Pizzo Addio ! Comment faire du tourisme en Sicile sans verser un centime à la Mafia
La Sicile est sans aucun doute une des plus belles régions d’Italie. Sur l’île vivent d’ « autres Siciliens » qui nous démontrent qu’on peut voyager, se cultiver, acheter, vivre sans enrichir la Mafia. Ce sont des jeunes, courageux et sympathiques. Pour mieux connaître leur action, notre site Altritaliani a interviewé Francesca Vannini d’Addiopizzo Travel, une nouvelle association qui organise des voyages entièrement anti-mafia, des voyages « pizzo-free ».
A. -Qu’est ce que c’est le “pizzo” ? Quand naît-il exactement ? Ne concerne-t-il que les commerçants et les entrepreneurs siciliens ?
A.- Comment êtes-vous perçus sur le territoire sicilien ?
F.V.- Plutôt bien. Depuis des années nous sommes un point de repère pour beaucoup de gens qui se reconnaissent dans nos luttes, et nous avons aussi obtenu une certaine crédibilité dans le débat public à Palerme grâce au travail accompli auprès des commerçants en vue de les inciter à dénoncer le « pizzo ». Certes, il y a aussi ceux qui n’apprécient guère notre action, mais dans un territoire comme le nôtre, c’est normal… Ce qui nous préoccupe le plus, au- delà du jugement que l’on porte sur nous et nos activités, c’est le nombre de personnes qui ne prennent aucune position sur la mafia : les indifférents jouent le jeu du crime organisé.
A.- Comment les bénévoles du Comité Anti-pizzo, les « attacchini », agissent-ils ? D’où vient le nom d’ « attacchini » ?
F.V.- Les bénévoles d’Addiopizzo s’appellent ainsi à cause des toutes premières actions que nous avons accomplies en 2004. Nous sortions à la nuit tombée pour accrocher de petits autocollants bordés de noir où l’on pouvait lire la phrase suivante : UN PEUPLE ENTIER QUI PAIE LE PIZZO EST UN PEUPLE SANS DIGNITE. Aujourd’hui encore ce genre d’action est parmi nos préférées. Nous avons multiplié les messages : de la solidarité envers qui s’oppose à la mafia comme à l’exhortation à dénoncer collectivement le « pizzo ». Leur effet est toujours fort intéressant : les messages que nous accrochons sont lus par beaucoup de gens qui désormais nous connaissent comme les « attacchini ». Parmi nos autres activités, on compte la recherche de nouveaux commerçants qui acceptent d’adhérer à la liste Pizzo-free, le contrôle de cette même liste (pour éviter que des entrepreneurs mafieux ne s’y infiltrent), les projets avec les écoles et les rencontres avec des jeunes, l’organisation d’une foire annuelle consacrée à la consommation critique anti-pizzo, le soutien aux entrepreneurs victimes d’extorsions qui portent plainte et l’organisation de manifestations de protestation lorsque le gouvernement national ou régional met en œuvre quelque chose qui ne nous plaît pas…
A. - Quels conseils pratiques pouvons-nous donner aux touristes français, mais pas uniquement français, qui souhaitent se rendre en Sicile et pratiquer la “consommation critique” ?
F.V.- Voyager pizzo-free avec AddiopizzoTravel ! Cette nouvelle association organise des voyages entièrement anti-mafia, parce qu’elle fait appel pour les services touristiques à des structures qui ne paient pas le « pizzo ». De cette façon, de l’hôtel au restaurant, du car au magasin de souvenirs, le touriste aura la certitude que pas le moindre euro finira dans les poches de la mafia. En outre, un médiateur culturel de Addiopizzo guidera les groupes de touristes durant leur voyage : rien de mieux pour connaître la vraie Sicile qui résiste et se bat pour gagner sa dignité et sa liberté.
A. - Vous sentez-vous soutenus par les autorités régionales et nationales ?
F.V.- Pas tellement, malheureusement. Et nous devons aussi faire très attention : il y a beaucoup de monde qui aurait envie de s’approprier notre initiative pour s’attribuer l’image de l’antimafia. Par conséquent, nous entretenons des relations très critiques avec les institutions ; nous observons attentivement leur manière d’agir pour comprendre à qui nous pouvons faire confiance et à qui non. En revanche, notre rapport avec les forces de l’ordre et la magistrature est fort différent. Ce sont eux qui ces quatre dernières années ont infligé des coups mortels au crime organisé. Nous avons de la considération et du respect à leur égard ; nous collaborons avec eux.
A. - Quelle est votre position au sujet du « décret délégué » sur les interceptions téléphoniques auquel travaille en ce moment le parlement ?
F.V.- Nous sommes radicalement contre. Nous espérons qu’ils comprendront le préjudice que cela porterait aux enquêtes sur la mafia. Souvent on ignore que les enquêtes sur un mafieux sont menées en interceptant non seulement le mafieux lui-même, mais aussi d’autres « associés » ou de ses amis qui ne sont pas eux-mêmes mafieux mais permettent d’arriver à l’arrestation du boss. Ce genre d’interceptions serait de facto interdit par le décret. Nous avons souvent exprimé notre désaccord et nous continuerons à le faire en nous coordonnant aussi avec tous ceux qui partagent ces principes. Nos politiciens ne peuvent pas faire semblant d’ignorer que ce décret est criminel… ces mêmes politiciens qui se vantent d’avoir durement frappé la mafia...comme s’ils avaient eux-mêmes arrêté les mafieux…
A.- Quelle est l’ image de votre région que vous voudriez voir primer à l’étranger ?
F.V.- Bien évidemment celle d’une Sicile en train de changer et qui résiste. Mais surtout nous voudrions faire savoir (et montrer à ceux qui participeront à nos voyages) que
Une interview de Francesca Sensini, pour Altritaliani http://www.Altritaliani.net
Francesca Vannini est bénévole de Addiopizzo depuis 2004. Elle s’est occupée de projets dans les écoles ; depuis un an et demi, elle travaille également pour Addiopizzo Travel.
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