La crise économique vue par les séries tv américaines
Vous souvenez-vous avoir entendu Colombo, Super Jaimie, J.R. ou le détective Starsky s’inquiéter d’une facture d’électricité à régler avant la fin du mois, sous peine de se voir plonger dans le noir ? Les choses sont en train de changer et ce genre de préoccupation béotienne fait son apparition chez les héros du petit écran. La crise financière que nous connaissons actuellement a, en effet, non seulement changé la vie de nombreux habitants des pays occidentaux mais est aussi devenue une source d’inspiration pour les scénaristes tv de Hollywood.

Les crises économiques et les problèmes sociaux ont commencé à être traité par Hollywood à partir du moment où la censure se faisait moins tatillonne. S’adressant à un public plus large, le cinéma du petit écran est traditionnellement en retrait par rapport à son grand frère mais il doit aussi tenir compte de l’opinion des annonceurs. Qui paie choisit la musique. Ce n’est donc pas un hasard si les canaux de distribution les plus en pointe dans ce bouleversement sont les chaines payantes. Qui accepterait de payer un abonnement de 50 dollars par mois pour se faire imposer les goûts du patron de Procter & Gamble ?
Ma petit série ne connait pas la crise
Avant la crise, les héros de nos séries favorites ne connaissaient pas les affres du chômage ou l’angoisse que procures la vue de factures impayées qui s’accumulent sur la table de la cuisine.
Soit le gars était fonctionnaire ; policier (Colombo), employé de la CIA (l’Homme qui valait 3 milliards) ou militaire (Pappy Boyington), soit il était millionnaire (Dynastie), parasite de millionnaire (Magnum), avocat, ou vivant sur une autre planète (Cosmos 1999) mais dans tous les cas, ignorant des problème d’intendance. Et même si il connaissait la faillite, comme tous ceux qui ont osé affronter le redoutable J.R. dans Dallas par exemple, il continuait à vivre dans un penthouse (appartement de luxe, pas le magazine pour adulte, bande d’obsédés), à boire des whiskys de 15 ans d’âge et à rouler en Porsche, sans que personne ne pose la question incongrue : « Mais comment tu fais pour te payer tout cela alors que t’as pas un sou ? ».
Bien sûr, de temps en temps, on croisait des « accidentés » de la vie et de la société (chômeurs, SDF, drogués) ou du petit personnel (chauffeur ou femme de ménage), mais ils étaient généralement sympathiques et surtout non- revendicatifs. Les clodos quêtaient avec le sourire, la cuisinière mexicaine ne venait pas nous les briser tous les mois pour une augmentation de salaire et la femme de chambre était aussi moche que la maitresse de maison était banddante. Certes, Il y a eu une série policière avec une personne handicapée, Robert Dacier dans l’Homme de fer (Dacier/fer…vous avez pigé ? De sacrés déconneurs les mecs de l’ORTF), mais bon, il avait perdu l’usage de ses jambes après avoir reçu une balle dans la colonne vertébrale et ressemblait plus à un mec normal toujours assis qu’aux tétraplégiques qu’on voit au Téléthon et puis c’était il y a si longtemps.
Je vous l’accorde, il y avait quelques fois des grèves, mais elles étaient toujours fomentés par un syndicat à la solde de la mafia dans le but de retarder un chantier et pas pour pour obtenir une couverture médicale ou pour protester contre des conditions de sécurité et d’hygiènes insuffisantes.
Les méchants qu’on voyait dans les séries policières étaient vraiment antipathiques ; mal rasés, basanés, sales, petits, moches et Italiens du sud. On avait pas envie de s’identifier à eux et d’ailleurs on n’imaginait pas une seule seconde qu’on puisse devenir comme eux, même si on avait une grande-mère sicilienne.
Quand Wall street change les scénarii des series
Et puis la crise vint et comme toujours, à quelque chose malheur est bon. Le petit écran ne tarda pas comprendre que les subprimes, les saisie immobilières, la perte de couverture médicale, etc. étaient une formidable source d’inspiration et de renouvellement. Parce que les histoires de môme hyper friqués qui continuent à aller au même lycée même quand ils atteignent l’âge de 30 ans, c’est plus très crédible.
On l’oublie peut-être mais la motivation première de Walter White, le petit professeur de chimie de Breaking bad (ma série favorite, je sais c’est pas original, on est des millions dans ce cas), est d’assurer l’avenir de sa famille (un fils handicapé et une épouse avec un môme dans le tioire) lorsqu’on lui diagnostique un cancer du poumon et pas de faire fric pour mener la grande vie. Cela nous rappelle que les traitements contre le cancer sont très onéreux, pas toujours couvert par les assurances-maladie (quand on a la chance d’en avoir une) et que les études supérieures sont payants aux USA. La motivation de Vic Mackey, le flic pourri de la série The shield, est la même ; payer les frais médicaux de son fils.
Le thème des coupes budgétaires est aussi très présents dans de nombreuses séries. William Schuester, le très sympa prof d’Espagnol de la série Glee, doit non seulement se battre pour dégager des moyens financiers pour son club de chant mais aussi subir à la maison les récrimination d’une épouse qui lui reproche de s’investir dans une activité non-rémunérée. Weeds, nous montre la vie d’une mère au foyer confrontée à des difficultés financières à la suite du décès de son mari causé par une crise cardiaque qui la laisse sans ressource. Elle se lance dans la vente de cannabis à ses voisins.
Kenny Power est une petite série comique sympa qui n’aborde pas directement l’origine des problèmes économiques mais ses conséquences et en particulier la peur du déclassement de « l’Homme blanc » dans une Amérique moins sûre d’elle et de plus en plus bigarrée. On y voit une caricature de WASP sudiste (pas un raciste haineux mais « juste » un confédéré sûr de la supériorité du Blanc sur les autres peuples) ex-star déchue du base-ball, contraint d’aller émigrer dans un pays qu’il méprise, le Mexique, pour y jouer dans une équipe de 4ème catégorie et réduit à bouffer du chili con carne pour se nourrir.
Hung : du sexe et du surendettement
Hung est une série que j’adore et surement celle qui aborde les problèmes économiques et sociaux le plus profondément (sans mauvais jeux de mot). Au premier abord, on peut être rebuté ou séduit par l’esprit de gaudriole de la série (quel homme n’a jamais rêvé de se faire payer royalement pour honorer quelques soirs par semaine quelques jolies femmes). Mais il serait dommage de passer à côté des sujets économiques et sociaux sérieux qui servent de trame à cette histoire. C’est la série qui, selon moi, va le plus loin sur ce sujet. Les scénaristes n’abordent pas la haute finance (spéculation sur les devises ou investissement dans des obligations de l’Etat grec) mais parlent des problèmes qui touchent des millions d’Américains de la classe moyenne et populaire.
C’est l’histoire d’un entraineur de basket-ball qui, à la suite d’une séparation, n’arrive plus à faire face aux dettes qu’il a accumulé. Heureusement pour lui, il a un atout physique qui va peut-être lui permettre de s’en sortir : Il a non seulement une belle gueule mais il est monté comme un bourricot (hung signifie bien monté en anglais). Ray Drecker, le héros dont vous pouvez admirer les fesses Mesdames (mais aussi vous Messieurs) sur la photo, va donc devenir gigolo.
Ray Drecker habite dans une banlieue cossue non loin de Détroit. Le décor est planté ; Détroit, la capital mondiale de l’automobile mais aussi le symbole de la désindustrialisation où selon les statistiques officielles du Census Bureau, 1 habitant sur 3 est pauvre contre 1 sur 7 dans l’ensemble du pays.
Les ennuis de Ray commencent avec son divorce et comme chez beaucoup de couples, cette séparation va le conduire à une situation de surendettement. Il ne peut pas faire face, avec son simple salaire d’entraineur de sport dans un lycée public, aux échéances de crédits gagés sur sa maison. Le plus étonnant pour un Français est que cette maison sur les bords du lac est un bien qui lui ont transmis ses parents, on peut donc supposer que le crédit qui a servit à son acquisition a été remboursé dans sa totalité depuis longtemps. Oui et non, avec le système de crédit hypothécaire rechargeable, qui existe aux USA mais aussi dans de nombreux pays anglo-saxons, notre prof de sport a pu s’endetter pour acheter des biens de consommation en gageant sa maison.
Les ennuis continuent avec l’arrivée de riches voisins qui se plaignent du désagrément visuel que leur fait subir la vue de sa petite maison en bien mauvais état. Ils veulent le contraindre par voie réglementaire à engager des travaux sur sa propriété alors qu’il n’en a pas les moyens. A l’époque où le grand-père de Ray a acheté ce terrain, l’endroit était vide mais depuis, sous la pression migratoire des classes moyennes et supérieures fuyant les centre-villes pour se réfugier dans les banlieues, le petit bout de terrain face au lac est devenu très convoité. Comme les enmerdes volent toujours en escadrille, des restrictions budgétaires vont s’abattre sur son lycée. Soit lui, soit son collègue et ami de longue date devrait être viré.
Dans la seconde saison de la série, le héros et son protecteur, qui est une femme, veulent créer une école où on enseigne aux femmes le moyen de parvenir à l’orgasme mais vont se trouver confronté au refus des banques plus frileuses à financer une PME que soucieuse de l’activité à la limite de la légalité du projet. C’est à ce moment qu’on peut apprécier la meilleure scène de la série selon moi ; Tanya Skagle, son « agent », qu’on devine démocrate, défendant le bilan d’Obama et le Small Business Act face à un Ray Drecker, peut-être républicain ou au moins sceptique sur l’influence des politiques, survolté contre la finance et le big business.
Homeland : la référence
Même si les préoccupations économiques sont très présentes dans beaucoup de nouvelles séries, elles restent encore en toile de fond si ce n’est dans le registre de l’anecdotique et n’arrivent pas à s’imposer en thème central. Walter White de Breaking bad se soucie plus souvent de la propreté de la cuve qui lui sert à concocter sa méth que de son cancer et Nancy Botwin de Weeds n’a pas pleuré trop longtemps la disparition de son mari.
Qu’elle en est la raison ? Peut-être la frilosité des producteurs qui craignent que le grand public demande du rêve et pas de l’angoisse sur son propre future. Peut-être aussi les enjeux économiques : chaque épisode de la série Rome a coûté 6 millions d’euros mais c’est un exemple extrême et pour raconter la misère social en Seine-Saint-Denis ou à Cleveland, les frais de reconstitution doivent être minime et trouver des figurants pas très difficile. Et pourtant le carton d’Homeland (dont voici un critique) en terme d’audience et d’estime de la la profession qui a cassé tous les codes télévisuels devrait ouvrir une nouvelle voie.
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