En mal de sujets d’été, le Nouvel Obs s’est mis en tête de consacrer une rubrique de 5 pages aux femmes de pouvoir qui ont fait l’Histoire. Le journal établit une liste : Diane de Poitiers, Anne de Bretagne, Catherine de Médicis,
Anne d’Autriche, Madame de Pompadour, Marie Antoinette et Carla
Bruni. Seulement voilà, le Nouvel Obs s’emploie avec tant de zèle à défendre la première dame de France - avec des détours par la très vieille loi salique pour fustiger tout contestataire contemporain au nom de la misogynie qui est partout -, qu’il « oublie » d’aborder un sujet qu’il annonçait.
Exit Anne de Bretagne ! Mais on va jusqu’à dégotter une Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou dont le rôle très obscur et insignifiant dans l’Histoire justifie amplement que les historiens (les vrais...) ne s’en soient pas préoccupés. L’un des auteurs de l’article (et oui ! ils sont trois : trois pour ça ! Trois bien payés) aurait-il de la famille en Anjou ?
Les auteurs n’oublient pas la reine Brunehaut et ils auraient même pu caser au coin d’une ligne la mère Michu et son chienchien mais Anne de Bretagne pas question ! La reine était pourtant annoncée et alors que le dossier fait 5 pages. Décidément , les "connards de Bretons" n’ont pas la cote quand on à en tête de plaire au pouvoir. Ledit pouvoir ne boudera sans doute pas cette flatterie qui vient à point nommé au moment où les sondeurs d’Opinion Way se font prendre la main dans le sac et ne peuvent donc momentanément plus l’appuyer en l’échange d’espèces sonnantes et trébuchantes.
S’en suit une récitation de l’Histoire de France avec ci et là l’opinion savante des auteurs qui veulent marquer leur esprit original et tiennent surtout à se faire les chevaliers de la gent féminine.
Ignorer Anne de Bretagne, c’est ignorer toute la Bretagne, un peu à la manière de Sarkozy sur le Tour esquivant tout commentaire sur le premier français du classement général : le breton Le Mevel. Car Anne de Bretagne est chère au coeur des Bretons. Sa popularité est grande en Armorique où on lui dédie des festivités. Les journalistes semblent ignorer ce fait alors que l’actualité parle d’un rock opéra "Anne de Bretagne" qui a réuni plus de 6000 personnes et que le d’Anne cœur repose au château des ducs de Bretagne à Nantes (lire "
Le coeur d’Anne de Bretagne bat à Nantes"), capitale historique de la Bretagne, comme le président lui-même semble l’avoir reconnu. Le dossier de la réunification de la Bretagne historique est d’ailleurs en cours de discussion au sommet de l’Etat.
Anne de Bretagne qui épousa deux rois de France ( Charles VIII puis Louis XII) fait-elle trop pâle figure face à la princesse bling bling ?
Mais cette polémique est, en réalité, secondaire. L’article du Nouvel Obs ne poursuit d’autre but que le cirage de bottes du prince et de sa belle. "On peut trouver injustes ces comparaisons assassines", s’émeut d’entrée le journal à propos des références à Marie-Antoinette ou à la Pompadour. Pas un mot bien entendu sur l’illégitimité de certaines décisions de la première dame de France, par exemple quand cette dernière emploie l’argent des impôts des Français (qui vont pourtant s’appauvrissant dans une "France en faillite") au secours des monuments de son pays : l’Italie. Plus pompe à fric que Pompadour ?
Le Nouvel Obs admet néanmoins - et c’est heureux - que "Mme Bruni-Sarkozy ne tire son pouvoir d’aucune légitimité démocratique, elle n’a été élue que par l’amour du prince" (et ce dernier par son amour-propre serais-je tenté d’ajouter). Mais c’est pour invoquer aussitôt l’Histoire et voler au secours des gens du château : "Nous revoilà bien plongés en plein Ancien Régime. Profitons-en donc pour aller y mettre un peu d’ordre dans les souvenirs que cela suscite." Vous aurez compris la manoeuvre : puisque l’on parle de l’Ancien Régime, rappelons l’odieuse loi salique et la III ème République misogyne.
En somme, vous avez tout intérêt à être d’accord avec les auteurs sinon vous passez pour misogyne. Mais oublier la Bretagne, cela s’appelle comment ?