South Sudan, Oyee ! Sud-Soudan ou le fragile avenir d’un nouvel Etat souverain : prémices d’une nouvelle donne géopolitique pour l’Afrique
Bonne chance, Président Salva Kiir Mayardit ! Et confiance dans l’avenir, car il vous faudra en effet beaucoup de diplomatie en tant que dirigeant du 54 ème Etat africain qui rejoindra l’ONU dans quelques jours pour conquérir la pleine souveraineté politique et économique de votre nouveau pays sur fond de guerre d’hydrocarbures. Et si la partition du Soudan était le prélude à une balkanisation régionale, autour des Grands Lacs et au Congo, par exemple, initiant la recomposition des véritables nouvelles frontières africaines en mettant un terme au principe d’intangibilité issu de la décolonisation et en laissant le champ libre à de nouvelles sécessions en prise avec de nouvelles réalités géopolitiques et géoéconomiques ?
Rappel :
La guerre civile Nord/Sud au Soudan a débuté en 1955 et s’est poursuivie jusqu’en 1972.
La signature des accords d’Addis-Abeba en 1972 met fin à la guerre Nord/Sud ; sa reprise en 1983 est marquée en 2005 par la mort de John Garang (chef de la sécession du Sud-Soudan) dans un accident d’hélicoptère (assassinat politique ou accident, la question demeure).
Le 9 janvier 2005 les rebelles sudistes signent avec Khartoum un accord de paix qui prévoit la disparition de
En se portant garante du Traité de Paix de Nairobi de 2005 et de la bonne tenue du référendum d’autodétermination de janvier 2011 à l’occasion duquel le Sud-Soudan a vote la sécession à 98,83%, la communauté internationale a rendu possible l’émergence de cette nouvelle République Si le défi politique a été surmonté, l’incertitude demeure quant aux défis ethniques, sociologiques, économiques (85% du pétrole soudanais se trouve au Sud alors que la seule raffinerie, l’unique débouché maritime sur
Les négociations vont donc continuer sur entre le Sud et le Nord, négociations qui existent déjà par l’intermédiaire de l’ancien Président Sud-Africain Thabo Mbeki avec des facilitateurs norvégiens ainsi que
Une proie de choix
Le nouvel Etat (193è membre des nations Unies, et 196è pays du monde) s’est naturellement doté des attributs de sa souveraineté en adoptant, outre une monnaie et un hymne national qui disent la longue marche vers l’indépendance, un drapeau parlant. Ce drapeau, celui de l’ancien SPLA (Sudan People's Liberation Army), adopte le noir qui représente le peuple du Sud-Soudan, le vert à l’image du pays, tropical, le blanc pour la paix, le rouge en mémoire du sang versé, le bleu pour les deux Nil et le jaune d’or pour l’étoile de Bethlehem, rappel d’un christianisme en opposition avec la désormais ancienne partie à dominante musulmane.
Les 7900 soldats et experts de la nouvelle mission des nations Unies au Sud-Soudan -
Avec 9 millions d’habitants pour un territoire de 589.745 km2, la République du Sud-Soudan est en effet potentiellement très riche. Si son sous-sol regorge de pétrole (85% de la production soudanaise), de fer, cuivre, chrome, zinc, or et argent, elle possède aussi d’immenses ressources agricoles. Le pays est donc un Etat viable économiquement à condition que ses richesses soient exploitées au bénéfice de ses citoyens et que les futurs dirigeants évitent l’écueil des « Dutch Deseases », cette malédiction qui s’attache à la possession soudaine d’immenses ressources naturelles (gaz et pétrole) qui a frappé d’autres pays africains tels le Gabon ou le Nigeria, mais qui ont généré gaspillage, pauvreté et conflits.
Les nombreuses fées qui se penchent désormais sur le berceau de cette éponge pétrolière et agricole posent les nouvelles bases d’une géopolitique dont les acteurs n’ont pas attendu d’être invités avant de s’asseoir à la table des négociations. Outre la Chine, les USA et l’Union européenne, avec, comme observateurs et voisins attentifs, l’Egypte et l’Ethiopie (pour les deux Nil et l’enjeu géopolitique des ressources hydrauliques), l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya (porte de sortie vers l’Océan Indien), chacun a bien identifié le fait que les réserves pétrolières prouvées de l’ancien Soudan se trouvent au Sud-Soudan. Ainsi, en construisant des oléoducs qui traverseront le Kenya ou en descendront vers ses voisins méridionaux, le Sud-Soudan pourrait bien disposer du moyen de vider sinon modifier les termes de la querelle sur les revenus pétroliers qui l’oppose toujours au gouvernement de Khartoum, au Nord. Qu’il s’agisse du Soudan, de l’Ethiopie, du Kenya, de la Tanzanie, de l’Ouganda, du Burundi, de la RdCongo, de la République centrafricaine, tous ces pays ont inéluctablement vocation à intégrer leur désormais nouveau grand voisin dans cette organisation intergouvernementale que constitue la Communauté des pays d’Afrique de l’Est (CEA/EAC) et ses satellites.
Source cartographique :
http://www.recherches-sur-le-terrorisme.com/Analysesterrorisme/afrique-usa-politique-controle.html
La partition du Soudan est-elle synonyme de catastrophe régionale ?
La question sous-jacente est celle de la remise en cause du principe d’intangibilité des frontières en Afrique : le continent se dirige-t-il vers de nouvelles sécessions ?
Du Darfour à la militarisation de la zone disputée d’Abyei en passant par le rébellion du Kordofan-Sud (seul Etat pétrolier du Nord-Soudan), malgré le soutien appuyé de
Il n’est pas exclu que la Chine lache un pays qui se révèle désormais dépourvu d’avantages. L’importance des investissements qu’elle expose au Kenya (à hauteur de 7,17 millions de dollars pour la construction d’un second port à Lamu, sur la côte nord-est, d’une deuxième ligne de chemin de fer Mombasa-Kampala (Ouganda) et d’un couloir autoroutier reliant le Kenya à l’Ethiopie et au Sud-Soudan) ne sont-ils pas la preuve d’un nouveau tropisme ?
Quelle va être la réaction des USA ? Soyons certains qu’il y en aura une dans la mesure où ils ne sont certainement pas disposés à accompagner l'expansion chinoise dans sa course effrénée aux matières premières et aux sources d'énergie fossile. Et celle de l’Union européenne ? On ne risquera pas grand-chose en suggérant un attentisme certain de sa part au vu de son enlisement dans les sables de Libye, sauf retournement de situation. Il est toutefois certain, au regard des profondeurs de territoire qu’offre l’Afrique à l’Europe, son « étranger proche » comme disent les Russes, que des deux éponges à hydrocarbures que constituent le Sud-Soudan et
Du Sud-Soudan aux rives du Lac Albert, les grandes manœuvres du pétrole congolais :
Et plus au Sud, qu’en est-il ? On en saura plus en s’intéressant aux grandes manœuvres dont le pétrole congolais est devenu l’objet autour du Lac Albert. http://www.mediacongo.net/show.asp?doc=17811 et qui, n’en doutons pas, vont probablement générer à court terme d’autres mutations géopolitiques et géoéconomiques de première grandeur.
Carte des permis d’exploration pétroliers du Graben Albertine (*)
(*) Terme de géologie qui désigne un fossé tectonique d’effondrement.
Source : http://www.sacoilholdings.com/o/drc.php
On trouvera ici une étude géographique et géologique remarquable avec cartes didactiques : http://www.envoi.co.uk/P183Tower(Uganda)Syn.pdf
Comme l’explique Mathias Ikem « Le Kivu, l'Ituri et les Uélé constituent actuellement ce Congo utile à cause du boom sans précédent provoqué par l'extraction du colombo de tantale (coltan), la cassitérite, le niobium, l'or mais aussi par la soif du pétrole du Graben Albertine.
Ensuite, il s'observe un appétit sans précédent pour les richesses du Sud Soudan et le désir d'y accéder à bas prix comme aussi pour le Congo.
Et si c'est l'urgence d'une exploitation pétrolière qui a conduit à l'éclatement du Soudan, la soif du pétrole et de toutes les autres matières premières pourraient amener, mutatis mutandis, l'éclatement de la RdCongo. Car, par sa géographie, les réserves en brut du Graben Albertine (les rives du Lac Albert) seraient faciles à exploiter mais également à transporter jusqu'au port de Mombasa. Cela avait d'ailleurs fait l'objet de la (conférence) tripartite Museveni – Kabila – Mwaï Kibaki à Entebbe le 12 mai
Des comparaisons fortuites
Le Soudan, comme l’explique encore Mathias Ikem, jusqu’à ce jour le plus grand pays d'Afrique comme la RDCongo qui est un sous continent, partage avec la RDCongo les eaux du Nil.
Pour amener la paix, analyse-t-il, il a fallu sacrifier John Garang comme avec l'Angola Savimbi. Mieux, pour balkaniser, il fallait sacrifier Laurent-Désiré Kabila. Car, on peut tout dire, avec la situation de non Etat, le Congo reste toujours une maison en flammes quitte à intéresser les sapeurs-pompiers.
Une frontière, ça se soigne. La nôtre, dit-il, est laissée à la merci des Ougandais (UPDF et LRA) et des Soudanais (SPLA).
Ici, la grande politique et le business font bon ménage. Car, aveuglé par la haine du régime islamiste de Khartoum, Washington a préféré financer et armer la rébellion sudiste. A une dimension plus politique du règlement du conflit soudanais pour des solutions durables, Washington a opté pour l'éclatement du Soudan. Avec des réserves estimées à 3 milliards de barils, le Soudan représente un important fournisseur du brut pour les oïl men.
Observation : cet article s'inscrit dans une étude beaucoup plus fouillée à caractère universitaire dont la préparation est en cours. Le lecteur trouvera ci-après un appareil documentaire (sources, notes et références) qui lui permettra de compléter à l'aide d'informations rigoureuses un sujet passionnant. Bonne lecture !
Sources et références :
http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2003/03/ebra.htm
http://iwacu-burundi.org/spip.php?article336
http://www.gossmission.org/goss/
Source iconographique :
http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/In-English/Good-luck-to-South-Sudan
Carte de la coalition européenne pour les ressources pétrolières au Soudan :
http://www.ecosonline.org/reports/2007/%5Eindex.html/ECOSfactsheetIIOctober2007.pdf.html
http://www.sudanupdate.org/REPORTS/Oil/17cos.html
http://fr.allafrica.com/stories/201107041324.html
G. Prunier, Sud-Soudan : l’indépendance et après…http://www.geopolitique-africaine.com/sud-soudan-lindependance-et-apres
Sur le pétrole de
La passionnante analyse de Bernard Lugan : « Le pétrole du Lac Albert : vers un embrasement régional ? » http://agoradedroite.fr/?p=1521
Une étude exhaustive et une cartographie très précise des enjeux géologiques, énergétiques et politiques de la question pétrolière relative au Graben.
http://www.envoi.co.uk/P183Tower(Uganda)Syn.pdf
http://www.mediacongo.net/show.asp?doc=14998
http://www.mediacongo.net/show.asp?doc=17811
Corridor Nord http://www.cirgl.org/IMG/pdf/projet331.pdf
Mathias Ikem (Et si la partition du Soudan était une catastrophe régionale ?)
La RdCongo possède trois marchés naturels, le marché de l’ouest avec Kinshasa tourne vers l’océan Atlantique, le marché du Sud avec le Katanga donnant à
Avec le pétrole du Soudan et du lac Albert, la RdCongo pourra-t-elle résister à la balkanisation ?
http://www.lemondecommeilva.com/et-le-petrole,223
Sur les oléoducs :
http://www.vigilsd.org/articles/bf125/bf-125-12.htm
Un passionnant commentaire en introduction de cet ouvrage majeur :
Le général Omar El Béchir, président du Soudan du Nord, dont les ressources pétrolières ont été largement amputées risque de ne pas rester les bras croisés en essayant de manipuler certains Sud-Soudanais de la nouvelle République pour créer des troubles.
8 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON