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Accueil du site > Actualités > Médias > Mme Danièle Mitterrand : le secret, ce revers de l’information

Mme Danièle Mitterrand : le secret, ce revers de l’information

Verba volant, scripta manent  », les paroles s’envolent les écrits restent. Rien n’est plus redoutable que la relecture de certains écrits quelques années après. Comment est-il possible qu’un homme politique intelligent et avisé puisse avoir soutenu pareille ânerie dans un livre ? « (…) Le citoyen téléspectateur détient donc le savoir, a-t-il écrit. Il a vu, de ses yeux vu, l’accident, l’attentat, la scène qui fait la décision. Il n’est pas un élément d’information, pas un fait qui demeure dissimulé au téléspectateur assidu. Les gouvernants n’en savent pas plus que lui et n’en pensent pas davantage. (…) (1)

N’est-ce pas entretenir l’illusion de l’exhaustivité de l’information livrée par les médias qu’interdisent pourtant les contraintes rigoureuses qui s’exercent sur toute « relation d’information » ?

La contrainte de l’exiguïté du temps et de l’espace de diffusion

L’une est d'abord une impossibilité matérielle, la contrainte de l’exiguïté du temps et de l’espace de diffusion. Temps d’antenne et pages de journaux restent très limités en regard de la masse d’informations qui affluent chaque jour. Les médias sont contraints de faire un tri draconien qui exclut infiniment plus qu’il n’élit. Une image illustre très bien cette opération : c’est celle du tonneau et de la bouteille. Le contenu du tonneau d’informations disponibles ne peut être transvasé intégralement dans la bouteille de l’espace et du temps réduits de diffusion qu’offrent les médias. Même un enfant peut comprendre ça !

La contrainte des motivations de l’émetteur

Une autre contrainte qui s’exerce sur la « relation d’information » est celle des motivations de l’émetteur  : elles obéissent prioritairement à un réflexe de survie. Qui donc ne choisit pas les informations qu’il transmet en fonction de ses intérêts propres ? Les enfants l’apprennent très tôt en dépit d’une éducation qui leur enjoint de dire toujours la vérité. Car ce réflexe vital de survie est plus fort que tout : même l’enfant pris les doigts dans la confiture et l’adulte, la main dans le sac, sont capables de se récrier : « C’est pas moi ! ».

Alphonse Daudet a joliment illustré ce réflexe inné dans un des « Contes du Lundi  » (1873), intitulé « Le Pape est mort  » (2) . Un écolier fait régulièrement l’école buissonnière et se promène en bateau sur une rivière à en oublier l’heure de la sortie de l’école, Aussi doit-il inventer chaque fois un bobard pour expliquer à sa mère son retard. La pauvre femme est assez naïve pour gober chaque jour une nouvelle catastrophe supposée à l’origine de la rentrée tardive de son chenapan de moutard. Un jour, à court d’idées, le gamin annonce tout de go à sa mère qui l’interroge sur son nouveau retard : « Maman, si vous saviez ! ... Le pape est mort !  » Télévision et radio n’existaient pas alors, presse et bouche-à-oreille étaient les seuls médias de masse. L’enfant savait sa mère un peu bigote. La malheureuse chancelle contre le mur de la maison et ne songe plus à questionner son garnement : le leurre de diversion a une fois de plus fait son effet.

Si la malignité peut dicter cette conduite, c’est avant tout la nécessité qui contraint l’individu à choisir les informations qu’il délivre. « La relation d’information » repose sur un principe intangible qu’un politique avisé ne saurait ignorer : nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire.

L’illusion de l’iceberg

Il s’ensuit donc que nombre d’informations restent secrètes et ce sont les plus importantes. Contrairement à ce qu’affirme l’auteur de ces affirmations naïves citées plus haut, les médias ne livrent pas une information exhaustive. Il n’est pas un individu, une famille, un groupe, une profession, un parti, une institution, un État qui n’ait pas de secrets à préserver. Deux événements viennent ces jours-ci le rappeler utilement.

- Le secret judiciaire

L’un est le viol et le meurtre d’une jeune fille à Chambon-sur-Lignon par un élève de son établissement scolaire. On apprend , en effet, que le chef d’établissement avait accueilli le meurtrier soupçonné sans même avoir été informé de ses antécédents criminels, au nom du secret gardé par les services judiciaires en charge de sa réinsertion.

- Le secret personnel et familial

Le second événement est la mort de Mme Danièle Mitterrand, le 22 novembre 2011, qui offre l'occasion de se souvenir des épreuves de sa vie. Épouse de son président de mari, elle n’a jamais divorcé alors qu’il vivait depuis 1974 avec une autre compagne dont il avait eu une fille. Il a fallu attendre 20 ans pour que les médias en parlent en 1994. Entre temps, elle jouait officiellement son rôle d’épouse du président de la République, comme si de rien n’était. Mitterrand entendait offrir de lui l’image de l’époux fidèle pour ne pas compromettre son élection en faisant fuir des électeurs qui n’auraient pas toléré sa double vie.

De même a-t-il caché sa maladie dès qu’il l’a apprise après son élection en novembre 1981 : il ne voulait pas offrir à ses rivaux et ennemis une arme pour l’écarter du pouvoir. Cette dissimulation lui a permis de se faire réélire pour un nouveau mandat en 1988.

On imagine donc bien que l’essentiel est le plus souvent caché aux téléspectateurs comme aux autres citoyens : l’illusion de l’iceberg qui dissimule plus qu’il ne montre, est une image fidèle de « la relation d’information ».

On reste donc médusé devant une analyse aussi naïve de l’information faite par un homme politique réputé sérieux et qui, de surcroît, a été ministre de l’Éducation nationale. C’est dire quelle théorie erronée de l’information est enseignée par cette institution ! Comment l’expliquer ? Les Romains avec Tibère ont depuis longtemps répondu à la question par cette maxime adoptée, dit-on, par Louis XI : « Qui nescit dissimulare, nescit regnare  », qui ne sait pas dissimuler, ne sait pas régner. Cette prétendue exhaustivité de l’information livrée par les médias, dont parle cet homme politique, n’est en fait qu’une illusion entretenue pour égarer les naïfs,… conformément au principe de « la relation d’information ». Paul Villach

(1) François Bayrou, « Le droit au sens  », Éditions Flammarion, Paris, 1996, p 63.

(2) http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre2311.html#page_243


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18 réactions à cet article    


  • easy easy 23 novembre 2011 12:03

    «  »«  « Qui nescit dissimulare, nescit regnare  », qui ne sait pas dissimuler, ne sait pas régner  »«  »

    Il y aurait antinomie à enseigner cette vérité-réalité tout en prônant la vérité-idéal.

    Idem si l’on instruisait que l’instruction aliène.




    • PANDORERH 23 novembre 2011 12:11

      Bonne occasion de rappeler que, pendant 14 années de Présidence, François MITTERRAND a entretenu sa seconde vie privée aux frais de la République. Une maîtresse et une filles logées dans les locaux de la présidence Quai BRANLY et au château de SOUSY LA BRICHE (propriété de l’Etat)
      Régime logées, nourries, éclairéees et j’en passe avec nos impôts et même la mise à disposition de personnel de maison de sécurité et pour couronner le tout un cheval AKHAL TEKE (offert à la République !)
      Du vivant de François MITTERRAND tout le monde savait tout cela ! Tout le monde s’est tu ! De tels comportements que ce soit aux Etat unis en Grande Bretagne ou en Allemagne n’auraient jamais été ni possibles ni tolérés. Notre démocratie est donc assez spéciale avec son régime régalien.
      Que les idolâtres du couple MITTERRAND continuent leurs louanges !
      Il reste pas mal de français pour se souvenir des tripotages MITTERRANDIENS notamment du plus beau bouquet final fut la découverte EN COURS DE MANDAT du système des écoutes.
      Salut et fraternité !


      • Abou Antoun Abou Antoun 23 novembre 2011 23:40

        Merveilleux pays que la France où point n’est besoin de censure institutionnalisée.
        L’autocensure fonctionne et elle est beaucoup plus efficace.
        Même notre sacro-saint Canard-Enchaîné a tenu son bec fermé pendant de longues années.
        Preuve s’il en faut que le Canard n’a jamais été le journal satyrique qu’il prétend être mais un journal d’opinion comme un autre.


      • jymb 23 novembre 2011 12:57

        Les dithyrambes outranciers médiatiques ont été cette fois ci à peu prés sans égal. Il est classique de faire l’éloge d’un disparu, paix à son âme, mais ici le tableau était impressionnant. La jeune résistante tombant amoureuse de son semblable ( s’est-il marié avec sa francisque ?) la femme libre d’esprit sur la vie de son couple ( elle n’a pas eu le courage, ouvertement cocufiée, de lui dire son fait et de claquer la porte ? ) , la fidélité sans borne au souvenir de son époux ( et son enterrement finalement dans un patelin loin de Jarnac) ses nobles engagements à travers son association ( quel en était le financement ?) ..
        Sans compter les approximations impressionantes dans les reportages, je cite « lorsque Paris Match dévoile l’existence de Mazarine... » pas de chance, c’était Minute, mais il serait sans doute de mauvais ton de citer à la télé un canard politiquement incorrect.


        • cti41 cti41 23 novembre 2011 13:03

          Il est certain qu’une fois que « l’émotion » va retomber nous allons revenir à la réalité de l’histoire qui n’a pas été toujours reluisante dans le couple Mitterand. On se souviendra ausi qu’il a débuté la courses aux déficits qui nous vaut une dette phénomènale aujourd’hui.


          • Abou Antoun Abou Antoun 23 novembre 2011 23:42

            @ cti41
            A l’appui de votre propos :
            Dette pubique française


          • Vipère Vipère 23 novembre 2011 14:29

            Bonjour à tous

            La censure et la rétention sont des stratégies de communications visant à maintenir une certaine opinion publique dans la désinformation.
             
            Des citoyens suffisemment informés seraient-ils aussi aisément manipulables ?

            Le secret révélé de la vie a facettes multiples de D. Straus-Kahan avant sa candidature à l’élection présidentielle a mis fin à sa carrière politique. Hasard du calendrier ou manipulation d’adversaires politiques ? Tôt ou tard, la vérité finit toujours par éclater.

            Mais, sans le silence et la complicité des médias français, les élus politiques, loin de la perfection et de la droiture, parviendraient-ils à jouer, seuls, le jeu de la censure et du secret, nécessaires à leurs intérêts privés ?


            • panpan 23 novembre 2011 21:47

              Un président qui pouponne avec sa troisième épouse et qui fait des pieds et des mains pour nous faire croire qu’on a toujours le triple A (comme l’andouillette...) ; de l’autre côté un pervers priapique !
              Remarquez, avec l’un comme avec l’autre, ce qui est sûr, c’est qu’on sera dans la M.... encore un peu plus.


            • Vipère Vipère 23 novembre 2011 14:32

              N.B. la censure et la rétention d’informations...


              • restezgroupir44 restezgroupir44 23 novembre 2011 14:50

                Il est vrai que de cet article il est facile de faire.......... un observatoire.


                • Pierre Régnier Pierre Régnier 23 novembre 2011 15:14

                  Il y a de quoi être médusé, c’est sûr. Mais c’était dans un livre de 1996.

                  Il serait intéressant d’interroger Bayrou en 2001, en un temps où le « citoyen téléspectateur », même quand il écoute sa radio « de service public », va finir par ignorer complètement qu’existe un parti centriste dirigé par Bayrou, le seul parti centriste dont on lui parle - avec respect, en plus - étant celui que vient de créer l’ancien adjoint de Bayrou, qu’il avait trahi pour accéder au pouvoir sarkozien, puis trahir celui-ci presque tout de suite après.

                  Peut-être que Bayrou sait maintenant - parce qu’il « l’a vu, de ses yeux vu » - qu’il n’est pas bon de s’entourer, en politique, de collaborateurs essentiellement motivés par l’arrivisme.

                  • le journal de personne le journal de personne 23 novembre 2011 16:35

                    Charia et Charité

                    Charia : Danielle Mitterrand est morte... morte...morte... et on ne la verra plus... c’est ça le réel.

                    Charité : le réel, c’est qu’elle soit bel et bien morte ? En somme, le réel c’est la mort ?

                    Charia : c’est aussi la vie. Le réel c’est qu’elle était, avant de mourir, bel et bien vivante.

                    Charité : et si je comprends bien, sur le plan réel cela revient au même qu’elle soit morte ou vivante ?

                    Charia : pas tout à fait. Morte cela signifie qu’elle ne peut plus rien pour nous...
                    qu’on ne peut plus rien pour elle.

                    http://www.lejournaldepersonne.com/2011/11/charia-et-charite/


                    • panpan 23 novembre 2011 21:37

                      Mauvais exemple que celui de Cuba. C’est peut-être la seule fois où elle n’était pas "déconnectée... J’aurais plutôt cité le Dalaï Lama...


                    • Jason Jason 23 novembre 2011 17:56


                      « Toute vérité n’est pas bonne à dire »

                      « Ne donnez pas à vos adversaires des bâtons pour vous battre »

                      « Le secret est une information qui n’a de valeur que pendant un certain temps. Il importe peu qu’il apparaisse au grand jour quand sa valeur n’est plus » Dans ce cas il ne reste que l’opinion qu’on en a.

                      Pour les humoristes : « le secret, c’est une chose qu’on ne dit qu’à une personne à la fois ».

                      Tout homme politique se doit d’avoir des secrets. Et que Mitterrand ait menti n’est un secret pour personne. Ca faisait partie de son boulot. En disant que les médias disent LA VERITE, il a exprimé une ânerie parmi tant d’autres. Je ne crois pas que le public ait été dupe.


                      • Liger Liger 23 novembre 2011 21:40

                        Les choses ont évolué, avec la société.

                        Le secret, la confiscation de l’instruction qui permettait de maintenir les foules dans l’ignorance pour mieux les dominer, c’est fini.
                        Aujourd’hui, la plupart des gens savent lire, et beaucoup ont accès à internet et donc à des sources d’information alternatives.

                        Le problème n’est plus là, le problème est de comprendre : La nouvelle domination, c’est la complexité.
                        Complexité du système économique qui justifie l’injustifiable, complexité des compromis politiques qui transforment les campagnes en labyrinthes, complexité du monde tout court, qui nous cristallise à l’état de crétin incompétent dont l’opinion ne vaut pas un pet de lapin.

                        Ce monde est trop compliqué pour nous, nous affirme-on avec assurance.

                        Irons-nous jusqu’à renoncer à comprendre notre propre vie, au point d’oublier qu’on existe ?


                        • Pierre Régnier Pierre Régnier 24 novembre 2011 08:26

                          @ Paul Villach

                          Des commentaires me font penser que je vous ai peut-être mal lu. Pourriez-vous préciser  : « l’ânerie soutenue dans un livre » l’a-t-elle été, selon vous, par Bayrou, dont vous citez un livre, ou par Mitterrand et rapportée par Bayrou dans son livre ?


                          • Paul Villach Paul Villach 24 novembre 2011 10:05

                            @ Pierre Régnier

                            Il s’agit bien du point de vue développé par Bayrou dans son livre. Paul Villach


                          • Massaliote 27 novembre 2011 10:04

                            "Le second événement est la mort de Mme Danièle Mitterrand, le 22 novembre 2011, qui offre l’occasion de se souvenir des épreuves de sa vie. Épouse de son président de mari, elle n’a jamais divorcé alors qu’il vivait depuis 1974 avec une autre compagne dont il avait eu une fille.« 

                            Dans son livre autobiographique, »mémoire meurtrie« , son fils, Jean-Christophe, parle de cette mère qui ne venait jamais le voir dans son internat, mais qui le prenait pour les grandes vacances qu’elle passait accompagnée d’un professeur d’éducation physique ou de tennis. Bien avant Anne Pingeot.

                            Alors le couplet de la femme bafouée mais »héroïque" est particulièrement mal venu.

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