• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > International > Turquie : la crise du néo-ottomanisme

Turquie : la crise du néo-ottomanisme

Autrefois portée par l’ambition de restaurer son influence sur les anciennes provinces de l’Empire ottoman, la Turquie d’Erdogan se heurte aujourd’hui aux limites de sa politique néo-ottomane. Entre revers diplomatiques en Syrie, au Caucase et dans les Balkans, tensions croissantes avec ses voisins et crise économique intérieure, le pouvoir vacille. L’arrestation d’Ekrem Imamoglu, figure montante de l’opposition, illustre une fuite en avant autoritaire face à une contestation grandissante. Alors que l’isolement international s’accentue et que l’économie plonge, Erdogan est confronté à un choix décisif : maintenir le cap d’un projet géopolitique qui s’effrite ou reculer pour éviter un effondrement.

JPEG

Longtemps portée par une ambition de puissance régionale, la Turquie d’Erdogan est aujourd’hui en proie à une crise politique qui met en lumière les limites de la doctrine néo-ottomane. L’arrestation spectaculaire d’Ekrem Imamoglu, principal rival du président, et la vague de contestation qui s’en est suivie témoignent d’un régime qui durcit son emprise sur le pouvoir, tout en perdant peu à peu l’adhésion d’une partie de sa population. Mais au-delà de cette crise interne, c’est l’ensemble du projet d’Erdogan, fondé sur une influence turque renforcée dans les Balkans, le Caucase et le Moyen-Orient, qui vacille.

La politique néo-ottomane visait à restaurer l’influence turque sur les anciennes provinces de l’Empire ottoman en combinant diplomatie économique, ingérence militaire et soutien aux forces politiques islamo-conservatrices. Cette stratégie a connu des succès notables : la présence militaire en Syrie et en Irak, le rôle central dans la guerre du Haut-Karabagh au profit de l’Azerbaïdjan, ainsi que l’influence renforcée dans les Balkans et au sein des communautés turkmènes dispersées dans la région. Mais ces avancées masquent une réalité plus inquiétante : la Turquie s’est enfermée dans des conflits coûteux et insolubles, s’aliénant à la fois ses voisins et ses partenaires traditionnels.

Sur le plan intérieur, la montée de l’autoritarisme est une réponse directe à l’érosion du pouvoir d’Erdogan. L’arrestation d’Imamoglu et de plusieurs figures de l’opposition marque une radicalisation du régime face à une société de plus en plus contestataire. Cette répression n’est pas seulement un signe de fébrilité ; elle souligne l’impasse dans laquelle se trouve l’AKP après plus de vingt ans au pouvoir. Les manifestations qui se sont multipliées dans tout le pays rappellent celles du mouvement de Gezi en 2013, où une jeunesse urbaine et progressiste s’était levée contre la dérive autoritaire du gouvernement. Aujourd’hui, cette contestation ressurgit, et la répression brutale ne fait qu’exacerber le mécontentement.

L’échec de la politique néo-ottomane se lit aussi dans l’isolement croissant de la Turquie sur la scène internationale. Son pari sur les Frères musulmans dans le monde arabe s’est retourné contre elle avec la chute de leurs gouvernements en Égypte et en Tunisie. En Syrie, après avoir longtemps soutenu des factions rebelles, Ankara doit maintenant composer avec une nouvelle donne régionale où son influence est contestée par la Russie, l’Iran et les puissances arabes du Golfe. Dans les Balkans, la montée des nationalismes et le rapprochement de certains États avec l’Union Européenne et les États-Unis compliquent la projection turque.

Face à ces revers, la crise économique intérieure amplifie la fragilité du pouvoir. La livre turque a perdu une grande partie de sa valeur, l’inflation explose, et les classes moyennes, autrefois soutien clé de l’AKP, voient leur niveau de vie s’effondrer. Ce contexte rend l’autoritarisme du régime d’autant plus dangereux : Erdogan, acculé, ne peut plus reculer sans risquer de perdre le contrôle.

Si la Turquie est à un tournant, c’est moins par un choix stratégique que par la pression d’une réalité qu’elle ne peut plus ignorer. La contestation grandit, les alliances extérieures se fragilisent, et l’héritage du néo-ottomanisme apparaît de plus en plus comme un poids plutôt qu’un atout. Reste à savoir si le régime choisira la voie de la répression continue ou s’il sera contraint, par les forces qui le dépassent, de revoir son ambition à la baisse.


Moyenne des avis sur cet article :  1.25/5   (16 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • xana 26 mars 08:37

    Ce serait bien d’appuyer ces thèses sur le ressenti de Turcs véritables.

    En effet cet article pue l’éternel ressentiment des Occidentaux contre un peuple qui les a quelque peu bousculés dans le passé.

    J’ai des connaissances en Turquie et avec elles je ne ressens absolument pas ce revanchisme « néo-ottoman » dont vous parlez. Peut-être existe t’il en Occident plutôt qu’en Turquie ?


    • Olivier Olivier 26 mars 08:51

      @xana
      Confusion assez classique entre peuple et gouvernement mais passons.
      A quel moment est-ce que je parle de « revanchisme » ?
      Le néo ottomanisme est une doctrine assez bien documentée qui guide une politique. La classer en « revanchisme » serait juste une marque de mépris. En effet, vous placez dans votre esprit, en utilisant ce terme, « l’Occident » au dessus de la Turquie.
      Je n’oublie pas, au passage, que les Ottomans ont été les alliés des Français, des Anglais et des Allemands au fur et à mesure de leurs intérêts et de leurs besoins.
      Ce qui fait que le terme de « peuple qui les a quelque peu bousculés » est peut être le passage le plus amusant.


    • xana 26 mars 10:53

      Non, c’est dans votre propos que je trouve du « revanchisme ».

      Je n’en ai jamais ressenti chez les Turcs que je connais. Pourtant ils auraient de bonnes raisons, avec la fameuse entrée de la Turquie dans l’Europe, une tromperie dont ils ont fait les frais pendant de longues années...

      Si mes expressions vous amusent, riez je vous en prie. Le fait est que les populations turcophones se sont installées aux confins de l’Europe (au pris évidemment d’un petit bain de sang) et que les peuples européens en ont été quelque peu « bousculés », en particulier les grecs et tous les peuple qui vivaient dans cette zone, jusqu’à Vienne autant que je sache. Oui, certainement vous avez raison de rire, aujourd’hui on rit pour si peu de chose. 

      C’est d’ailleurs marrant comment de nos jours n’importe qui peut se découvrir historien, avec seulement internet pour bagage. Et prétendre imposer ses « analyses » et tenter de s’en faire une gloire passagère. On vit dans une société totalement décadente, cela se voit aussi bien dans les « élites » (laissez-moi rire moi aussi) que dans le vulgum pecus qui pète plus haut que son cul, que vous représentez ici.


      • Olivier Olivier 26 mars 11:01

        @xana
        En Français, il y a une nuance entre rire et amusement. Je vous laisse la découvrir.

        Donc, faute de pouvoir discuter du fond, vous accusez l’auteur. Ca se comprends quand on n’a pas grand chose à dire.

        Quand à se prétendre historien, je vous en laisse l’apanage. Pour ma part, je ne me prétends qu’analyste des faits. Et pour le siège de Vienne, j’y repenserais demain en reprenant un croissant. Ca m’amusera tout autant.


      • xana 26 mars 12:22

        Voue errez. Je n’ai aucune prétention à « être historien ». C’est une profession, pour laquelle je n’ai fait aucune étude sérieuse. Et puis, c’est trop mal famé. Comme d’ailleurs celle (si cela existe) d’ « analyste des faits ». Si vous pensez que les Turcs n’ont jamais assiégé Vienne, il faudrait en avertir les (vrais) historiens, pour qu’ils corrigent leurs ouvrages.

        Je parles de Vienne en Autriche, pas de la Vienne au sud de Lyon. Peut-être est-ce là votre confusion ?

        Et puis, de quoi suis-je censé vous avoir « accusé » ? 

        « Donc, faute de pouvoir discuter du fond, vous accusez l’auteur. Ca se comprends quand on n’a pas grand chose à dire. »

        Voici encore une inversion, typique des échanges qu’on peut avoir aujourd’hui avec de faux savants. Merci à Internet, de nos jours n’importe quel crétin peut aujourd’hui insulter Darwin sans jamais avoir identifié un oiseau. C’est devenu la mode, et que pouvons-nous y faire ? Nous taire.


        • Olivier Olivier 27 mars 08:41

          Ah ? Parer votre interlocuteur de titre qu’il ne revendique pas s’appelle errance chez vous. Je comprends mieux le côté erratique de vos commentaires.

          Sinon, question sincère, votre absence totale de culture générale n’est elle pas trop handicapante au quotidien ? essayez de vous renseigner un peu sur le terme viennoiserie dont le croissant est un digne représentant. Internet devrait vous aider.

          Enfin, par charité, je passera sur votre incapacité à assumer vos propres propos qui conclue pitoyablement ce commentaire. A moins que vous les fassiez écrire par un autre. Dans ce cas, je vous conseille de vous relire.

          Ca devrait remplir le vide intersidéral de votre vie.

          Bonne journée.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Olivier

Olivier
Voir ses articles



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité