Afghanistan : les soldats français doivent-ils mourir pour une République islamique ?
Et si l’on disait aux citoyens français que dix de leurs soldats viennent d’être tués à seule fin de maintenir au pouvoir en Afghanistan une République islamique, et que 300 millions d’euros de leurs impôts ont été dilapidés à cet effet en 2008, dans cette ruineuse expédition virant au bourbier ? Examinons les faits :
Un bref rappel historique, tout d’abord : après les attentats du 11/09/2001, une intervention américaine contre le régime des talibans en Afghanistan est décidée, suite au refus du gouvernement taliban de livrer Ben Laden. Ce régime des talibans avait au préalable soulevé, par ses exactions, l’indignation du monde entier. En effet, il avait ordonné la destruction des Bouddhas de Bâmiyân, chefs-d’œuvre inscrits au patrimoine mondial, et il avait également consterné l’humanité par le sort effroyable qu’il réservait aux femmes afghanes, tout cela en raison de l’objectif politique de ce régime taliban de faire de l’Afghanistan la société la plus islamique du monde.
Dans la Résolution 1378 (2001) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4 415e séance, le 14 novembre 2001, celui-ci condamnait "les talibans pour avoir permis que l’Afghanistan soit utilisé comme base d’exportation du terrorisme par le réseau Al-Qaïda et autres groupes terroristes et pour avoir accordé l’asile à Oussama Ben Laden, Al-Qaïda et autres". Dans cette même résolution, le conseil émettait les vœux suivants, entre autres, concernant un futur gouvernement afghan :
"– Respecter les droits de l’homme de tous les Afghans, quels que soient leur sexe, leur appartenance ethnique ou leur religion ;
– Respecter les obligations internationales de l’Afghanistan, et notamment en coopérant sans réserve à la lutte internationale contre le terrorisme et le trafic de drogues à l’intérieur et à partir de l’Afghanistan."
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1378f.pdf
Depuis le renversement du gouvernement taliban, la force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) opère en Afghanistan et constitue la composante militaire de la coalition, sous l’égide de l’Otan, opérant dans ce pays depuis la guerre d’Afghanistan de 2001. Elle est mandatée par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1 386, 1 413, 1 444 et 1 510. La France fait partie de cette force, et a envoyé des soldats en Afghanistan (1 670 en 2007), avec un renfort récent d’environ 700 soldats supplémentaires.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Force_internationale_d%27assistance_et_de_sécurité
C’est dans ce contexte d’intervention juste, soutenue par l’ONU, contre le régime effroyable des talibans et son assistance au terrorisme, régime rapidement renversé par cette intervention, que fut adoptée par la Loya Jirga de 2003 la constitution d’Afghanistan, le 4 janvier 2004, constitution dont le texte intégral peut être lu ici :
http://www.afghan-web.com/politics/current_constitution.html
Que peut-on retenir de cet étrange texte constitutionnel ? Sa lecture est des plus instructives :
Chapitre 1
article 1 : "l’Afghanistan est une République islamique (...)"
article 2 : "la religion d’Etat de la République islamique d’Afghanistan est la religion sacrée de l’islam (les croyants d’autres religions étant libres... dans les limites fixées par les dispositions de la loi)."
article 3 : "en Afghanistan, aucune loi ne peut être contraire aux croyances et aux préceptes de la religion sacrée de l’islam."
Ces trois premiers articles contredisent d’entrée de jeu l’apparente bonne volonté démocratique exprimée dans le préambule, dont l’alinéa 5 stipule que le peuple afghan (...) respecte la déclaration universelle des droits de l’homme, et dont l’alinéa 7 soutient "un gouvernement basé sur la volonté du peuple et la démocratie", tandis que l’alinéa 8 affirme vouloir la création "d’une société civile libre d’oppression, d’atrocités, de discrimination, et basée sur un état de droit, la justice sociale, la protection des droits de l’homme, la dignité, et assurant les droits et libertés fondamentales du peuple."
Dans l’article 17, il est affirmé, ce qui est louable, que "l’Etat adoptera les mesures nécessaires pour la promotion de l’éducation à tous les niveaux...", mais malheureusement cet article continue ainsi : "... en organisant et améliorant l’état des mosquées, des madrassas et des centres religieux" !
Dans l’article 35 (chapitre 2, article 14), une bien curieuse organisation des partis politiques est mise en œuvre : "les citoyens d’Afghanistan ont le droit de former des partis en accord avec ce qui est prévu par la loi, pourvu que le programme ou la charte du parti ne soit pas contraire aux dispositions de la religion sacrée de l’islam" !
L’article 45 (chapitre 2, article 24) précise les programmes scolaires : "l’Etat mettra en œuvre un programme scolaire unifié basé sur les préceptes de la religion sacrée de l’islam (...) et développe le programme des sujets religieux sur la base des sectes islamiques existant en Afghanistan." (sic !)
Une politique familiale fort étrange est conçue dans l’article 55 (chapitre 2, article 33) : "l’Etat adopte les mesures nécessaires pour assurer le bien-être physique et psychologique des familles, en particulier de la mère et de l’enfant, pour élever les enfants... et pour l’élimination des traditions contraires à la religion sacrée de l’islam."
Dans l’article 63, on apprend que les candidats à la présidentielle "doivent posséder les qualifications suivantes : (...) être musulman et né de parents afghans", et qu’une fois élus ils doivent faire un très clérical serment d’allégeance : "au nom d’Allah le miséricordieux, au nom de Dieu tout puissant (...) je jure d’obéir aux préceptes de la religion sacrée de l’islam, et de les sauvegarder" (le même genre de serment doit être prononcé par les ministres et les membres de la Cour suprême).
L’article 118 (chapitre 7 article 3) précise "qu’un membre de la Cour suprême doit avoir une connaissance approfondie de la loi ou de la jurisprudence islamique."
Plus étrange juridiquement, l’article 130 (chapitre 7 article 15) stipule que, lorsqu’un cas n’est pas prévu par la loi ou la constitution, c’est la jurisprudence Hanafi qui s’applique (Hanafi est une sorte d’école juridique de la charia).
Enfin, cerise sur le gâteau, l’article 149 (chapitre 10, consacré aux possibilités d’amendements, article 1) verrouille totalement le système en déclarant que "la clause d’adhésion aux fondements de la religion sacrée de l’islam et au régime de la République islamique ne peut être amendée."
De même que peindre une brique avec de la peinture dorée ne la transforme pas pour autant en lingot d’or, un préambule mentionnant les droits de l’homme ne transforme pas en constitution démocratique cette constitution afghane qui est une constitution théocratique intrinsèquement totalitaire, dans laquelle la source de la législation n’est pas le citoyen afghan ni ses représentants, mais la volonté supposée d’un dieu, telle qu’a prétendu l’avoir recueillie un chamelier des débuts du Moyen Âge.
Une lecture attentive de la déclaration des droits de l’homme de 1789 (texte de référence indépassable en matière de droits de l’homme), montre que la "constitution" afghane, dans les articles mentionnés ci-dessus, viole incontestablement et sans ambiguïtés les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8,10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme. Dans ce cas, c’est l’article 16 qui donne le fin mot : "toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée (...) n’a point de Constitution".
http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/d1789.htm
Cette constitution, qui institue en Afghanistan une théocratie islamique inamovible (d’après son article 149) n’est rien d’autre que le programme politique des talibans, que la coalition était pourtant censée combattre. Il s’agit d’une constitution totalitaire qui contrevient par ailleurs aux vœux, précédemment mentionnés, que l’ONU avait émis dans sa résolution 1378 concernant les devoirs d’un futur gouvernement afghan, qui se devait de faire respecter les droits de l’homme de tous les Afghans.
Certains ne manqueront pas de rétorquer que l’on ne peut pas sans mauvaise foi comparer le gouvernement "musulman modéré démocratique (?)" de Hamid Karzaï avec celui qu’avait été institué par les extrémistes talibans. Et pourtant, la preuve que le système politique afghan n’a rien à voir avec le respect des droits de l’homme est apportée par la fameuse affaire Abdul Rahman.
http://en.wikipedia.org/wiki/Abdul_Rahman_(convert)
Abdul Rahman est ce citoyen afghan arrêté en février 2006 pour s’être converti au christianisme. Il fut condamné à mort et ne dut la vie sauve qu’à une importante mobilisation internationale. Le gouvernement totalitaire de la République islamique d’Afghanistan essaya un moment de le faire passer pour fou afin de ne pas perdre la face (de même que l’Union soviétique essayait de faire passer pour fous ses opposants politiques). Abdul Rahman finit par obtenir l’asile politique en Italie (est-il démocratique, un pays dont le système politique est si liberticide que des citoyens sont obligés de fuir l’oppression et doivent obtenir l’asile politique d’un pays étranger ?). Gageons que, si Abdul Rahman s’était converti à un polythéisme genre hindouisme ou à l’athéisme, aucune pression internationale n’aurait pu lui épargner la pendaison... La non-pendaison d’Abdul Rahman suscita d’ailleurs de véhémentes protestations des religieux afghans, et des réactions diverses de mauvaise humeur au sein des officiels afghans.
Nous voyons donc que, entre détruire deux bouddhas géants non religieusement conformes et tenter d’assassiner judiciairement un homme pour un simple changement de religion, il n’y a aucune différence de fond. Les deux faits sont des manifestations hideuses de la même idéologie totalitaire impitoyable qui s’appelle l’islam, idéologie qui transforme ipso facto tout Etat en Etat totalitaire dès lors qu’elle devient religion d’Etat.
Prétendre que le gouvernement de la "République" islamique d’Afghanistan est "plus démocratique" que le précédent gouvernement des talibans est une imposture. Cela revient à affirmer qu’en son temps le gouvernement d’Union soviétique de Léonid Brejnev était "plus démocratique" que le gouvernement chinois de Mao-Tsé-Toung !
C’est tellement vrai que la "constitution" de la République islamique d’Afghanistan, bien qu’étant écrite dans un style très différent, ressemble très fortement sur le fond à celle de la République islamique d’Iran, considérée pourtant comme ennemi numéro un des Etats-Unis, voire de l’Occident, constitution iranienne que l’on peut lire ici, pour l’intérêt de la comparaison :
http://www.iranonline.com/iran/iran-info/Government/constitution.html
C’est ici qu’on se rend compte de la désinformation officielle qu’essaient de nous faire avaler les autorités françaises. En effet, selon Bernard Kouchner, notre ministre des Affaires étrangères : "La France continuera d’assumer ses responsabilités en faveur d’un Afghanistan démocratique et pacifié et dans la lutte contre le terrorisme." Même son de cloche chez le président, Nicolas Sarkozy, qui déclare sans vergogne : "Ma détermination est intacte. La France est résolue à poursuivre la lutte contre le terrorisme, pour la démocratie et la liberté. La cause est juste, c’est l’honneur de la France et de ses armées de la défendre..."
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/afghanistan_529/france-afghanistan
Comme cela vient d’être démontré, prétendre que la France, en Afghanistan, lutte pour la démocratie et la liberté, est un mensonge éhonté. Elle se contente de soutenir une faction islamique contre une autre, parce que sa politique étrangère actuelle est de s’aligner étroitement sur celle des Etats-Unis, et que la faction au pouvoir en République islamique d’Afghanistan est (pour l’instant) l’alliée des Etats-Unis.
Si la France avait voulu réellement lutter pour la liberté en Afghanistan, elle aurait dû mettre en œuvre, quand c’était encore possible, tout son poids international (elle a quand même encore un siège au Conseil de sécurité) pour exiger que la constitution de la République afghane soit celle d’une république laïque, avec séparation totale de la religion et de l’Etat, condition absolument impérative et nécessaire pour qu’existe la liberté. Elle aurait dû s’opposer avec la plus grande fermeté à l’instauration dans ce pays d’une "République" islamique, qui allait manifestement à l’encontre des buts de l’intervention tels qu’ils étaient fixés par l’ONU. La France se serait grandie, se serait honorée et aurait montré au monde entier l’exemple démocratique en quittant immédiatement l’Afghanistan, en signe de désapprobation, dès l’instauration de cette République islamique, instauration qui entérina la défaite totale de la liberté dans ce pays et la victoire complète du totalitarisme islamique.
Cela aurait épargné, quatre années plus tard, le sacrifice tragique de dix jeunes soldats, morts non pas pour la France ni pour la liberté, mais pour la survie de la République islamique d’Afghanistan...
- http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/afghanistan_529/france
http://en.wikipedia.org/wiki/Abdul_Rahman_(convert)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Afghanistan
http://www.afghan-web.com/politics/current_constitution.html
http://en.wikipedia.org/wiki/Abdul_Rahman_(convert)
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1386f.pdf
http://www.un.org/french/docs/sc/2002/res1413f.pdf
http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1444(2002)
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/monde/chronologies/pdf/onu1510.pdf
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1383f.pdf
http://www.defense.gouv.fr/defense/content/download/90925/809571/file/plaquette%20%20PLF08%20V2.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Force_internationale_d%27assistance_et_de_sécurité74471@
Sur le même thème
La CIA installe Daech en AfghanistanAfghanistan, les dollars de la corruption
La France a abandonné ses agents en Afghanistan
Team 6 : ces Navy SEALs qu'on ne veut plus voir
Lutte des classes au Soudan
83 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON