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Du journalisme au journalisme open source

La semaine dernière se tenait la conférence FOSSa (Free Open Source Software for Academia), organisée par le centre de recherche INRIA dans le complexe de Euratechnologies à Lille.

Au programme, outre de nombreux exposés plus ou moins techniques sur le logiciel open source, une après-midi dédiée au journalisme open source à laquelle participait notamment James Corbett, un “open source journalist” canadien établi au Japon et animateur du célèbre – dans le milieu du journalisme indépendant du moins – Corbett Report. La présence dans la salle d’étudiants en journalisme face à des “indépendants” donna lieu à un vif débat, malheureusement bien trop court, où s’affrontait d’un côté un corporatisme revendiquant un journalisme de métier, et de l’autre la volonté d’un journalisme universel, indépendant et “open source”.

Alors qu’est ce que le journalisme open source ? Il faut partir de la question de ce qu’est le journalisme tout court, pour ensuite développer les principes open source. Pour un certain nombre de pays, dont la France, la définition du journalisme est qu’il s’agit d’une activité qui consiste à recueillir, vérifier ou commenter des faits pour les porter à l’attention du public dans les médias en respectant une même déontologie du journalisme (1). Déontologie basée sur la Charte de Munich, et encadrée par certaine lois spécifiques à chaque pays. En France, est reconnu journaliste celui ou celle disposant d’une carte de presse (lui conférant certains droits et obligations) et seul ce “vrai” journaliste peut invoquer le secret professionnel et la protection de ses sources. Bien évidemment, avec l’avènement du Net les journalistes officiels n’ont plus le monopole de l’information et c’est ce qui a poussé le United States Senate Judiciary Committee, en septembre 2013, à proposer une définition élargie du journalisme – et donc des journalistes pouvant bénéficier du droit au secret professionnel (Media Shield Law, qui est une réponse au récent scandale des écoutes téléphoniques illégales menées par le Department of Justice envers des journalistes de AP et de Fox). (2).

Le SJC propose une définition basée sur la nature professionnelle du journaliste, mais – et là réside la nouveauté – inclut dans sa définition des blogueurs et journalistes freelance, rémunérés ou non, dont l’objectif premier est l’investigation d’événements et la recherche de matière informationnelle visant à être partagés auprès du public. Cet élargissement de la définition de journaliste n’est pas du goût de tout le monde, notamment chez les Républicains (et chez les journalistes classiques, rémunérés et soumis à une ligne éditoriale en général), et elle doit encore passer devant le Congrès puis être avalisée par le Président avant de devenir loi, mais c’est un signal fort en faveur de la reconnaissance d’un journalisme multimodal avec, notamment, d’un côté le “média business” que nous connaissons tous et de l’autre “l’open source”.

Le journalisme open source se définit par un certain nombre de critères, sa Charte de Munich à lui, basée sur les principes de partage et de gratuité de l’open source en général. Ces critères, selon OpenWatch mais partagés par l’ensemble de cette communauté, sont :

1) Sources d’information vérifiables. Toutes les sources constitutives d’un article doivent être répertoriées afin que le lecteur puisse, s’il le désire, vérifier par lui-même. C’est, quasi par définition, le critère principal du journalisme open-source, les autres critères étant abordé en fonction des moyens et possibilités des auteurs.

2) Action et participation. L’open source a par nature un aspect militant, une volonté de changer le monde et donc ne se contente pas d’informer : il doit donner des pistes d’action et donner la possibilité au lecteur de participer à la démarche.

3) Authenticité. Un problème récurrent est l’accès à des sources qui ne sont pas ce qu’elles prétendent être : un article de référence supposément écrit par Untel peut en fait avoir un tout autre auteur, d’autres peuvent avoir été écrits à des fins de désinformation. Il faut se donner les moyens de filtrer ces fausses infos, par exemple avec le système CitizenMediaNotary qui garde une trace de ce qui transite par les serveurs des “médias citoyens”.

4) Prospective : Se limiter à rapporter des faits ne sert à rien si le but ultime de la démarche est l’action. Il faut donc intégrer une dimension prospective, une estimation de ce qui va se passer dans l’avenir.

5) Transparence éditoriale. Là ça commence à faire mal… La frontière entre le formatage éditorial et la censure n’est jamais très claire, et donc une organisation média fonctionnant selon le principe open source se doit de rendre visible son processus éditorial interne.

6) Contrôle de version. Il faut être en mesure de comparer un article avec sa version d’origine et d’avoir accès aux modifications ayant pu avoir lieu suite à sa publication. C’est le principe de Wikipédia.

7) Durabilité. Contrairement à une émission hertzienne ou un journal papier voué à disparaître, les éléments publiés sur le Net ont une durée de vie pouvant aller loin dans le futur. Ils s’agit donc de prendre en compte la possibilité de lecteurs dans le futur lors de la réalisation de l’article, ce qui implique une contextualisation de l’information.

8) Gratuité. Avec le premier critère d’accès aux sources, la gratuité de l’information open source est inhérente au concept. Corollaire, l’utilisation d’outils open source dans le processus du journalisme open source va de soi.

 

Le journalisme open source n’est donc pas tout à fait la même chose que l’essayiste ou le commentateur / blogueur qui ne fait que donner son opinion sur quelque chose. A minima, le journaliste open source est un curateur qui regroupe au sein d’un document unique un certain nombre de sources visant à présenter et analyser une problématique spécifique. Il est fondamentalement incompatible avec le modèle classique du “média business” soumis à une contrainte économique et/ ou politique forte. Le sensationnalisme, la sélection des faits en fonction de la ligne éditoriale, la publicité déguisée, la dictature du chiffre d’affaire sont remplacés dans l’open source par l’analyse, la curation la plus objective possible, l’indépendance financière et la gratuité de l’information. Gratuité qui n’empêche pas une certaine rémunération au travers, par exemple, de la vente de compilations d’articles sur DVD ou de la simple acceptation de dons via des systèmes en ligne tel PayPal, mais l’information reste accessible à tous.

 

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme

(2) http://rt.com/usa/media-shield-law-senate-781/

 


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13 réactions à cet article    


  • Ruut Ruut 28 novembre 2013 16:19

    Bientôt les automates journalistes.


    • La mouche du coche La mouche du coche 28 novembre 2013 19:11

      La question du journalisme est un écran de fumée. Seule compte la question du FINANCEMENT des journalistes, et celle-ci évidemment, personne n’en parle.


    • @lbireo @lbireo 29 novembre 2013 23:06

      Mr la mouche.

      corrigez moi si je me trompe mais agoravox s’apparente bien à un site d’information, même si tout le monde peut devenir auteur ?

      donc en toute logique, les auteurs d’articles s’apparentent à des journalistes.

      je n’ai pas souvenir d’un auteur AV rémunéré pour un article. s’il y en a, alors je me suis fait avoir ! et beaucoup d’autres bien plus que moi !

      @Ruut

      à priori un journaliste est libre de décider du sujet d’un article ! s’il n’est pas publié, c’est un choix de l’éditeur ou du comité de rédaction (équivalents des modérateurs sur AV) !

      un automate journaliste, c’est un journaliste qui n’a pas le choix de ses sujets, ni de comment il les traites !

      et donc l’absence de la liberté de la presse !


    • @lbireo @lbireo 29 novembre 2013 23:35

      toute fois chère mouche, votre commentaire n’est pas faux.

      donc ne pouvant choisir entre plusser ou moinsser, je laisse ce choix à un autre.

      ps : après autant de commentaires, pourquoi ne pas écrire un article ? s’il est bon, vous ne vous ferez pas attraper par les plantes carnivores qui vous guettent depuis les profondeurs du réseau.
      la seule menace, c’est que l’article soit modéré (ce qui n’empêche pas de le représenter après de légers changements). le reste ce n’est qu’un ensemble de mots (un dico aussi d’ailleurs, il faut juste qu’ils aient un sens).
      donc, pas plus de risques qu’avec un commentaire ! et vous toucheriez en prime un plus large public.


    • La mouche du coche La mouche du coche 30 novembre 2013 15:25

      Nous ne sommes pas des journalistes. Agoravox n’a pas les moyens d’être disponible dans toutes les gares, tous les kiosques, tous les ménages via la télé, la radio. Cela fait une grosse différence.


    • @lbireo @lbireo 30 novembre 2013 17:05

      c’est pour cette raison que j’ai dit « s’apparente » qui implique juste une ressemblance.

      quand au fait d’être disponible partout, internet n’ayant pas de frontière (en théorie), c’est déjà pas si mal !

      et contrairement à d’autres médias et sites d’information, agoravox nous permet de débattre correctement sur les sujets. c’est toujours mieux que les 400 caractères (des fois moins) imposés ailleurs.


    • exocet exocet 29 novembre 2013 07:04

      Au sujet des étudiants en journalisme, je ne peux que reproduire ici la réponse que j’ai fait sur un article parlant de la « couleur politique » des écoles dde journalisme....

      « Le probleme, pour une école de journalisme, n’est pas d’être de droite, du centre, de gauche.

      La question principale, dans la formation de journalistes, serait de sélectionner les meilleurs, c’est à dire les plus intelligents, les plus altruistes, les plus courageux et les former à aiguiser ces qualités et être libre et indépendant, les former à abandonner leurs préjugés.

      Car le journalisme, le vrai, c’est de lutter perpétuellement pour le bien, le vrai, la vérité, contre les forces énormes de l’hypocrisie, de la désinformation et du mensonge.

      Malheureusement, l’expérience d’une mienne connaissance, jeune homme hyper doué et don quichotte, démissionnaire de l’école après une année d’écoeurement, me montre ques ces « écoles » sont plutôt des fabriques à plumitifs prostitués.

      L’observation attentive du paysage médiatique Français et de ses productions me conforte en ce sens.... »


      • @lbireo @lbireo 29 novembre 2013 23:14

        c’est vrai !

        heureusement donc qu’il existe des site comme agoravox qui peuvent permettre à votre connaissance comme à d’autres de publier sans avoir à créer leurs propres médias (création du site, référencement et pub, si on ne le fait pas soit-même, c’est pas donné !). bien que cela ne leur permette pas de vivre de leurs publications, au moins, elles sont lues.


      • @lbireo @lbireo 29 novembre 2013 22:50

        honnêtement, même en me forant le crâne (à ce stade creuser n’est pas suffisant), je ne trouve rien à ajouter.


        • Ovocean 3 décembre 2013 14:16

          Pourrait-on parler de jounalisme Libre et non Open Source, svp ?

          - Open Source est un terme informatique, il est question du code source. Le code source d’un logiciel n’est pas du tout équivalent aux sources d’un article. Une traduction directe d’open source en langage journaliste serait plutôt Open Text ou Open Article.

          - Le terme Open Source a été inventé par le monde du business américain en opposition à l’appellation « free Software » (logiciel libre) trop porteuse d’idéaux (défense des libertés) et d’une idée de gratuité. Le terme open source colporte donc des valeurs mercantiles et ça ne me semble pas coller avec la définition du journalisme Libre indiquée dans l’article.

          - « Libre » c’est plus court et plus français.


          • Vincent Verschoore Vincent Verschoore 7 décembre 2013 14:23

            Dans « open source » il y a « source », terme inhérent au journalisme. Et en journalisme open source on se doit de communiquer ses sources. Pour moi l’open source fait partie du libre, mais il est plus encadré : on peut faire du libre sans faire de l’open source, mais si on fait de l’open source on est d’office dans le libre.


            • gogoRat gogoRat 14 décembre 2013 22:12

              Dommage : au lieu de ce jeu de mots sur « source » j’aurais aimé voir développer l’idée suivante qui me semble plus conforme à un rapprochement avec le terme « logiciel libre » :
               des articles ’ouverts’, pouvant être corrigés, complétés, voire même modifiés par tout « open journaliste » ... en gardant un historique et une traçabilité de toutes les modifications depuis l’article initial.
               Existe-t-il aujourd’hui une ou des expérimentations en ce sens ?


            • Xenozoid 14 décembre 2013 22:22

              c’est pour quand la politique « open source » smiley

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