Deux supporters morts en trois ans, peut-on parler d’hécatombe ?
Si l’on considère les décès de militaires français lors de manœuvre et d’entrainement sur le territoire métropolitain, (sans même parler des 40 soldats morts à l’inutile front afghan), les deux supporters du PSG décédés lors d’affrontements aux alentours d’un stade ne sont qu’un épiphénomène, un fait divers tout juste tragique. Or, la presse la télévision y voit une dérive intolérable. La comparaison avec guerre de tranchées, ratonnades, guerre des gangs, dérive criminelle est excessive et hors de propos. Le gouvernement est quasiment prêt à décréter l’état d’urgence. Il ne faut pas délirer. Mais nous avons déjà vécu le scénario des épidémies de suicides dans les entreprises, mis en scène par la presse. Le marketing de la peur fait vendre les journaux, crée de l’audience et permet aux politiques de se refaire une virginité morale.
Sans glorifier les violences sur les stades, il faut tout de même revenir à la raison. Pourquoi pénaliser l’immense majorité des amateurs de football et surtout mettre à genou des clubs professionnels qui sont des entreprises souvent en grande difficulté financière parce qu’il y a eu deux décès en trois ans ? D’autant que les violences entre supporters ne sont la plupart du temps que des affrontements théâtralisés et ritualisés, quasiment folkloriques se finissant le plus souvent par quelques contusions et yeux au beurre noir. Il arrive hélas de temps à autre un incident qui tourne mal, mais doit-on faire jouer plusieurs matchs à huis-clos, alors que le risque de mort d’homme est en réalité très bas ? Tout ce battage médiatique, relié par les politiques est le résultat de l’application du principe de précaution qui gangrène les mentalités depuis une dizaine d’années. Principe inutile, car après une accalmie temporaire, les affrontements entre supporters avinés reprendront, mais pas forcément à proximité des stades. Ceux qui veulent mordicus en découdre se trouveront facilement un autre « terrain de jeu ».
Les médias parlent de dérive, de supporters qui s’entretuent, de massacre, sans aucune retenue. Il est vrai, que lorsqu’il se produit un accident de car avec un seul mort pour 50 passagers, les mêmes médias qualifient les 49 autres passagers de « rescapés de la tragédie » alors que l’on ne devrait utiliser cette expression que lorsqu’il ne survit que deux ou trois individus lors d’un accident ayant coûté la vie à une trentaine de personnes. Et du ministre de l’Intérieur au président du club de se fendre de déclarations tragiques, relayées par Rama Yade dans la plus pure tradition électoraliste. Frédéric Lefebvre n’a pas encore clamé que tout était la faute de Jean-Paul Huchon et de Bertrand Delanoë, mais ça a dû le démanger de le dire. Mais si l’UMP avait été au pouvoir en Ile-de-France et à Paris, les socialistes et les Verts auraient aussitôt collé le blâme sur Rachida Dati ou Christine Lagarde sans autre forme de procès. Même Bernard Laporte aurait eu droit à un couplet vengeur.
Il se passe beaucoup plus d’agressions violentes dans le métro et le RER qu’aux alentours des stades. Beaucoup plus de vieilles femmes sont victimes de vol à l’arraché que de supporters de foot de lynchage. Et il n’est pas de semaine que le corps d’une prostituée soit retrouvé dans un bois, un terrain vague ou un appartement sans que cela émeuve les bien-pensants. La mort d’une pute est peu de chose, surtout quand il s’agit d’une Moldave sans titre de séjour. Son décès ne fera ni gagner ni perdre des voix lors d’une élection.
Mais un déploiement de CRS autour du Stade de France, avec casques et boucliers permet de leurrer le citoyen sur la politique sécuritaire. Empêcher deux groupes d’une vingtaine de braillards de se taper sur la gueule doit-il coûter aussi cher à la collectivité et mobiliser autant de forces de police ? D’autant qu’une abstention totale d’intervention ne déboucherait au maximum que sur une demi-douzaine de décès et deux ou trois fois plus de blessés par an parmi des individus ayant choisi sciemment la confrontation. Ce bilan potentiel étant d’ailleurs surévalué, car une présence policière bien ciblée et surtout une meilleure gestion des mouvements des supporters pourrait réduire très facilement ces incidents.
Encore une fois, il n’est pas question de glorifier les petits groupes de soi-disant supporters qui n’ont rien compris au sport. Se taper dessus en braillant des slogans n’a rien de grandiose, mais de là à en faire une priorité sécuritaire, il y a de la marge. Auxerre en fait les frais, alors que ce club ne s’est jamais fait remarquer par ses débordements. Mais des responsables qui sont prêts à installer des scanners corporels dans les aéroports sont tout à fait capables d’envoyer des milliers de policiers pour maitriser quelques dizaines d’excités.
Remplacer les spectateurs réels par des clones virtuels et ne compter que sur les recettes publicitaires et les droits de retransmission des matchs est une hypothèse séduisante pour les partisans du risque zéro, mais cela peut aussi tuer le football. Il est toujours possible de diffuser des enregistrements d’acclamation et une ola virtuelle sur un écran de télé, mais il n’est pas certain que cela puisse se pérenniser et satisfaire les vrais amateurs de football.
Mais il y a les cris racistes, les banderoles, les cris de singes et le trop célèbre « Bienvenus chez les Chti’s ». Insupportable, inadmissible, intolérable diront les bonnes âmes. Si le véritable racisme se résumait à quelques éructations d’énergumènes, cela ne porterait guère à conséquences. Le véritable racisme est ailleurs, bien plus larvé, toxique et hypocrite. La presse donne bien trop d’importance à des non événements, moyen facile de dédouaner la société d’injustices nettement plus flagrantes. Et il est regrettable qu’une poignée d’olibrius et de malotrus mettent à mal tout un sport. Il est tout aussi regrettable que les pouvoir publics utilisent un marteau piqueur pour écraser une mouche.
Combien de matchs se terminent sans incidents et dans la bonne humeur ? Nous sommes encore loin de la guerre du football en Amérique Centrale, des émeutes en Anatolie « calmées » par l’armée turque et du quasi lynchage des joueurs Algériens, par un petit groupe d’Egyptiens excités ou de la fusillade dus bus des Togolais au Cabinda. Et nous n’arriverons heureusement jamais à ce niveau de brutalité en France. Alors, une présence des force de l’ordre, un filtrage à l’entrée et à la sortie des stades, des entrées séparées pour les supporters, tout à fait d’accord, mais des mesures inutiles et emphatiques et déclamatoires d’état de siège poudre aux yeux, non !
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