l’Union soviétique. Par exemple, comme le rapporte Le Figaro, 30 % des Ukrainiens seulement sont en faveur d’une adhésion immédiate à l’Otan, contre 52 % qui y sont opposés. Plusieurs milliers de personnes, à l’appel des partis pro-russes, manifestaient lundi 31 mars pour protester contre l’intégration.
Tous les moyens sont bons pour s’attirer les faveurs de l’allié américain
Les soutiens, en revanche, ne sont pas nombreux. Si Kiev et Tbilissi peuvent compter sur un George W. Bush en quête de succès diplomatiques alors que son mandat touche à sa fin, ainsi que sur le Canada et neuf autres membres de l’Alliance, anciennement communistes, il n’est pas sûr que, devant le refus du couple franco-allemand à cette occasion réconcilié, cela suffise.
Il faut dire que l’Ukraine et la Géorgie ont donné de nombreux signes de fidélité aux Etats-Unis et au monde occidental en général. Les deux Etats ont envoyé des troupes en Irak et participent à l’opération de maintien de la paix au Kosovo. L’Ukraine est également présente au Liberia et au Liban. Quant à la Géorgie, elle a envoyé un signe fort aux Etats-Unis : dès septembre, elle sera présente en Afghanistan.
Tous les moyens sont bons, nous rapporte Le Monde, pour draguer l’allié américain en Géorgie : inauguration d’une rue George-Bush à Tbilissi, remplacement du russe par l’anglais en deuxième langue au ministère de la Défense, mise en place de présentoirs contenant des brochures sur l’Otan, parution d’une bande dessinée intitulée « Les Aventures d’Ani et Rati en route vers l’Otan »...
La menace Gazprom
Il y a fort à parier que la menace russe, si elle venait à être mise en exécution, le serait par son champion Gazprom, premier exportateur mondial de gaz. Au début de l’année 2006, l’Ukraine a pu constater le poids économique de la plus grosse entreprise russe lorsqu’au 31 janvier 2005 elle a décidé que les tarifs de l’Ukraine seraient désormais alignés sur les prix du marché européen (230 $ contre les 47 $ pour 1 000 m² initialement accordés à l’Ukraine).
Devant le refus de Kiev, Gasprom avait coupé ses injections en gaz vers l’Ukraine qui continua ses prélèvements. La crise s’était internationalisée et des coupures de courant avaient eu lieu à plusieurs endroits en Europe, 80% du trafic transitant par l’Ukraine.
Plus récemment, c’est la Biélorussie qui avait fait les frais de la pression du géant de l’énergie. Minsk avait dû négocier durement le prix de son gaz (qui passa finalement de 47 $ à 100 $ pour 1 000 m²). Gasprom avait, au passage, empoché 50 % de la société biélorusse Beltransgaz...
On comprend mieux les réticences de nombreux pays européens à mécontenter la Russie, d’autant que certains pays sont extrêmement dépendants du gaz russe (Allemagne 37 %, Autriche 55 %, Finlande et les Etats baltes 100 %). Le reste provient essentiellement de l’Algérie, qui a signé un accord d’alliance sur le gaz avec la Russie. Un signe de plus que la pression par l’approvisionnement en gaz a de beaux jours devant lui.
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON