Véto sur les armes chimiques, sauf celles américaines
L'intellectuel et journaliste italien Massimo Fini met une nouvelle fois en évidence, à travers l'épisode des "traces d'utilisation de gaz sarin" découvertes en Syrie, la politique du "deux poids, deux mesures" exercée par Barack Obama en matière d'armements que les Etats-Unis "autorisent" ou pas, en fonction de qui les détient. Et comme le détaille M. Fini, ce n'est certainement pas la très atlantiste ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino, tout juste nommée par Enrico Letta qui dénoncera cette nouvelle manifestation de l'arrogance impérialiste US.
par Massimo Fini, sur Il Fatto Quotidiano, le 4 mai 2013
Le Renseignement américain a affirmé avoir trouvé dans la région d’Alep en Syrie les traces de l’utilisation d’armes chimiques (gaz sarin), en attribuant l’usage à Assad. Obama avait déclaré voilà un mois que si Assad franchissait la « ligne rouge », autrement dit, s’il utilisait des armes chimiques, « les USA interviendraient militairement ». Récemment, Obama s’est fait plus prudent (« le cadre reste encore incomplet »), se remémorant sans doute la piètre figure faite par les USA qui, lors de l’invasion de l’Irak, soutenaient que Saddam Hussein détenait des « armes de destruction massive », et qui furent contraints d’admettre, après avoir fouillé le pays de fond en comble, que d’armes de destruction massive, il ne se trouvait pas trace en Irak. Une « piètre figure » qui a coûté aux Irakiens la bagatelle de 650 à 750 000 morts selon un calcul assez simple fait par un journal anglais de médecine qui a comparé le nombre de décès durant les années Saddam avec celui des années d’occupation. Et cela se poursuit, car une fois abattu l’homme fort, une véritable guerre civile s’est déchainée entre chiites et sunnites avec à la clef des dizaines de morts chaque jour, dont la presse occidentale ne parle jamais.
Mais ce que j’aimerais comprendre, c’est d’où vient exactement cette autorité morale des États-Unis qui se permettent de tracer des « lignes rouges » sur l’utilisation d’armes chimiques. Ce sont pourtant eux qui, en 1985, en fournirent à Saddam alors au pouvoir dans sa lutte contre les Iraniens, et par la suite contre les Kurdes. Une mission à laquelle le « Raïs », une fois la guerre contre l’Iran terminée, se consacra avec diligence en gazant le même jour 5000 Kurdes appartenant au même village, et qui l'avait également fait, avec un peu plus de mesure cependant, sur les soldats iraniens auxquels l’Ayatollah Khomeini avait d’ailleurs interdit l’usage de telles armes, car contraires à la morale du Coran, de la même façon que le Mollah Omar avait, en 1998, interdit l’usage d’armes antipersonnelles.
Lors de la guerre contre la Serbie, les USA utilisèrent des bombes à l’uranium appauvri. Plus de 50 soldats italiens en subirent les séquelles, et contractèrent des leucémies. Ils avaient pourtant pris les précautions d’usage. On imagine facilement l’effet de cet « uranium appauvri » sur les civils serbes et surtout sur les enfants qui évoluent à 1 m du sol et sont habitués à toucher à tout (mais le nombre de ces victimes, prudemment, n’a jamais été divulgué). En 2001, pour capturer Ben Laden, les Américains noyèrent les montagnes d’Afghanistan sous les bombes à l’uranium (ce qui revient à essayer de tuer un moustique avec un boulet de canon), et le ministre de la Défense Donald Rumsfeld avait déclaré que « pour chasser les terroristes, nous utiliserons aussi des gaz toxiques et des armes chimiques. » On en voit les résultats aujourd’hui. Un paysan afghan, dénommé Sadizay, raconte : « Un raid de l’OTAN a détruit ma maison, tué ma femme et trois de mes fils. Mais quand j’ai vu naitre mon neveu sans bras et sans jambes, alors j’ai compris que les Américains nous avaient volé jusqu’à notre futur. »
Avec la nouvelle ministre italienne des Affaires étrangères, la « non violente » va-t-en-guerre Emma Bonino, peut-être éviterons-nous d’envoyer des troupes italiennes en Syrie, mais ce qui est sûr, c’est que nous les laisserons en Afghanistan, dans ce qui est à ce jour la plus infâme des guerres du 3e millénaire.
Massimo Fini
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