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Le journaliste, parfait héros du cinéma américain ?

Le journalisme est un inépuisable filon pour le cinéma américain, à l’image du film culte Les Hommes du Président, réalisé en 1976 par Alan Pakula. Celui-ci réalisera également un autre très bon film, près de vingt ans plus tard, et toujours en lien avec le journalisme : L’Affaire Pélican.

Le propos n’est pas ici de faire une hagiographie de tous les films ayant pour ‘héros’ un journaliste. La tâche serait fastidieuse. Aussi, restons plutôt sur la période contemporaine et intéressons-nous aux films sortis après 2000. En effet, la liste est à la fois longue mais également remarquable qualitativement, avec des tendances affermies concernant les caractères des personnages.

Le mâle dominant

La figure du journaliste est évoquée intelligemment, mêlant opiniâtreté et idéalisme, bougonnerie et finesse, vieille école et nouvelles technologies. Le personnage est généralement un journaliste d’investigation (mâle, désolée mesdames), avec pour credo la recherche de la vérité. Les acteurs choisis incarnent parfaitement les personnages :

  • Russel Crowe dans Jeux de Pouvoir (2009), journaliste bourru de Washington ;
  • Daniel Craig dans Millenium (2012), James Bond transformé en Mikael Blomkvist, brillant journaliste d’investigation ;
  • Jeremy Renner dans Secret d’Etat (2014), en Gary Webb, journaliste anonyme au non moins anonyme San Jose Mercury News, mais qui révèle les liens entre la CIA, l’agence de renseignement américaine, avec les Contras, la rébellion anticommuniste au Nicaragua.

Des personnages entiers donc, mais avec des faiblesses communes, notamment une vie quasi-totalement tournée vers leur métier et, de ce fait, une vie personnelle insignifiante. A ce titre, Gary Webb/Jeremy Renner a l’air complètement dépassé par ses obligations parentales, pourtant bien épaulé par sa femme (jouée par la formidable Rosemarie DeWitt).

Un personnage est toutefois à mettre de côté, totalement à l’opposé du portrait-robot de mâle dominant : Truman Capote (2006). Incarné par feu Philip Seymour Hoffman, celui-ci joue à merveille le dandy new-yorkais homosexuel, dont la sensibilité sert à comprendre et expliquer un fait divers monstrueux : le meurtre de quatre membres d’une famille de fermiers du Kansas, par deux paumés. L’investigation sait alors être menée de manière douce, avec prévenance. Tout au long du film, la sensibilité de Truman Capote/Philip Seymour Hoffman met en parallèle l’absurdité des quatre meurtres et le néant (ou la futilité, on ne sait dire) des vies des meurtriers. Avec cette question irrésolue : pourquoi ?

Le journaliste comme faire-valoir : le rôle des femmes, vraiment ?

Le journaliste peut également servir de faire-valoir et il faut noter qu’à ce titre, les deux films qui me viennent à l’esprit voient deux femmes interpréter les rôles titres : Meryl Streep et Jennifer Connelly. Et à ce jeu, elles s’opposent assez brillamment à deux monstres sacrés du cinéma américain : Tom Cruise et Leonardo DiCaprio.

Ainsi, dans le mésestimé Lions et agneaux (2007, réalisé par Robert Redford), la sublime Meryl Streep campe Janine Roth, présentatrice TV ‘de gauche’ (liberal comme disent les Américains), écoutant attentivement les fadaises du sénateur républicain ‘qui lorgne la présidence des Etats-Unis’, Jasper Irving/Tom Cruise. La relation entre les deux personnages fonctionne à merveille, notamment du fait que le charisme de ce dernier n’a d’égal que sa confiance aveugle dans la nouvelle stratégie mise en œuvre pour mettre fin, une bonne fois pour toute, à l’insurrection talibane en Afghanistan. Ce qu’il y a d’intéressant est le renversement de valeurs, le réalisme étant incarné par la journaliste, là où on aurait pu s’attendre à une attitude plus candide. Ce retournement, véritable cas d’école à analyser, est l’une des forces de ce film.

Concernant Blood Diamond (2007), Jennifer Connelly est Maddy Bowen, journaliste d’investigation idéaliste cherchant à prouver le trafic de diamants en Sierra Leone, pays ravagé par la guerre civile. Elle fait alors la connaissance du mercenaire/trafiquant Danny Archer/Leo DiCaprio ‘de Rhodésie’. La relation ici est plus simple à comprendre, chacun finissant par tempérer ses convictions, même si on peut estimer que le beau Leo succombe aux charmes et à l’idéalisme de Jennifer Connelly/Maddy Bowen, au prix de sa vie. Finalement, la morale est sauve : la journaliste est vivante, divulgue l’affaire et les dernières scènes du film concernent la signature du processus de Kimberley.

Ainsi, dans ces deux films, de manière très différente, les deux journalistes (femmes) ne sont point des faire-valoir. Bien au contraire, elles ont une certaine centralité : pour elles-mêmes déjà (force de caractère, jeu d’actrice…), mais également – et surtout – pour les idéaux défendus.

Le rôle des tandems journalistiques

Les tandems sont intéressants d’un point de vue cinématographique, permettant de tempérer le caractère des personnages, dans les films centrés sur le journalisme. Pourtant, ils sont bien trop rares, peut-être parce qu’ils demandent une vraie réflexion dans le scénario : par exemple, comment ajuster intelligemment les caractères, les rôles… des deux journalistes afin d’éviter un déséquilibre narratif ?

Aussi, mis à part le binôme Robert Redford/Dustin Hoffman, renvoyant au tandem Woodward/Bernstein dans la vraie vie, seulement deux autres films se basent sur ce procédé :

  • Jeux de Pouvoir avec Russel Crowe et Rachel McAdams : ici, le journaliste à l’ancienne, bourru et condescendant, s’oppose déontologiquement (et donc professionnellement) à une jeune ambitieuse et connectée, surfant sur le net pour paraphraser ce qui a déjà été dit et faire du bâtonnage. Ils finiront néanmoins par accorder leurs violons.
  • Millenium : vrai et beau tandem que Daniel Craig et Rooney Mara. Celle-ci, en jeune femme au look gothique, mystérieuse, asociale mais enquêtrice exceptionnelle, complète à merveille le caractère analytique, mondain et la célébrité de Mikael Blomkvist.

Ainsi, les caractères, les acteurs mais surtout les jeux d’acteurs font de ces films des œuvres à voir et revoir. Mais malheureusement trop rares encore dans le cinéma.

La critique de la politique étrangère américaine

Même si les relations entre les studios hollywoodiens et les différentes administrations successives sont connues, il est intéressant de regarder la manière dont le cinéma critique la politique étrangère des Etats-Unis, au travers d’un journaliste. Notamment ces dernières années. En effet, les exemples sont nombreux : Lions et agneaux (2007), critique acerbe de la guerre en Afghanistan et plus largement de la guerre ‘contre le terrorisme’ ; Jeux de Pouvoir (2009), qui est un examen sans concessions du rôle des sociétés militaires privées et des collusions au sein du complexe militaro-industriel américain ; Secret d’Etat (2014), dont le thème concerne les relations CIA/Contras. Mais il faut également citer :

  • Good Night, and Good Luck (2006, de et avec Georges Clooney), narrant la lutte opiniâtre d’Edward R. Murrow, présentateur du journal télévisé de CBS de l’époque, pour faire chuter le Sénateur McCarthy, anticommuniste pathologique ;
  • Frost/Nixon, l’heure de la vérité (2009, de Ron Howard), retraçant l’interview télévisée, à la fois agressive et intelligente, du (détesté) Président Richard Nixon par David Frost, en 1977 (Watergate, guerre au Vietnam…) ;
  • Sous surveillance (2013, de Robert Redford), où le reporter Ben Schulberg/Shia LaBeouf tente de faire la lumière sur le passé trouble d’un avocat autrefois membre d’un groupe de radicaux anti guerre du Vietnam.

La figure du journaliste est également utilisée pour critiquer certains travers du capitalisme américain. Ainsi, dans Révélations (2000, de Michael Mann), Al Pacino campe Lowell Bergman, célèbre journaliste et producteur de l’émission de CBS 60 minutes, travaillant au corps Russel Crowe, employé de Philip Morris, pour qu’il devienne le lanceur d’alerte divulguant le scandale sanitaire lié aux cigarettes et à la nicotine. Le journaliste est alors le porte-parole de la vérité, mais cette fois, sur des enjeux sanitaires et également sur des questions de transparence politique et de démocratie.

Pour finir, nous pourrions également citer Paperboy (2012, de Lee Daniels), où Matthew McConaughey endosse les habits de Ward Jansen, reporter au Miami Times, dans un film iconoclaste et qui est une critique de la peine de mort et de son absurdité.

Rarement de parfait salaud

Le journaliste – quand il a le premier ou le second rôle – jouit d’une image positive, rarement mise en cause par des travers/fautes professionnels que l’on peut voir dans la vie réelle : corruption, désinformation, biais idéologique… Ainsi, Russel Crowe dans Jeux de Pouvoir ne varie pas d’un iota dans sa quête de la vérité malgré le fait que son ami, Stephen Collins/Ben Affleck, congressman et président du comité de supervision des dépenses du ministère de la Défense, soit au centre d’une affaire de mœurs (qui débouchera sur l’histoire du film). Ce dernier est par ailleurs marié à Robin Wright/Anne Collins, ex-copine de… Russell Crowe/Cal McCaffrey.

Pourtant, dernièrement, un film a fait sensation pour sa critique féroce du journalisme spectacle que sont devenues les chaînes locales d’informations en continu, aux Etats-Unis. Night Call (2014, de Dan Gilroy) est un pur bijou, avec un Jake Gyllenhaal d’une qualité rare en journaliste reporter d’image psychopathe. Il n’hésite pas à provoquer des accidents, truquer des scènes de meurtre, forcer une fusillade entre gangsters et policiers, faire tuer son employé… obnubilé qu’il est par la volonté de montrer des images à sensation. Course à l’audience, appât du gain, égotisme névrotique se mêlent dans un film très cruel pour le journalisme (en tout cas, une certaine forme). Enfin, il faut noter la présence de Rene Russo en patronne de l’information d’une chaîne locale, formant un tandem symbiotique contrarié avec Jake Gyllenhaal, à la fois professionnel mais également psychologique.

Pour finir, Jonah Hill, dans le film True Story (2015), pourrait très bien personnifier ce parfait salaud. En effet, incarnant Michael Finkel, journaliste respecté du New York Times, il en est renvoyé pour avoir falsifié des informations concernant une enquête sur l’esclavage des enfants en Afrique. Toutefois, le film a plutôt trait à la rédemption – d’un homme, certes, mais également d’une profession – puisqu’il se met à enquêter sur un homme ayant tué sa femme et ses enfants. Celui-ci, incarné par le mésestimé James Franco, est plein de fragilités et de noirceur, qui correspondent finalement bien au personnage (Michael Finkel) incarné par Jonah Hill. True Story est donc un film intéressant mais sans être exceptionnel, comme ceux cités précédemment.

 

Le journalisme est donc un thème récurrent dans le cinéma hollywoodien, principalement dans une vision positive : recherche de la vérité, critique de la politique étrangère. Même si le journaliste est plein de fragilités, sa force de caractère lui permet de les surmonter. Toutefois, il n’est pas, pour autant, un super héros. Juste un journaliste. Et c’est déjà beaucoup.


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3 réactions à cet article    


  • Alpo47 Alpo47 27 mai 2016 14:42

    Vous parlez bien du journaliste ... au cinéma, n’est ce pas ? Parce que dans la réalité, les grands médias , donc leurs journalistes, sont aux mains de grands groupes qui cherchent avant tout à construire l’opinion.

    Et Hollywood n’est qu’une machine à décerveler. Même les agents de la CIA ou de la NSA y sont constamment présentés comme les « gentils » qui sauvent perpétuellement la paix et les USA. C’est dire.

    Notons au passage qu’à la suite du refus de J.Chirac -dernier signe d’indépendance de nos diirgeants- de participer à l’agression de l’IRAK, les méchants dans les films étaient souvent des Français. Par exemple, la série Matrix, avec « le français » prototype du fourbe, lache, traitre... Et bien d’autres films...
    Les méchants changent au gré de l’évolution de rapports politiques, mais les gentils sont toujours les même, le soldat US, défenseur de la veuve et de l’orphelin.

    J’ai du mal à comprendre que l’on accorde encore une crédibilité quelconque à Hollywood et même que l’on parle simplement de ce que produit Hollywood.


    • César Castique César Castique 27 mai 2016 15:46

      « Le journalisme est un inépuisable filon pour le cinéma américain, à l’image du film culte Les Hommes du Président, réalisé réalisé en 1976 par Alan Pakula. »


      Le synopsis, selon allocine.fr : « En 1972, cinq hommes sont arrêtés pour avoir pénétré par infraction dans l’immeuble du Watergate où se situent les bureaux du parti Démocrate. Alors que l’affaire est présentée comme un simple fait divers, deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward décident de pousser l’enquête qui les mènera vers les plus hautes sphères du gouvernement.  »


      La réalité révélée en 2005 :

      Les deux zéros – manipulés comme souvent les médiateux - passaient leur journée à attendre les révélations qu’un bouilleur de cru clandestin, du nom de William Mark Felt, leur distillait à intervalles plus ou moins réguliers, pour se venger de la promotion à la tête du FBI, que Richard Milhous Nixon lui avait refusée.


      La pelloche n’est plus désormais qu’une fiction parmi d’autres… Mais on se garde bien de prévenir le spectateur lambda qu’il s’agit d’une histoire de faux culte, confirmant implicitement que toute communauté humaine a les idoles qu’elle mérite.


      • Ouallonsnous ? 27 mai 2016 19:02

        "Le journalisme est donc un thème récurrent dans le cinéma hollywoodien, principalement dans une vision positive : recherche de la vérité, critique de la politique étrangère. ..............Toutefois, il n’est pas, pour autant, un super héros. Juste un journaliste. Et c’est déjà beaucoup."

        JournalisteMasqué, travaillez vous pour Hollywood et le propaganda staffel de l’empire Anglo-Yankee ?

        Si oui, nous comprenons votre article, si non, ouvrez les yeux cari il y a bien longtemps qu’il n’existent plus de journalistes tels que vous les décrivez !

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