Uribe, antidémocrate ?

En Colombie, le président Alvaro Uribe se fait appeler depuis quelques semaines "président candidat", pour nous rappeler que la campagne électorale colombienne bat son plein. Cependant, il reste fidèle à lui-même : il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, continue ses grandes promesses médiatiques, et n’argumente jamais ses décisions. Comme toujours, il soigne son image, et pour cela, il est prêt à tout.
Depuis une semaine maintenant, un scandale, sans égal depuis dix ans, menace à grand-peine d’éclater. La principale revue d’actualité hebdomadaire du pays, Semana, a mis à jour, après une longue investigation, les différents liens entre le gouvernement actuel et les paramilitaires, ainsi qu’une immense fraude lors de l’élection du présidentielle de 2002.
Les départements du Nord du pays, sous contrôle paramilitaire, auraient "exagéré" leur soutien au candidat Uribe. La fraude, de plus de 300 000 votes (sur 10 millions), a permis, selon les journalistes, d’éviter un 2e tour aux élections présidentielles.
La deuxième partie du scandale est le résultat de la première, Uribe pour remercier ses fidèles, a offert un certain nombre de postes, notamment ceux des services secrets (DAS), à des proches des paramilitaires. Avec la mise en place de la politique de "sécurité démocratique", le DAS a eu un rôle grandissant. Les écoutes, les fouilles et la persécution de syndicalistes, journalistes et défenseurs des Droits de l’homme, sont devenues monnaie courante au gouvernement. Le directeur informatique du DAS, M. Rafael García, a commencé à parler, et affirme qu’il aurait eu connaissance d’une liste de syndicalistes et d’intellectuels livrée par le DAS aux milices d’extrême droite. Un certain nombre d’entre eux ont été assassinés, ou ont dû s’exiler. M. García assure aussi que l’élection d’Uribe doit beaucoup au soutien financier et pratique de "nombreuses personnes liées au trafic de drogue".
Après ce genre d’informations, il était normal d’attendre de la part du président un semblant d’explication. A la place, Uribe a tenu un discours, des plus abjects, à l’encontre de la presse.
Il a attaqué, de manière frontale, les journalistes et la revue qui a publié les articles, en les jugeant "frivoles" et "irresponsables". Il les accuse de mener une campagne "contre les institutions démocratiques".
Le Che disait que la Colombie, la plus vieille démocratie d’Amérique latine, était le pays qui réprimait plus les libertés individuelles que tous les autres pays qu’il avait alors visités. On peut penser, malheureusement, que c’est encore vrai.
De plus, le seul quotidien distribué sur tout le territoire, El Tiempo, ne soutient pas son homologue Semana ; il faut dire que les propriétaires sont de la famille du vice-président, et que la rédaction a annoncé son soutien au président depuis fort longtemps.
Il ne nous reste plus qu’à compter sur l’opposition politique pour espérer que l’affaire soit réellement abordée. Les débats ont commencé au Congrès, et normalement le thème est à l’ordre du jour le 2 mai ; cependant les élus pro-uribe contre-attaquent déjà en disant que les questions posées ne sont pas correctes, au motif qu’elles se basent sur le fait qu’il y a eu une agression du président contre la presse...
Avec le non-respect constitutionnel pour sa réélection, le financement
de sa campagne avec de l’argent de la drogue, l’utilisation des
services de l’Etat pour réaliser des pressions contre ses opposants,
les fraudes électorales, son conservatisme à outrance, son goût pour la
politique spectacle et sa main dure, la comparaison d’Uribe avec
l’ancien président péruvien Fujimori devient inévitable.
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