Royaume-Uni : la fin de l’école publique ?
Mais que se passe-t-il, dans la tête de Tony Blair ? Après avoir permis en 2003 aux universités d’augmenter fortement leurs frais d’inscription (avec un plafond à 3000 livres par an), obligeant ainsi les étudiants à participer au vice national qu’est le surendettement, le Premier ministre s’attaque maintenant à l’école publique en encourageant les établissements à « prendre leur indépendance » vis-à-vis de l’Etat britannique.
Pendant que la douce brise de Mai 68 souffle sur la jeunesse française et que les joyeuses images de facs bloquées, d’assemblées générales et de manifestations se multiplient dans notre pays, un tout autre vent souffle de l’autre côté de
Mais contrairement à son homologue français, et malgré les quelques protestations d’une cinquantaine de députés rebelles de son propre parti qui ont voté contre ce projet, le Premier ministre britannique semble être en capacité de gagner son combat. Sa nouvelle loi vient de franchir le premier stade parlementaire en ayant été adoptée par 453 voix contre 115, entre autres grâce au Parti conservateur. Le texte doit maintenant être discuté en commission avant de revenir devant le Parlement pour être définitivement adopté. Et la procédure ne devrait par durer longtemps, puisque le Premier ministre a obtenu le soutien quasi total de l’opposition conservatrice, par la voix de son nouveau leader David Cameron.
Quel est donc le contenu de cette nouvelle réforme, qui divise les travaillistes ?
Il est assez simple : autoriser les écoles publiques qui le souhaitent à prendre leur indépendance face à l’Etat et aux autorités locales. Elles pourront désormais être gérées par une fondation indépendante et rechercher des financements privés, qui pourront venir de toutes sortes d’entités (associations religieuses, parents d’élèves, entreprises, universités...). Et ce nouveau type d’école porte déjà un nom très prometteur : les Trust schools.
Ce projet assez peu « social-démocrate » n’a pas le soutien d’une majorité de militants travaillistes. D’après un sondage YouGov publié lundi, seuls 25% d’entre eux sont favorables à ces « trust schools » et 16% estiment que la participation de donateurs privés au management des écoles est une bonne chose.
Par contre, certaines organisations et entreprises ont déjà fait savoir qu’elles étaient intéressées par le concept. Ainsi, parmi la liste des « partenaires » possibles, on retrouverait Microsoft, le grand cabinet d’audit KPMG, l’église anglicane, et un mystérieux milliardaire musulman.
On voit déjà très bien quel genre de dérives peuvent découler de ce type de partenariat : publicité facile pour les sociétés, course à l’efficacité économique, exclusion des moins bons élèves, reprise en main du système par les institutions religieuses, modification des contenus scolaires, communautarisme (écoles pour musulmans, pour juifs, pour catholiques, pour anglicans) ...
D’autres points importants de la réforme posent aussi de sérieux problèmes aux députés rebelles du Parti travailliste. C’est le cas en particulier de la liberté donnée aux « trust schools » en matière de recrutement d’enseignants. On peut penser a priori que certains d’entre eux pourraient subir des discriminations à l’embauche à cause de leurs engagements politiques ou religieux, ou simplement de leurs idées, comme cela est déjà arrivé aux USA. Mais plus grave encore, ces écoles auront aussi le choix de leurs élèves. En effet, le code de bonne conduite créé par la ministre de l’éducation britannique, Ruth Kelly, pour éviter la sélection dans ces établissements scolaires, ne sera pas obligatoire, n’aura aucune valeur contraignante. Cela ne laisse vraiment rien présager de bon.
Comment le gouvernement travailliste justifie-t-il cette réforme ?
L’équation est simple pour Tony Blair. La concurrence entre les établissements devrait permettre d’augmenter le faible niveau scolaire britannique, qui est inférieur à celui de la moyenne des membres de l’OCDE, et l’investissement privé permettrait en plus de réaliser des économies en matière de financement public.
Mais les statistiques de l’OCDE montrent que l’investissement privé et la concurrence inter- et intra-établissement n’ont pas d’incidence positive sur le niveau d’éducation. C’est d’ailleurs le plus souvent contre-productif, comme nous le montre très bien le système américain, qui est le plus inefficace des membres de l’organisation internationale (résultats inférieurs à la moyenne, malgré le deuxième plus haut niveau de financement).
Si Tony Blair veut sincèrement augmenter le niveau scolaire de son pays il
ferait peut-être mieux de regarder vers
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