Réarmement de la Turquie : y a-t-il un pilote dans l’Otan ?
La Turquie est sur le point d’être équipée simultanément du dernier cri en matière de système de défense aérienne (le S-400 russe) et du système d’armes aérien le plus cher et le plus sophistiqué fabriqué par les USA - le JSF35. Comment imaginer que cette puissance régionale ne soit pas tentée d’évaluer la réalité de la furtivité du chasseur US vis-à-vis du système S-400 russe… et que ces données ultra sensibles ne soient divulguées ?
L’histoire est si peu croyable qu’elle pourrait passer pour une plaisanterie. Dans une grande discrétion médiatique, les Etats-Unis ont livré officiellement à la Turquie devant les autorités des deux pays le premier avion JSF35 à Fort Worth au Texas le 21 juin. D’autre part, Erdogan a demandé que le système Russe anti-aérien S-400 commandé en 2017 bénéficie d’une livraison accélérée.
L’arme et la cuirasse les plus sophistiqués du moment et conçus par des pays militairement opposés !
Depuis 2002, la Turquie a participé pour près d’un milliard de dollars au financement du JSF35. Son industrie est impliquée dans sa fabrication. Elle en a commandé cent exemplaires malgré l’explosion de ses coûts d’acquisition et de maintenance.
Mais la Turquie de 2018 ressemble-t-elle à celle de 2002 ? L’ « élection » d’hier prouve que non. Et cela pose des questions cruciales :
- L’achat des S-400 est-il assorti d’une neutralité Russe pour les actions anti kurdes effectuées par la Turquie en Syrie ?
- Comment imaginer que la Turquie ne soit tentée d’évaluer la réalité de la furtivité du JSF35 vis-à-vis du système S-400 et que ces données ultra sensibles ne soient pas divulguées ?
- Pour quelle raison l’Otan - dont la Turquie est un membre historique depuis 1952 accepte-t-elle ce risque ?
Le sénat américain a certes voté le 19 juin une loi qui, si elle est adoptée par le Congrès, empêchera la vente des chasseurs si le système S-400 est livré à la Turquie. Mais James Mattis, le chef du Pentagone nommé par Trump plaide a contrario la cause de la Turquie et la poursuite des livraisons.
Le représentant démocrate américain David Cicilline a plaidé le 18 mai pour que la
Turquie soit placée sous embargo du fait du ressèrement de ses liens avec la Russie et de ses entorses répétées aux droits de l’homme. Mais il n’est que démocrate…
A l’occasion de cette première livraison, le général turc, Ukuf ER a pu faire un plaidoyer pro domo vantant les mérites de l’Otan et la presse turque en a profité pour redorer le blason d’Erdogan. Mais pourquoi Britanniques, Danois, Norvégiens, Italiens, Israéliens, Coréens, Japonais qui recevront eux-aussi bientôt le JSF35, et qui pourraient avoir à en découdre avec le S-400, ne se font-ils pas entendre ?
Serait-ce parce que les chasseurs US ne sont transférables en Turquie que dans deux ans et que le plus urgent est d’attendre de voir la direction que prend le pays après une nouvelle élection d'Erdogan ?
La vraie question pour l’Europe est de découvrir pourquoi l’Otan est inaudible dans cette affaire alors qu’elle est si prompte à se faire entendre lorsque l’Europe envisage de se renforcer militairement. Mais y-a-il un pilote dans l’Otan ?
Sur le même thème
La gifle du grand TurcLe Coran brûlé n'arrêtera pas l'expansion de l'Otan
La Suède deviendra-t-elle le 32ème membre de l'Otan?
Occident contre Russie quelles leçons et quelles perspectives à ce stade ?
Une bataille pour l’image, les grains et les marchés dans la crise ukrainienne
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON