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Richard Nixon (1) : la volonté au service de son ambition

« Ambition : une bulle de savon qui voudrait être un peu plus grosse au moment qu’elle crèvera. » (Jean Rostand, 1959).

Richard Nixon

Il y a cinquante ans, le 20 janvier 1969 à Washington, le trente-septième Président des États-Unis fut investi à la Maison-Blanche pour succéder à Lyndon B. Johnson. Richard Nixon, qui venait d’avoir 56 ans, accéda enfin à la dernière marche du pouvoir de la première puissance mondiale. La situation faisait que c’était loin d’être une promenade de détente : la guerre froide, la guerre du Vietnam, et le premier choc pétrolier faisaient de gouverner les États-Unis une tâche plus que difficile.

Richard Nixon a maintenant sa ligne dans les histoires pour… la manière dont il a quitté le pouvoir. Il fut le premier, dans l’époque récente, à avoir dû démissionner au cours de son mandat. Il fut aussi le premier à avoir combattu et gagné aux élections présidentielles après un premier échec. En général, les Américains n’aiment pas beaucoup les "losers" et le candidat rejeté par l’électorat a rarement une seconde chose, en fait, il ne l’avait jamais sauf dans le cas de Nixon (et d’Adlai Stevenson, mais lui n’a jamais gagné). C’est le contraire de la France où deux Président de la République ont été élus à la troisième tentative, après deux échecs électoraux (François Mitterrand et Jacques Chirac).

Né le 9 janvier 1913 en Californie, après des études de droit, Richard Nixon s’installa comme avocat en 1937 au sein d’un cabinet californien (après avoir voulu travailler pour le FBI). Après son mariage, il s’installa à Washington et s’engagea dans la marine après l’entrée en guerre des États-Unis, d’août 1942 à décembre 1945.

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De retour de l’armée (il en sortit l’équivalent de capitaine de corvette), il fut appelé par les républicains californiens pour se présenter contre le représentant (député) démocrate sortant. Il accepta, se réinstalla en Californie et fut élu représentant (député) le 5 novembre 1946 avec 56,0% des voix. Il fut largement réélu le 2 novembre 1948 avec 87,8% des voix.

Très ambitieux, Richard Nixon s’attaqua au Sénat aux élections suivantes. Il fut élu sénateur de Californie le 7 novembre 1950 avec 59,2% en discréditant (injustement) sa concurrente démocrate Helen Gahagan Douglas (seulement 40,8%) qu’il avait accusé d’être communiste. Nixon reçut à cette occasion le surnom de "Tricky Dick" (Richard la crapule).

Pour les élections présidentielles de 1952, le Président démocrate sortant Harry Truman fut discrédité dès le début des primaires démocrates et renonça le 28 mars 1952 à se présenter une seconde fois. Adlai Stevenson (gouverneur de l’Illinois) fut finalement choisi par le camp démocrate. Harry Truman avait proposé au général Dwight Eisenhower d’être le candidat des démocrates mais ce dernier a choisi de rentrer dans la compétition du côté républicain. Eisenhower a obtenu 26,3% des voix aux primaires républicaines, ce fut moins que son principal concurrent, Robert Taft (sénateur de l’Ohio) qui avait 35,8% (le général Douglas MacArthur a aussi concouru, avec seulement 0,5% des voix), mais à la convention républicaine à Chicago du 7 au 11 juillet 1952, au second tour, Eisenhower gagna l’investiture républicaine avec 845 délégués contre 280 à Robert Taft, sur 1 206. Richard Nixon fut alors choisi comme candidat Vice-Président parce qu’il était jeune (39 ans), parce qu’il représentait un État très puissant (la Californie) et parce que ses prises de position étaient dans le cadre d’un combat farouchement anticommuniste.

La campagne se fit avec cette distribution des rôles : à Eisenhower le fond, à Nixon les basses œuvres, la déstabilisation du camp d’en face. Nixon fut contesté dès le début de la campagne pour son financement vaguement occulte au point qu’Eisenhower était prêt à se séparer de lui, mais le 23 septembre 1952, Nixon retourna la situation en sa faveur en se défendant publiquement et reçut de très nombreux soutiens. Nixon était un animal politique.

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Sur le thème de la fin de la guerre de Corée, le "ticket" appelé "Ike and Dick" gagna les élections présidentielles du 4 novembre 1952 avec 55,2% des voix (remportant 39 États). Le même ticket fut réélu aux élections du 6 novembre 1956 avec 57,4% (remportant 41 États).

Ainsi, Richard Nixon fut bombardé Vice-Président des États-Unis du 20 janvier 1953 au 20 janvier 1961. Cependant, le second mandat de Vice-Président n’était pas prédestiné car ses attaques excessives contre les démocrates ont fait qu’aux premières élections intermédiaires, le 2 novembre 1954, les républicains ont perdu la majorité dans les deux assemblées du Congrès, un discrédit total qui a fait douter Nixon de son avenir politique.

Pourtant, son avenir politique était là, tout tracé, bien préparé grâce à Eisenhower qui l’encouragea à s’impliquer dans la politique présidentielle : Nixon fit plusieurs voyages internationaux (Asie du Sud-Est, Afrique, Amérique du Sud, Canada, Union Soviétique, etc.) et s’occupa aussi des problèmes intérieurs, de telle manière qu’il était un véritable Président bis et qu’il a acquis rapidement une stature présidentielle. Très contesté par des étudiants à Lima et à Caracas, au printemps 1957, Nixon fut félicité pour son courage à se présenter physiquement devant ces contestataires violents.

Pour la succession d’Eisenhower, il était donc très logique que Richard Nixon fût candidat aux primaires républicaines de 1960. Son principal concurrent était le gouverneur de New York, Nelson Rockefeller (qui fut plus tard le Vice-Président de Gerald Ford), leader des libéraux au sein du Parti républicain, mais ce dernier renonça quand il s’est aperçu de la grande popularité de Nixon au sein de l’électorat républicain.

Richard Nixon fut investi sans difficulté candidat à la convention républicaine à Chicago du 25 au 28 juillet 1960. Ayant recueilli 86,6% des voix dans les primaires, il fut désigné par 1 321 délégués, seuls 10 autres s’étaient portés en faveur de Barry Goldwater qui avait renoncé à la candidature à la convention (et n’avait pas participé aux primaires). Nixon a choisi, comme candidat Vice-Président, l’ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies, Henry Cabot Lodge (ancien sénateur du Massachusetts), après avoir imaginé de prendre, entre autres, Nelson Rockefeller, mais aussi Prescott Bush, sénateur du Connecticut et père de George HW Bush, ainsi que Gerald Ford, représentant (député) du Michigan.

De leurs côtés, les démocrates ont investi, de manière inattendue au début des primaires, le jeune sénateur catholique du Massachusetts de 43 ans, John F. Kennedy avec pour colistier Lyndon B. Johnson, le leader de la majorité démocrate au Sénat, très influent dans les États du Sud. Nixon, avec ses 47 ans, n’avait plus l’avantage de la jeunesse ; en revanche, il avait l’avantage d’une solide expérience d’homme d’État avec ses huit années de Vice-Présidence très active aux États-Unis et à l’extérieur.

La logique aurait sans doute voulu l’élection de Nixon (qui est parti avec une légère avance dans les sondages) mais une campagne sert à ceci, à révéler les personnes. Or, John Kennedy, très charismatique, avait un réel talent pour séduire les foules. Par ailleurs, ce fut la première campagne électorale où la télévision a pris un poids déterminant parmi les outils de propagande.

Quatre débats télévisés ont eu lieu entre les deux candidats. Dès le premier duel, le 26 septembre 1960 à Chicago, Nixon est apparu fatigué et mal rasé (c’était le soir) face à un candidat frais et dynamique. Pourtant, ceux qui avaient écouté le débat à la radio l’ont trouvé bon, mais ceux qui avaient regardé le débat à la télévision ont donné leur légère préférence à Kennedy. Le premier débat fut le plus suivi, par 66,4 millions d’Américains (dans les sondages, à la radio, 49% ont dit que Nixon avait gagné et 21% Kennedy, et à la télévision, 30% ont dit que Kennedy avait gagné et 29% Nixon).

Sur le fond, Kennedy a matraqué sur le thème de la domination de l’Union Soviétique dans la course aux armements et du retard des États-Unis dans la possession de missiles balistiques de croisière. Ce thème, qui faisait vibrer la fibre patriotique des Américains, fut très porteur et Kennedy a promis une augmentation sensible du budget de la défense.

Le 8 novembre 1960, seulement 112 827 voix (sur 68 832 432 votants) séparèrent les deux candidats : John Kennedy remporta l’élection avec 49,72% des voix (gagnant 22 États et 303 grands électeurs sur 537) contre 49,55% à Richard Nixon (26 États et 219 grands électeurs).

Très déçu par cette défaite et refusant de contester les résultats litigieux dans le Texas et l’Illinois (favorables à Kennedy et certains ont émis le doute que la mafia aurait pu influencer le vote dans l’Illinois), Nixon retourna en Californie comme avocat et a écrit un livre de souvenirs qui s’est bien vendu.

Poussé par les républicains de Californie, Nixon se présenta sans succès au poste de gouverneur de Californie le 6 novembre 1962, il fut battu avec 46,9% des voix contre 51,9% en faveur du gouverneur démocrate sortant Pat Brown, avec une plus grande différence, en nombre de voix, qu’aux élections présidentielles de 1960 !

Cette seconde défaite électorale fut considérée comme son enterrement politique par les médias. Nixon s’installa à New York, comme avocat, et fit une tournée européenne en 1963 pour tenir des conférences et rencontrer les dirigeants européens.

Renonçant à se porter candidat aux élections présidentielles du 3 novembre 1964, Nixon a soutenu loyalement le candidat investi par les républicains, Barry Goldwater, qui fit un score catastrophique, seulement 38,5% des voix (6 États et 52 grands électeurs) contre 61,1% (44 États et 486 grands électeurs) en faveur du Président démocrate sortant, Lyndon B. Johnson, qui avait succédé à John Kennedy après l’assassinat de ce dernier, le 22 novembre 1963.

Cette victoire présidentielle des démocrates fut renforcée par un raz-de-marée démocrate tant au Congrès que pour les postes de gouverneur. Peu discrédité par cette défaite historique des républicains, Nixon contribua à leur remontée aux élections intermédiaires du 8 novembre 1966.

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Tout conforta l’idée que Nixon pourrait gagner les élections présidentielles en 1968. La guerre du Vietnam divisait profondément le camp démocrate (deux candidats aux primaires démocrates Eugene MacCarthy et George MacGovern étaient pacifistes). Contesté dans son propre camp, le Président sortant Lyndon Johnson a renoncé à se présenter le 31 mars 1968. Quelques jours plus tôt, le 16 mars 1968, Bob Kennedy annonça sa candidature. La victoire aux primaires démocrates en Californie fut déterminante pour Bob Kennedy mais il fut assassiné quelques heures plus tard, le 5 juin 1968. Entré dans la compétition le 27 avril 1968, ce fut finalement le Vice-Président sortant Hubert Humphrey qui fut choisi par les démocrates.

Du côté républicain, Nixon fut considéré le candidat le plus crédible avec également le gouverneur du Michigan, George W. Romney (père de Mitt Romney, candidat des républicains aux élections présidentielles de 2012). George Romney était contre la guerre du Vietnam mais ses maladresses l’ont dissuadé de poursuivre la course présidentielle dont il se retira le 28 février 1968. Les deux autres concurrents internes de Nixon furent Nelson Rockefeller, gouverneur de New York, et Ronald Reagan, gouverneur de Californie, élu largement à la tête de la Californie le 8 janvier 1966 avec 57,5% contre 42,3% en faveur gouverneur sortant Pat Brown, élection que Nixon avait perdue quatre ans auparavant.

Nixon remporta aux primaires républicaines la grande majorité des États, cumulant 37,5% des voix et 692 délégués sur 1 333, contre Ronald Reagan, qui, lui, remporta notamment l’État de Californie, et 182 délégués (il était même légèrement en avance en votes populaires, avec 37,9% car la Californie est un État très peuplé), et Nelson Rockefeller, avec 277 délégués et 3,7% des voix. À la convention républicaine à Miami Beach, du 5 au 8 août 1968, Richard Nixon fut sans difficulté désigné candidat et Spiro Agnew (dont j’évoquerai plus tard le parcours) compléta le "ticket" républicain comme candidat à la Vice-Présidence (face à George Romney, également candidat à la candidature pour faire partie du "ticket").

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Toute la campagne de Richard Nixon, favori des sondages, porta sur la loi et l’ordre ("law and order"). La présence d’un troisième candidat (indépendant) George Wallace (gouverneur de l’Alabama), favorable à la ségrégation ethnique, risquait de bouleverser les prévisions, candidat très conservateur capable de mordre sur l’électorat républicain dans les États du Sud mais aussi sur l’électorat démocrate ouvrier dans les États du Nord. Finalement, le 5 novembre 1968, Nixon fut élu avec 43,4% des voix et 301 grands électeurs sur 570 (remportant 32 États) contre 42,7% à son adversaire démocrate Hubert Humphrey (191 grands électeurs et 13 États) et 13,5% à George Wallace (46 grands électeurs et 5 États). Humphrey avait pourtant été aidé par le Président Lyndon Johnson qui avait annoncé l’arrêt des bombardements au Vietnam le 31 octobre 1968, quelques jours avant le scrutin, favorisant une remontée du candidat démocrate dans les sondages.

Le 20 janvier 1969, il y a donc cinquante ans, Richard Nixon prêta serment pour devenir le nouveau Président des États-Unis. Je propose son bilan présidentiel dans un prochain article.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Richard Nixon.
Jean-Michel Basquiat.
Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
Noam Chomsky.
George HW Bush, seigneur républicain des États-Unis.
Les tweets moqueurs des Finlandais.
Rakenews : le râteau de Forest Trump.
La guerre commerciale trumpienne.
Tristes Trumpiques.
George Gershwin.
Leonard Bernstein.
Spiro Agnew.
Michael Dukakis.
Vanessa Marquez.
John MacCain.
Bob Dole.
George HW Bush a 94 ans.

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1 réactions à cet article    


  • phan 19 janvier 2019 13:16
    De mieux en mieux, l’auteur fait de l’apologie des motherfuckers criminels de guerre contre l’Humanité.

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