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La philosophie dans le foutoir

Lundi, Bibliobs, site littéraire du Nouvelobs, révélait sous la plume d’Aude Lancelin la bourde de BHL, désormais bien connue de tous. Dans un de ses deux livres qui paraissent aujourd’hui chez Grasset, De la guerre en philosophie - « version remaniée d’une conférence prononcée en 2009 à l’ENS de la rue d’Ulm », précise Aude Lancelin - l’ancien nouveau philosophe évoque les recherches d’un certain Jean-Baptiste Botul.
 
Botul, comme chaque journaliste le sait depuis, est une pure invention d’Yves Pagès dont nous écrivions l’an dernier sur Agoravox qu’ « agrégé de philosophie  », il « est aussi un spécialiste de Jean-Baptise Botul, philosophe inconnu, mais néanmoins auteur de plusieurs livres qui ont marqué l’histoire : Landru, Précurseur du Féminisme, La vie sexuelle d’Emmanuel Kant, Nietzsche ou le démon de midi ou encore l’indispensable Métaphysique du mou (tous parus aux éditions Mille et une nuits)...".
 
Pagès est également journaliste au Canard enchaîné où chaque semaine il tient le Journal de Carla B., pastiche du journal de l’épouse de Nicolas Sarkozy.
 
Entre Bergson et Bourdieu le dictionnaire des philosophes recense beaucoup de savants. Souvent ils ne sont pas connus du grand public. Mais on a beau chercher on ne trouve pas Botul.

Page 122 de son livre, BHL, explique la journaliste de l’Obs, « dégaine l’arme fatale. Les recherches sur Kant d’un certain Jean-Baptiste Botul, qui aurait définitivement démontré « au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans sa série de conférences aux néokantiens du Paraguay, que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence ».
 
Et BHL de poursuivre son implacable diatribe contre l’auteur de « La Critique de la raison pure », « le philosophe sans corps et sans vie par excellence ». Botul n’existe pas, mais ses livres, dont La vie sexuelle d’Emmanuel Kant existe bien. Il n’a pas été publié en 2004, mais en 1999, dans la petite collection des éditions 1001 nuits.

Depuis, BHL est la risée du monde médiatique qui, après avoir courbé l’échine, est plié en deux de rire devant le falsificateur. Le monde comme réalité est méchant.

Mais Bernard-Henri Lévy a-t-il bu la ciguë jusqu’à la lie ? Rien n’est moins sûr. Il a du potentiel, le gaillard. Sophiste de première bourre, rien ne peut l’atteindre et il est grand dans l’adversité.
 
Cependant le coup est rude. Pas tant parce que la dernière imposture en date n’en est qu’une de plus, mais parce que c’est celle de trop. En temps de crise nous avons besoin de philosophes, pas de foutriquets.

Il n’est finalement pas hasardeux que BHL soit ébranlé par Botul, un ectoplasme, un « à la manière deux  », comme aurait dit Céline, un artefact, un faux-semblant tellement vraisemblable car né de l’imagination d’un vrai philosophe, quand BHL a été lancé comme une marque de lessive.
 
Souvenez-vous de cette mémorable soirée du 27 mai 1977. Il y a presque 33 ans de cela, Bernard Pivot invitait dans son émission Apostrophes une paire de philosophes nouveaux (André Glucksmann et Bernard-Henri Levy) flanquée de leurs contradicteurs (François Aubral et Xavier Delcourt) et un autre, figure tutélaire, d’un millésime plus ancien (Maurice Clavel).
 
Titre de l’émission : Les nouveaux philosophes sont- ils de droite ou de gauche ? Il y est notamment question de Socrate et de Platon, mais on s’en fout, maintenant.
 
On sait depuis que les nouveaux philosophes, mêmes anciens, ne sont ni de gauche ni de droite. On sait surtout que les nouveaux philosophes c’est BHL. Un point, c’est tout. Et pour longtemps.
 
Dès 1979, pourtant, Pierre Vidal-Naquet, rappelle Aude Lancelin dans son article, dénonce le cuistre. D’autres encore suivront.

BHL qui n’est pas la moitié d’un imbécile a réagi à cet « auto-entartrage », comme dit Frédéric Pagès qui revient sur l’affaire dans le Canard enchaîné du 10 février.

Il prend la chose, sinon, avec philosophie, du moins avec un semblant d’humour : « Lundi dernier, sur Canal+, il a reconnu son erreur, écrit Pagès dans le Canard, « avouant même un certain plaisir à [s]être laissé piéger par une mystification aussi bien ficelée ».
 
Dans Libération, qui rappelle que Bernard-Henri Lévy est actionnaire et membre du Conseil de surveillance, il transmet une lettre d’excuses :
 
« Salut l’artiste. Chapeau pour ce Kant inventé mais plus vrai que nature et dont le portrait, qu’il soit donc signé Botul, Pagès ou Tartempion, me semble toujours aussi raccord avec mon idée d’un Kant (ou, en la circonstance, d’un Althusser) tourmenté par des démons moins conceptuels qu’il y paraît. » Frédéric Pagès, expliquent les journalistes de Libération, invente Jean-Baptiste Botul en 1996, profitant d’une homophonie prometteuse avec le « botulisme », maladie mortelle provoquée par la toxine « botulique » : le terme Botox vient de là. L’association des amis de Botul organise lectures et conférences qui perpétuent la fiction. « Il n’a jamais été établi explicitement que Botul n’ait pas existé et il n’est donc pas à exclure qu’un jour, l’histoire rende raison à Bernard-Henri Lévy », commentait hier Frédéric Pagès ».

Pourtant, en parlant de mystification et de piège BHL noie le poisson soluble. C’est de bonne guerre. Cette guerre philosophique qu’il évoque dans son dernier livre (pour l’heure) et dont il est un ardent petit soldat. Comme disait un commentateur sur Facebook : « Pendant la guerre de philosophie, BHL a attrapé le BOTULisme en ouvrant sa ration de combat. »

Dès le début de cette histoire Pagès a pourtant été clair : « Moi ça me fait énormément plaisir en tant que président des amis de Jean-Baptiste Botul qu’un de nos plus grands philosophes contemporains cite notre philosophe adoré, malheureusement il n’a pas existé, mais enfin ça c’est un détail de l’histoire et on pourrait dire un dégât collatéral.
 
Il suffit d’ailleurs d’un seul clic sur Google pour voir écrit la phrase « Jean-Baptiste Botul est un philosophe fictif  ». Alors je ne sais pas si BHL a Internet ou pas. Nous on ne tend des pièges à personne. On n’a absolument pas voulu piéger BHL.
 
Il a pris le livre qui s’appelle La vie sexuelle d’Emmanuel Kant. A mon avis il l’a lu un petit peu vite et il n’ a pas peut-être compris toutes les nuances et les subtilités de ce petit livre. Je pense que Bernard Henri Lévy a tendance à lire très très très vite. Il est tombé dans le panneau tout seul comme un grand, sans qu’on ait besoin de le pousser » explique Pagès sur Europe 1.

J’aurais bien voulu poser quelques question à Frédéric Pagès pour qu’il nous parle de cette affaire pas si anecdotique. Mais hier c’était le bouclage au Canard et, de plus il a été énormément sollicité. Mais voici un extrait du mail que je viens de recevoir :
 
« Chers amis, Dans l’impossibilité de répondre personnellement à chacun d’entre vous....selon la formule consacrée...voici un mail forcément collectif pour saluer comme il se doit l’apothéose que nous vivons depuis lundi. Vous l’avez constaté : c’est un déferlement médiatique comme jamais nous n’en aurions revé dans nos songes les plus fous ...
 
Mon portable a été saturé non seulement par les amis, mais par les journalistes, non seulement français mais anglais, américains et italiens. C’est un éclat de rire mondial...

Canal Plus, LC1, Europe, RTL etc. se sont précipités, tout à la joie de pouvoir enfin taper sur l’idole qu’ils ont encensée pendant des années »...

Après avoir foutu la philosophie par derrière, BHL est foutu par Botul. Par derrière aussi. C’est de bonne guerre philosophique.
 
 

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19 réactions à cet article    


  • Sandro Ferretti SANDRO 10 février 2010 12:16

    Merci pour l’article et le flash back.
    A l’époque de la vidéo, j’étais en khâgne. Mon prof de philo, ex-secrétaire d’Althusser , appellait dédaigneusement les nouveaux philosophes « les petits jeunes gens de la télévision ».
    Ca n’a pas changé.

    PS 1 : Vous devriez remanier la photo de l’article à la mode 2010, en supprimant la cigarette, ce serait plus politiquement correct...
    PS 2 : le clin d’oeil de votre titre est contestable : Sade n’était pas un rigolo, lui. Et son « foutoir dans le boudoir » était très organisé...


    • Sandro Ferretti SANDRO 10 février 2010 12:20

      Vous auriez du titrer l’article :

      « Le temps est un sérial qui leurre »...


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 10 février 2010 13:46

        Une petite remarque de relecteur : votre Pagès s’appelle tantôt Yves, tantôt Frédéric. Un epetite correction s’impose... Sans ça, merci d’avoir allumé ce cuistre, ça faisait longtemps qu’il le méritait.


        • Georges Yang 10 février 2010 13:53

          J’ai bien aime votre article, BHL est un cuistre, certes Botul n’existe pas mais celui qui ecrit sous ce pseudo existe lui bel et bien. Et ce qu’il a ecrit doit etre particulierement circonstancie pour arriver a etre credible> Critiquer Kant n’est pas une faute de BHL car Kant est critiquable
          Ce qui est ridicule , c’est de s’appuyer sur un texte qui un pastiche brillant , mais une imposture, car les conferences du Paraguay n’ont jamais eu lieu>
          Et puis BHL est deja assez ridicule en lui meme et cet episode n’est qu’un episode de sa cuistrerie ,
          Le titre est une allusion a Sade, pour ceux qui connaissent son oeuvre, mais je suis d’accord avec Sandro, bien qu’il s’en repaisse tout vau lonfg de son oeuvre Sade n’est pas un J’en foutre comme BHL


          • morice morice 11 février 2010 09:52

            tomber dans la facilité est une autre escroquerie, Furtif...


          • Sandro Ferretti SANDRO 10 février 2010 15:04

            @Furtif :
            « La réalité, c’est ce qui continue d’exister quand on a cessé d’y croire ».
            (PK Dick)


            • Le Clem 10 février 2010 16:42

              « C’est un éclat de rire mondial... »

              Haaa, en ces temps de crise, heureusement qu’on a BHL pour nous faire marrer.

              Bo-tul ! Bo-tul ! Bo-tul ! Bo-tul !


              • fifilafiloche fifilafiloche 10 février 2010 18:12

                En temps de crise nous avons besoins de cerveaux pragmatiques, pas de jetsetteurs.


                Quand on vend du vent, on récolte la tempête.

                • ciotaden 10 février 2010 18:55

                  Il faudrait voir à être un peu plus attentif que ce papillon de BHL , qui n’avait même pas lu la notice Wikipédia sur Botul : Pagès s’appelle Frédéric (et pas Yves), et il n’est pas l’auteur de tous les livres de Botul : en tout, 4 auteurs se sont partagés ces quatre bijoux, Frédéric Pagès (La vie sexuelle d’Emmanuel Kant et Nietszche et le démon de midi), Christophe Clerc et Bertrand Rothé (Landru précurseur du féminisme), Jacques Gaillard (La Métaphysique du Mou). Tout ça est sur la notice de Wikipédia ! Pan dans le bec ? 


                  • Philou017 Philou017 10 février 2010 19:50

                    « nous avons besoin de philosophes, pas de foutriquets »

                    Bien dit. BHL est un ectoplasme qui s’ignore.


                    • epapel epapel 10 février 2010 19:51

                      Et si on organisait une chasse au dahut avec BHL comme invité ?


                      • moebius 10 février 2010 21:14

                        je tiens a préciser que je n’ai pas lu cet article, ni aucun article sur le truc BHL qui vient de sortir ni jamais aucun truc écrit de BHL, je le jure sur la téte de Spinoza et que je n’ai absolument pas la moindre intention de commenter ici quoique ayant un rapport quelconque avec le bidoniot BHL


                        • moebius 10 février 2010 21:17

                           ...ou le botul BHL ; Mais connaissez vous le shmurbluk BHL ?


                          • moebius 10 février 2010 21:22

                            ..donnez moi des sous, beaucoup et encore plus que ça et je vous parlerais du shmurbluk BHL....et du spéculos litteraire


                            • morice morice 11 février 2010 09:50

                              meilleur titre de l’année, déjà (ça va être difficile de faire mieux), pour sûr pour Mr Bailly qu’on remercie pour sa vigilance ici !


                              • Reinette Reinette 11 février 2010 10:44

                                pioché sur le site Association des amis de Jean Batiste Botul

                                L’administration aéronautique fédérale américaine a un moyen unique de tester la résistance des pare-brise d’avions. Le système est composé d’un pistolet qui lance des poulets morts sur les dits pare-brise à la vitesse approximative d’un avion en vol.
                                La théorie est simple : si le pare-brise résiste à l’impact de la carcasse, il devrait survivre à une véritable collision avec un oiseau vivant.

                                Les Français se sont montrés très intéressés et ont décidé ainsi de tester la résistance des pare-brises du nouveau modèle de TGV qu’ils sont en train de développer. Ils ont donc emprunté le lanceur de poulet américain, l’ont chargé et ont fait feu. Le poulet sol-sol a explosé la vitre du train, traversé le fauteuil du mécano, défoncé la console d’instrument de bord avant de s’encastrer dans le panneau arrière de la cabine de pilotage.

                                Les Français un peu surpris, ont alors demandé à l’administration aéronautique fédérale américaine de vérifier la validité de leur test. Celle-ci s’est donc livrée à un examen de la procédure pour aboutir à la recommandation suivante :
                                « IL FAUT DÉCONGELER LE POULET ! ».


                              • Reinette Reinette 11 février 2010 10:54


                                Le foutoir dans la philosophie  smiley

                                la Vie sexuelle d’Emmanuel Kant 
                                où l’on apprend que « la sexualité de Kant est la voie royale qui nous mène à la compréhension du kantisme »,

                                une logique inébranlable
                                « Si la plupart des philosophes furent célibataires, c’est pour témoigner que le but ultime de l’Humanité n’est pas de se reproduire [...] Est donc nécessaire une race spéciale de célibataires et de chastes individus qui décident de ne pas procréer, de refuser les joies douteuses du mariage et de se consacrer à la transmission des connaissances, c’est-à-dire à la culture. »

                                http://www.liberation.fr/cinema/06011660-bhl-etre-un-dieu-c-est-mortel


                                • hans lefebvre hans lefebvre 14 février 2010 13:46

                                  BHL, CE GRAND TARTUFFE À LA RENVERSE !


                                  • pierrot123 14 février 2010 20:54

                                    C’est drôle, il a remis à la mode ce mot désuet, un peu oublié : Cuistre...

                                    Le dictionnaire nous dit : "Pédant vaniteux et ridicule. Molière, dans le personnage de Trissotin, a immortalisé le type du cuistre, un benêt dont partout on siffle les écrits".

                                    On trompe une personne tout le temps, tout le monde une fois...mais on ne peut tromper tout le monde tout le temps.

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