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Les médias tels un volcan d’émotions

L’essence humaine est faite de raisons et de passions, voire d’émotions. Les médias diffusent des informations. Ils informent. Ce mot « information » paraît trop neutre pour ne pas susciter les soupçons. Peu à peu, le médiatique a perdu son caractère strictement formel en prenant un nouveau visage plus près du cerveau, du psychisme. En occupant le temps de cerveau, le média ne fait pas que s’installer dans le psychisme. Il affecte carrément le sujet. Quand les médias offrent des données rationnelles, le sujet est instruit. Ne serait-ce qu’avec toutes les données concernant la vie quotidienne et le rapport aux administrations. Chaque année, on a droit aux relevés tarifaires en juillet, à la date limite pour envoyer sa déclaration courant mars, ou aux chiffres divers tels celui de l’inflation ou de la croissance. Ces informations sont générales mais elles peuvent avoir un intérêt ciblé. Le montant des allocations familiales ne concerne pas les foyers sans enfant. Tout cela est bien rodé, tout autant que le deuxième aspect, plus émotionnel, caractérisant les diffusions médiatiques pourvues d’un fort contenu affectif. L’occasion de tracer quelques portraits médiologiques. En évoquant quatre types d’émotion. L’espérance, la peur, la colère et le rire. Chaque information émotionnelle touche diversement les individus et se caractérise par une dynamique déterminée avec la phase de montée des émotions et la phase de dégonflement qui dure un certain temps, à l’instar du fût du canon qui refroidit après le coup.

L’espoir-passion. Un grand moment de communion et d’espérance a salué la victoire de Barack Obama en novembre 2007, autant aux Etats-Unis que de par le monde. Et maintenant que constatons-nous ? Eh bien que l’effet Barack s’est dégonflé, que les critiques fusent outre-Atlantique, avec un bastion démocrate perdu, alors qu’en Europe, si un mot devait traduire le sentiment envers le président des States, ce serait déception. Les analystes sont désabusés et quelque part, cela traduit la réaction naturelle du psychisme après un an de mandat. Le spectacle donné par Obama est triste comme un lendemain de fête.

La peur. Rien de neuf. On se souvient un soir de JT lorsque Roger Gicquel introduisit son journal par cette sentence, la France a peur. C’était juste avant l’affaire Patrick Henry, un assassinat perpétré dans une localité de province. En 2009, les autorités ont peut-être eu peur de la grippe, ou alors elles avaient une idée en tête. Bref, les experts ont communiqué de telle manière que les Français craignent la grippe, afin de justifier la campagne antivirale mobilisant pas moins de cinq ministères. De semaines en semaines, les médias ont diffusé des messages d’alerte avec des classes fermées, des décès notifiés, puis la vaccination démarra avec cette belle opération de com autour d’une mutation virale en Norvège, suivie d’un exposé de gore attitude par une ministre décrivant le détail d’un poumon en sang explosé par l’agent viral. Des enfants ont eu peur à cette époque. Maintenant, la baudruche s’est dégonflée. La grippe ne fait plus peur.

La colère. Les médias sont très prolixes lorsqu’il s’agit de mettre en spectacle la colère, celle des salariés de Gandrange snobés par le président, des ouvriers de Continental trahis par la direction, ou plus simplement des usagers des transports quand il y a une grève ou un incident. La colère se traduit souvent par des opérations symboliques, comme la pose de tentes par les SDF le long du canal Saint Martin. Les médias se font le relais de la colère, qu’elle soit concentrée ou diffuse. Le dessein de Jean Sarkozy dans le département des Hauts de Seine a suscité une colère populaire mais aussi politique, émanant de l’opposition. La France qui fit la Révolution, abolissait les privilège, se rappelait d’un coup à son identité historique et ne pouvait pas laisser passer ce passe-droit du sang exercé par un héritier présidentiel jetant son dévolu sur un établissement public pour l’occuper tel un notable sur ses terres de prédilection. La colère médiatique fit reculer le fils du prince. Comme il y a quelques années, elle fit capoter le projet de loi sur le CPE dont le principal effet fut de déclencher une fronde populaire qui voyait dans ce contrat une violence symbolique exercée à l’encontre de la jeunesse déclassée.

Le rire. S’il y avait un gouvernement du rire, ses chargés de communication seraient les humoristes. Il existe plusieurs formes d’humour. Des répliques peuvent avoir pour objectif de moquer l’adversaire. Nicolas Sarkozy est sans doute le président qui a le plus joué avec des moqueries qu’on utilise tel un stratagème pour planter une banderille humiliante envers l’adversaire déclaré. Ce dont ne se priva pas le président en prétextant exercer le rôle de directeur des ressources humaines pour les Socialistes. C’est là non pas un signe de force mais de faiblesse. Le président use de sa position et peut bien se glorifier d’avoir confié un maroquin à quelques responsables de gauche, il n’y a aucun héroïsme à cela, ni aucune grandeur. Et qui sait, une sorte de vengeance contre d’aucuns du peuple se moquant de ses talonnettes. Il va de soi que ces moqueurs de la taille présidentielle ne sont pas eux aussi à la hauteur et que la tradition de l’esprit français eut justifié un autre trait stylistique, celui de l’ironie, afin de signaler que tout ce cheptel de basse cour aurait besoin de mettre quelques talonnettes et autres échasses à leurs neurones pour disposer d’une hauteur de vue adéquate à la compréhension du monde. Ironie, voilà un trait d’esprit typique de feu Mitterrand, une ironie dont il savait jouer et qui n’avait pas toujours comme objectif l’humiliation. Contrairement à la moquerie qui est une posture vulgaire et cosmétique dirait Platon, l’ironie, dirait le même Platon, est la marque d’un cerveau qui s’y connaît en gymnastique de l’esprit. L’ironie, c’est la subtilité et le décalage, la légèreté d’esprit élevée à la puissance transcendantale. La moquerie au contraire nous rapproche de nos cousins les singes avec qui nous partageons bien des émotions. La moquerie est parfois une sorte de pommade utilisée pour colmater les poussées de colère qui tel un urticaire émotionnel, finissent par démanger le psychisme quotidiennement. Il y a des événements qui ne peuvent engendrer la colère mais seulement la moquerie. Par exemple la première dame annulant une représentation parce que le festival accueillerait des artistes se moquant de la posture présidentielle, offensant dame Carla plus que ne le tolère la fierté élyséenne.

La moquerie et la colère se nourrissent comme deux pôles complémentaires d’une dialectique des émotions caractérielles. La société de cour, comme l’avait analysé Norbert Elias, avait su mettre un couvercle sur les émotions, inclinant les élites à pratiquer une censure du caractère afin d’afficher une tenue de bon Régime. Ce temps est révolu. Il ne reste que le costume, la cravate et les commémorations pour rappeler ce temps des mœurs de cour. La guéguerre est déclarée et pas plus tard qu’il y a trois jours, Xavier Bertrand passait un savon à un journaliste picard, ce qui fit dire à Frédéric Lefebvre, comique troupier de l’UMP, que la hache de guéguerre était déterrée et que les journalistes devaient s’attendre à recevoir quelques remontrances coléreuses de la part de politiques mal jugés par la moquerie des plumitifs médiatiques. Mais que les politiques soient prudents et choisissent bien leur cible. Il ne fait pas bon s’attaquer aux préposés à l’humour et autres moqueries abonnés aux chroniques en prime time. DSK en sait quelque chose, lui qui pesta de colère contre Stéphane Guillon et qui voit ce dernier moquer sa libido dès que ça le démange du cerveau, c’est-à-dire une ou deux fois par mois.

La compassion. Tenez donc, je l’avais oubliée celle là. Il faut dire que nous sommes tellement enfumés par les autres émotions qu’on finit par oublier qu’il se passe des drames dans le monde, et tout récemment à Haïti, un terrible tremblement de terre très médiatisé, pour la bonne cause diront les ONG présentes sur le terrain en attente de dons. D’ici une semaine tout sera oublié.

Les médias n’ont pas de souci à se faire, avec toutes ces stars pétries de caractère, il se trouvera bien un George Frêche pour placer une petite phrase lancée vers un adversaire qui réagira telle la fourmilière dans laquelle un gamin a foutu un coup de pied. Ou alors une énième moquerie de Sarkozy. La colère suivra aussi son cours, avec toute cette pauvreté galopante, ces licenciements, ces petits scandales du quotidien sans lesquels Jean-Pierre Pernaud ne pourrait ouvrir son journal. Et puis les grandes colères des politiques, car la campagne s’annonce sous le signe des coups pas très hauts. La société montre quelque enlisement. Est-ce un trait de fond ou bien un effet de surface avec ces médias qui ont pris le parti de jouer sur les émotions, le futile, le pittoresque, pour distraire et émotionner les spectateurs ? Quel le pourcentage d’émotionnel dans les JT ? Laissons ce calcul à une étudiante de Dominique Wolton qui trouvera là un excellent sujet de mémoire pour son master. Quant à comprendre pourquoi l’émotionnel occupe tant les médias, c’est une autre affaire, psychosociologique sans doute. Il y a l’émotion filmée au nom d’une nécessité de l’info et l’émotion diffusée pour satisfaire un désir du spectateur. Ces deux pôles forment sans doute quelques interférences dont l’étude sera ramenée à une date non précisée.


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3 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 3 février 2010 12:59

    Bernard,
     Amusant comme les sujets et esprits se rencontrent.
     J’analysais les différences d’approche entre les médias belges et français face aux politiques.
     L’article ne devait pas plaire à tous le monde.
     Il a disparu samedi dernier après quelques heures de présence.
     Il était destiné pour la semaine, mais c’est une autre histoire.
     
     L’émotion que l’on situe avec le coeur face à la raison que l’on place dans le cerveau.
     C’est le dilemme de l’homme.


    • sisyphe sisyphe 3 février 2010 15:09

      L’information n’existe plus ; remplacée par la « communication » et l’érection des faits divers en faits de société, quand ce n’est pas la docile servilité au pouvoir.

      Il ne reste plus guère qu’internet pour permettre encore un feed-back à la propagande distillée par les médias aux ordres.

      Jusqu’à quand ?


      • Daniel Roux Daniel Roux 3 février 2010 15:39

        Le mot information a plusieurs sens en fonction du contexte.

        Les médias nous informent surtout de choix autoritaires du gouvernement et de sa décision d’utiliser l’angoisse comme arme politique, de l’influence des pipoles sur la politique de Sarko, de la dérive des télévisions privilégiant le spectacle à l’analyse, de leur perte d’indépendance, de la pensée profonde de ineffable Frédéric Lefebvre, huitième cerveaux de Sarko, et d’autre signes de leur déliquescence et de leur trahison.

        Qui peut encore prétendre que la télé (1er médias en diffusion) et notamment TF1 ou France Télévision, nous informe ?

        Mais ce qui ne fait aucun doute, est que pour nous informer sur la réalité que ce soit en France, en Europe ou dans le monde, mieux vaut surfer sur les sites internet dit alternatifs comme Agoravox et beaucoup d’autres (.. encore indépendants pour l’instant). 

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