Révolution iranienne : nos erreurs
Bien que cette alliance fut funeste et contre-nature, elle n’eut pas de poids réel sur le résultat final des soulèvements massifs. En réalité les complices ne se comptaient que par plusieurs centaines de milliers, face à quelques millions qui soutenaient farouchement Khomeiny.
En somme, la révolution islamique de 1979 ne fut pas le fait de l’alliance de l’intelligentsia avec Khomeiny, Les islamistes furent assez forts et bien organisés pour achever une telle révolution.
La chute du chah fut inévitable. Même ses alliés occidentaux le savaient et, pour en profiter, tout en évitant le pire, qui semblait être la mainmise de l’URSS sur la révolution, ils aidèrent les mollahs à remplacer le régime du Chah. Les Occidentaux ont espéré que les libéraux, du Front national, seraient finalement les maîtres du pays - ce qui fut un échec.
Pourtant, l’intelligentsia aida les mollahs dans la phase initiale à établir un régime solide au bonheur des mollahs et de leurs alliés nantis traditionalistes du bazar.
L’idée de l’alliance fut de considérer le mouvement islamiste comme un mouvement "progressiste" et " anti-impérialiste" qui défendait les intérêts des opprimés. Cette position fut adoptée par une partie de la confédération des étudiants iraniens (SIS) en Europe ainsi que par le parti Toudeh, pro-Soviétique.
Du fait des aléas politiques, des milliers de membres et de sympathisants intellectuels laïcs, avec les Moudjahiddines du peuple, islamistes de gauche à l’époque, soutinrent la révolution islamique dans sa phase initiale. Le parti Toudeh, toujours inféodé aux Big Brothers de Moscou, continua son soutien quasi inconditionnel, jusqu’à ce que le régime se tourne contre lui, en 1983.
Cette gauche perplexe qualifie sélectivement le mouvement islamiste de "petite bourgeoisie progressiste". Fascisme, misogynie, obscurantisme, qui sont les traits traditionnels des mollahs en Iran, sont complètement ignorés. En réalité, la gauche iranienne n’est pas parvenue ni à identifier le caractère politique du mouvement islamiste, ni sa position de classe, ou à définir ses rapports avec le capital, l’Etat et l’impérialisme, d’un point de vue marxiste.
Nos laïcs, frustrés et plutôt obsédés par la haine du chah que par un changement démocratique de son régime, se sont réduits au niveau réactionnaire des mollahs, de telle façon qu’ils ont oublié que l’ayatollah Khomeiny n’était qu’un mollah rétrograde, peu éduqué, et farouchement anti-femme.
Khomeiny a décidé de revenir 1 400 ans en arrière, à l’époque où les califes régnaient encore sur des communautés islamiques selon les règles de la charia. Il avait rêvé depuis longtemps d’une telle société archaïque. Le problème de Khomeiny avec le chah s’est uniquement résumé au rôle de l’islam dans la société. Il s’est élevé en 1963 contre les réformes agraires et surtout contre le droit de vote accordé aux femmes par le chah.
L’illusion à laquelle mena facilement l’alliance de nos intellectuels avec les islamistes fut la construction d’un front commun visant à la chute de la dictature du chah à tout prix, sans se rendre compte du pire, car tous les signaux d’une nouvelle dictature étaient déjà présents.
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