Partenariat de Deauville : Comment la Tunisie est-elle en train de perdre sa souveraineté
À la suite du 14 Janvier 2011 et de la fuite de Ben Ali, l'effervescence internationale cachait mal le malaise de certaines puissances de n'avoir pu anticiper un tel événement. Suite à un certain nombre de tergiversations, parmi lesquelles nous pouvons citer la sortie de Michelle Alliot-Marie, alors Ministre de l'Intérieur en France, lesdites puissances ont décidé de réagir pour ne pas se laisser dépasser par les événements. C'est cette histoire que nous allons exposer ici en décrivant, en décryptant la réaction de ces dites puissances, s'inscrivant dans ce qu'il est convenu d'appeler le Partenariat de Deauville.
I. Le contexte de l'émergence du Partenariat de Deauville
1. Avant le G8 de Deauville
Alors que les gouvernements se succèdent en Tunisie suite aux pressions populaires des différentes Kasbah, la France, premier partenaire économique de la Tunisie, organise son premier voyage le 20 et 21 Avril 2011 sous l'égide du Ministre des Affaires étrangères, M. Juppé, et invite officiellement la Tunisie à participer au sommet du G8 qui se déroulera les 26 et 27 Mai 2011 à Deauville dans le nord-ouest de la France. Le gouvernement tunisien est alors composé de plusieurs technocrates, sous le Premier ministère de Béji Caïd Essebsi, et notamment de son ministre des Finances, M. Jaloul Ayed, technocrate et banquier de carrière ayant survécu à la chute du gouvernement de Mohammed Ghannouchi. C'est dans ce cadre que vont commencer à se mettre en place les premières pierres de l'édifice du Partenariat de Deauville. Une semaine avant le sommet du G8 à Deauville, M. Ayed effectue alors une visite officielle à Washington du 16 au 18 Mai, et y rencontre de hauts responsables de l'administration, le Congrès américain, le FMI et la Banque mondiale afin de préparer le sommet du G8. Il rencontre aussi Michael Forman, Conseiller adjoint à la Sécurité nationale, chargé des affaires économiques internationales et représentant personnel du président Barack Obama aux sommets du G8 et du G20, David Lipton, assistant spécial auprès du président américain pour les affaires économiques ainsi que les sénateurs John Mc Cain et Joseph Lieberman à qui il fait un exposé sur le développement de la situation en Tunisie.
2. Le sommet du G8 de Deauville

3. Après le sommet
Le 14 décembre 2012, un communiqué de TAP intitulé : « Jebali exhorte le G8 à concrétiser les promesses du partenariat de Deauville » rapporte qu’à la clôture de la 9e session du Forum pour l'Avenir, Jebali a appelé les pays du G8 à concrétiser les points du programme sur lequel le gouvernement tunisien et les participants aux G8 se sont mis d’accord. Selon ce communiqué, il leur affirma aussi que « Le gouvernement tunisien s'emploie à réformer les systèmes financier et bancaire et à réviser le code d'incitation à l'investissement ».
II. Les objectifs du Partenariat de Deauville
1. Les acteurs en présence
Avant de rentrer dans le vif du sujet des objectifs annoncés par le Partenariat de Deauville, il est nécessaire de mesure l'ampleur de ce partenariat qui implique un nombre impressionnant d'acteurs internationaux de premier plan. Voici donc la liste des acteurs ayant conclu ce Partenariat de Deauville :
Le G8 (France, États-Unis, Russie, Japon, Allemagne, Canada, Italie, Grande-Bretagne) , l'Union Européenne, l'Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie, le Koweït, les Émirats Arabes Unis, ainsi qu'une multitude d'institutions internationales : Banque Africaine de Développement (BAD), Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social (FADES), Fonds Monétaire Arabe (FMA), Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD), Banque d'Investissement Européenne (BEI), Banque Islamique de Développement (BID), Société Financière Internationale (SFI) (membre de la Banque Mondiale), Fonds Monétaire International (FMI), Fonds OPEC pour le Développement International (FODI), Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), Banque mondiale (BM).
En ce qui concerne les pays récipiendaires de ce Partenariat, il s'agit tout d'abord de la Tunisie, de l'Égypte, du Maroc et de la Jordanie auxquels s'est rajoutée en Septembre 2011 la Libye. La France ayant insisté pour que des pays comme le Maroc et la Jordanie ne soient pas mis de côté et soient impliqués dans ce partenariat.
2. Les objectifs
Parmi les objectifs cités par le gouvernement français concernant le Partenariat de Deauville en 2011, nous pouvons citer l'Office euro-méditerranéen de la jeunesse dont l'objectif serait de former des jeunes de la rive sud en Europe puis de les aider à s'insérer dans leur propre pays ainsi qu'un vaste projet d'installation de gigantesques fermes solaires dans la rive sud de la Méditerranée sous l'égide d'un duo franco-allemand (installation des fermes solaires par l'Allemagne – projet Desertec – et installation de l'interconnexion euro-méditerranéenne par la France – projet Medgrid).
Des points de ce programme sont cités dans un document du FMI publié le 10 Septembre 2011.
Lors du changement de Présidence du G8 à Camp David aux États-Unis les 18 et 19 Mai 2012, l'influence américaine a pu mieux se faire sentir, et les objectifs ont été présentés dans le détail. En effet, des fiches d'informations 1 ont été publiées par le Département d'État américain détaillant les programmes du Partenariat de Deauville pour les cinq pays concernés :
• Développement des PME passant par les actions suivantes : création d'un fonds de soutien pour les PME administré par le FADES ; assistance technique au développement des PME sous l'égide du FMI et d'autres banques multilatérales ; réduction des barrières à l'investissement des pays en transition ; accroissement des efforts pour stimuler le commerce et l'investissement dans la région en renforçant les Accords d'Agadir, le GAFTA, et en élargissant les Accords de Libre-Échange avec d'autres pays ; recommandations concernant le meilleur moyen pour les PME de créer de l'emploi sous l'égide de la plate-forme des institutions financières internationales ; ouverture des marchés des pays en transition et appui technique pour améliorer leur compétitivité au sein des pays du G8 : création d'associations d'entreprises dans les pays du G8 qui créeront des partenariats avec leurs homologues des pays en transition.
• Gouvernance ouverte et participation passant par les actions suivantes : mise en place des réformes pour être éligible à l'Open Government Partnership (OGP) ; création d'un Corps de Conseil en Services Financiers, issus du public et privé pour développer un secteur financier fort, stable, transparent et accessible ; poursuivre la mise en place de la Convention des Nations-Unies contre la Corruption.
• Élargissement des prérogatives de la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement : création d'un fonds spécial de transition en 2012 d'un montant allant jusqu'à 1,3 milliards de dollars et jusqu'à 4 milliards sur les trois années suivantes ; la BERD a principalement pour mission de soutenir le secteur privé et d'accompagner les pays en transition vers une économie de marché.
• Échanges internationaux d'ici fin 2013 passant par les actions suivantes : échange entre les membres du corps législatif, assistance technique pour les assemblées des pays en transition ; échange dans le domaine judiciaire pour une justice indépendante ; échange entre les pouvoirs régionaux et locaux ; échange entre les syndicats.
• Plan d'action de recouvrement des avoirs passant par les actions : publication d'un guide pour le recouvrement des avoirs ; aide à l'écriture de lois ayant trait à cette question et formations ; soutien au lancement du Forum Arabe pour le Recouvrement des Avoirs ; les pays en transition doivent renforcer la prévention et les outils contre la corruption.
• Finance passant par les actions suivantes : lancement d'une Initiative d'Accès aux Marchés de Capitaux en prenant exemple sur l'accord pour une garantie de prêt signé entre les États-Unis et la Tunisie en 2012 ; lancement d'un Nouveau Fonds de Transition à l'égard des pays en transition sous la forme d'assistance technique pour implémenter des réformes critiques dans les domaines : de la gouvernance économique, de l'intégration, du commerce et de l'investissement, ainsi que dans le domaine des réformes institutionnelles ; création d'une plate-forme de coordination des Institutions Financières Internationales, avec la BAD en premier chef de coordination et dont les réformes prônées pour l'année 2012 sont :
• prêt sur la gouvernance, le secteur privé, les marchés domestiques en Tunisie (BAD et BM), en Jordanie (BM) et au Maroc (BM)
• lignes de crédits pour les PME et pour les infrastructures rurales pour une croissance inclusive en Tunisie (BAD)
• soutien des Partenariats Public-Privé via l'Arab Financing Facility for Infrastructure lancée en 2011 par la BM et la BID.
• Développement de compétences pertinentes dans l'enseignement supérieur dans la région à travers l'initiative « e4e Initiative for Arab Youth ».
• la BERD et le FMA font la promotion des marchés de capitaux en Égypte, Jordanie, Tunisie et au Maroc.
Nous pouvons ainsi mesurer l'étendue du programme du Partenariat de Deauville touchant ainsi à tous les domaines de la politique économique d'un pays. La question de la transition n'a dont pas été prise à la légère par les pays partenaires de Deauville. Certaines mesures concernant les réformes structurelles seront très difficiles à mettre en place du fait de leur impopularité, d'où notre intérêt pour décrire la stratégie mise en place par les acteurs du Partenariat de Deauville.
III. Stratégie des acteurs du Partenariat de Deauville
1. Traitement de choc
2. Diviser pour mieux régner
IV. Implications pour la Tunisie
1. Implications économiques
De même, il est significatif d'observer que la signature d'un accord pour un Partenariat Privilégié avec l'Union Européenne n'est pas passée par l'ANC et continue d'être négocié par une administration sans que les députés de l'ANC soient consultés, montrant ainsi que des négociations aussi cruciales échappent à la souveraineté du pays.
Les velléités récentes du FMI de faire passer un Programme d'Ajustement Structurel début 2013 s'inscrit, selon le Gouverneur de la BCT, dans le cadre du Partenariat de Deauville. D'ailleurs quelques jours avant son assassinat, Chokri Belaïd et son Front Populaire étaient allés contre ce PAS du FMI.
Les conséquences économiques sont désastreuses, en effet, d'un point de vue du compte courant, les négociations avec l'UE vont accroître de déficit de la balance commerciale du pays, d'un point de vue du budget, les prêts octroyés par les IFI ne générant aucune ressource propre permettant leur remboursement, vont accroître le déficit budgétaire par une fuite en avant, d'un point de vue du système financier, une plus grande ouverture vers une économie de marché exposera encore plus l'économie tunisienne à la prochaine grande crise qui arrivera suite à l'inéluctable effondrement du dollar. Les réformes concernant les subventions, la caisse des retraites, la fiscalité ou encore le droit du travail vont encore plus fragiliser une population déjà très vulnérable. Nous fournirons une étude plus poussée sur ces réformes structurelles imposées par le FMI.
2. Implications politiques
V. Conclusions
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