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RD Congo – Rwanda : le Rwanda va-t-il livrer Bosco Ntaganda ?

L’un des criminels de guerre les plus redoutés du Congo s’est livré au Rwanda. Le général Bosco Ntaganda, sous le coup de deux mandats d’arrêt émis par la Cour Pénale Internationale (CPI) se trouve depuis lundi 18 mars dans les locaux de l’ambassade des Etats-Unis à Kigali. Surnommé Terminator en raison des exécutions sans pitié qui ont fait sa sinistre réputation, Bosco Ntaganda a été éjecté de l’Est du Congo au bout de violents combats qui opposent, depuis plusieurs jours, deux factions du M23, la rébellion tutsie soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. L’homme devenait trop encombrant pour la rébellion. Encombrant également pour les dirigeants rwandais qui, après s’être servi de lui en tant qu’allié dans différents mouvements armés de l’Est du Congo, doivent à présent choisir entre le risque de livrer un témoin gênant à la justice et celui de protéger un « ami » à tout prix.

Ce n’était qu’un soldat : la question des responsabilités au Rwanda et au Congo

En effet, Bosco Ntaganda n’a jamais sévi qu’en tant que soldat. Il fut d’abord chef d’état-major de l’UPC (Union des Patriotes Congolais), la milice de Thomas Lubanga , le premier individu condamné dans l’histoire de la Cour Pénale Internationale le 10 juillet 2012. Au sein de l’UPC, Bosco Ntaganda s’est rendu coupable de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment l’enrôlement d’enfants soldats, qui lui a valu le premier mandat d’arrêt de la CPI. Il agissait toutefois sous l’autorité du Président du Mouvement, qui, à son tour, comme la plupart des chefs rebelles de l’Est du Congo, était soutenu par les pays voisins (l’Ouganda puis le Rwanda). Thomas Lubanga fut arrêté, jugé et condamné par la CPI. Mais la question du soutien dont il bénéficiait de la part du Rwanda n’avait pas été soulevée, ce qui risque d’être le cas avec Bosco Ntaganda.

Car après avoir servi en Ituri, Bosco Ntaganda s’est mis au service d’un autre seigneur de guerre, le général Laurent Nkunda, Président du CNDP et principal instigateur de l’effroyable guerre du Kivu. Comme en Ituri, Bosco Ntaganda a été nommé chef d’état-major du CNDP. Et comme l’UPC, le CNDP était soutenu par le Rwanda et les crimes auxquels Ntaganda s’est livré (massacres, viols, assassinats, enrôlement d’enfants) posent aussi bien la question de sa responsabilité personnelle que celle des complicités dont il bénéficiait de la part de son parrain, le Rwanda.

Dans un cas comme dans l’autre, le Rwanda se trouve dans l’embarras. Laurent Nkunda est actuellement sous la protection du Rwanda et l’arrestation de son ancien chef d’Etat-major va nécessairement mener jusqu’à lui et soulever la question de la protection dont il bénéficie de la part des autorités rwandaises depuis janvier 2009. Sauf qu’en livrant les deux hommes, c’est toute la hiérarchie militaire rwandaise qui se retrouverait exposée, comme en témoigne la chaîne de commandement du M23 décrite dans le rapport S/2012/843 des experts de l’ONU[1].

Mais Bosco Ntaganda n’a pas seulement été un soldat au service du Rwanda. Il a été nommé général et placé par le Président congolais Joseph Kabila, à la tête des bataillons des FARDC opérant dans le Kivu. Et comme officier supérieur de l’armée congolaise, les unités sous son commandement se sont livrées à des exactions contre la population, des exactions répertoriées dans les rapports de l’ONU et des ONG. Les autorités congolaises pourraient donc, autant que leurs homologues rwandais, être citées dans la déposition de Bosco Ntaganda à plusieurs titres (chefs hiérarchiques, complices, témoins).

Un témoin gênant

Le déroulement des opérations qui ont abouti à la fuite du général Bosco Ntaganda ne laisse planer aucun doute. Les hommes, commandés par son rival Sultani Makenga, ont été décrits comme étant « lourdement armés ». La violence avec laquelle ils ont dévasté les positions de Ntaganda est a priori surréaliste pour des insurgés issus d’un même groupe ethnique (tutsi) et soutenus par les mêmes parrains (Rwanda et Ouganda). Plus de 150 fidèles de Bosco Ntaganda ont été tués dans les combats au cours desquels, bien évidemment, la vie de Bosco Ntaganda ne tenait qu’à un fil. Il aurait donc pu, ou même dû être tué surplace, ce qui arrangeait bien des gens.

En se réfugiant à l’ambassade des Etats-Unis et en demandant d’être transféré à la CPI, Bosco Ntaganda, qui se croyait toujours dans le coup, a sûrement perçu une trahison d'en haut lieu, une volonté de se débarrasser de lui, à laquelle il semble décidé à réagir en se confiant à la justice. Mais le Rwanda peut toujours se rattraper auprès de son ancien protégé.

Des arguments juridiques

Sur le plan du droit, la remise de Bosco Ntaganda à la CPI n’est pas encore acquise. Reclus à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali, il se trouve entre les mains de deux pays (le Rwanda et les Etats-Unis) qui n’ont pas signé le Statut de Rome créant la Cour Pénale Internationale. Contrairement aux pays signataires, les pays non signataires ne sont pas obligés de livrer un suspect recherché par la CPI. Le Rwanda et les Etats-Unis peuvent ainsi décider seuls du traitement judiciaire à réserver au cas Ntaganda en faisant fi des mandats de la CPI.

Il faut également rappeler que Bosco Ntaganda, de nationalité rwandaise d’origine, peut obtenir de ses avocats d’être reconnu comme sujet rwandais, à l’appui de l’article 7 de la Constitution[2] (du Rwanda) et demander à être jugé au Rwanda. Une astuce juridique qui pourrait raviver le débat sur la « nationalité » des « Rwandais » au Congo, mais dans une procédure judiciaire, la défense ne s’embarrasse pas des considérations d’ordre politique.

Enfin, le Rwanda peut proposer de livrer Bosco Ntaganda aux autorités congolaises en imposant certaines conditions, qu’elles soient ou non de bonne foi. Joseph Kabila a toujours soutenu que Bosco Ntaganda devait être jugé au Congo. Le Président congolais est toutefois dans une situation politique de fragilité telle qu’il ne pourrait pas longtemps résister à la pression des ONG réclamant depuis trop longtemps un procès contre le général Ntaganda devant la CPI.

Boniface MUSAVULI



 


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4 réactions à cet article    


  • Bertrand Loubard 20 mars 2013 18:53

    Pourquoi Ntaganda s’est-il « réfugié » à l’Ambassade US à Kigali ? Est-il réfugié ou invité ? Réfugié, il aurait pu l’être dans d’autres lieux (Ambassade d’Allemagne, de Suisse…en Ouganda ?). Ne semble-t-il donc pas y être bel et bien invité, mais par qui ? Car cela ne s’improvise pas. Il faut un arrangement préalable et les cartes doivent être distribuées minutieusement. Si réellement il avait eu la moindre velléité de balancer Kagamé ou Kabila, il serait mort depuis longtemps, sans chichi, comme les autres. Cependant s’il veut réellement se présenter à la CPI, comme il l’aurait annoncé depuis longtemps, ce n’est manifestement pas pour prendre tous les coups et être condamné maintenant, alors qu’il est recherché depuis plus de 7 ans !….Si c’est pour « témoigner » et « prouver » son « innocence », pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Ou bien en tant que repenti coopérerait-il avec la CPI moyennant clémence et protection ? Il y a comme des procédures anglo-saxonne et un montage à la P.-R. Prosper là-dessous….(?)


    • Hervé Hum Hervé Hum 20 mars 2013 21:15

      Merci pour vos articles Musavuli, j’espère seulement que bientôt l’actualité les feront plus positifs


      • MUSAVULI MUSAVULI 20 mars 2013 22:56


        Hervé Hum,
        C’est mon souhait, mais je ne me fais pas d’illusion. Je peux déjà vous annoncer la suite des évènements. Sultani Makenga est toujours dans les maquis du Kivu, lourdement armé et avec les mêmes exigences que Bosco Ntaganda. Et surtout, il est lui-même impliqué dans une série de crimes de guerre et crimes contre l’humanité répertoriés dans les rapports de l’ONU et des ONG. Joseph Kabila n’étant pas à la hauteur, militairement, et les casques bleus n’étant pas prêts à risquer leur vie, il ne faut pas s’étonner en apprenant une reprise des combats dans le Kivu malgré l’arrestation de Bosco Ntaganda.
        En gros, j’essaie d’espérer comme tout le monde, mais je ne me fais plus d’illusion.


      • Hervé Hum Hervé Hum 21 mars 2013 17:52

        Il faudra bien que la roue tourne.

        Cordialement

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