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Birmanie, il n’est pas trop tard

Dix ans après le pire, les moines retournent dans la rue et nous supplient à présent dans le silence de ne pas les oublier.

C’est le désintérêt du monde entier qui tue la Birmanie. C’est l’ingratitude qui manque de compassion à l’égard du courage. Le capitalisme exacerbé qui méprise l’homme humble. Aujourd’hui nous entendons le son birman. Pour combien de temps ? Emporté d’un élan de survie, digne jusqu’au plus profond de sa moelle, le pays tente une dernière fois l’appel à la démocratie. Ultime chance, ultime combat. La vraie question reste : nous, peuples occidentaux, sommes-nous là ?

Cela fait des mois, des années que la révolte couve. Que l’on parle en silence. Que l’on chuchote le nom qui anime tous les esprits. Que l’on se raconte à demi-voix les nouvelles de la vie réelle, via internet ou grâce aux radios piratées. Avec la peur à chaque instant d’être écouté ou repéré par un agent secret de la junte qui racontera pour gagner quelques kyats.

Jusqu’à il y a peu, il planait dans l’air un silence étouffant. Le birman se risquait parfois à une analyse, voire un jugement. Quelquefois, il décrivait les travers du régime en place. A sa manière : révolté, calme, muet, mais captable. De temps en temps, il osait expliquer la vérité et il oubliait la peur. La peur de rentrer tard chez lui et de croiser un militaire habillé en civil, la peur de découcher sans en informer les autorités locales, la peur de parler à l’homme blanc. Malgré cela, le témoignage était dans l’air, à chaque instant. Aujourd’hui, les moines ont lancé l’assaut. Cela leur avait coûté des milliers de morts en 1988. Gagnés du respect du pays, ils devaient pousser la population à bouger à nouveau. Question de survie. Ils l’ont fait, dignement. Audacieux bonzes à l’intelligence et à la malignité. Qui eût cru que des religieux birmans auraient mené à deux reprises le pays vers la révolte ? Modernes moines qui, sous couvert de leur toge couleur safran, en ont profité pour y cacher un appareil photo ou un outil de combat philosophique. Tous les jours ils aident à informer la communauté internationale. La révolution est en marche.

Sans nous, la Birmanie sombrera. Des dizaines de milliers d’enfants attendent, dès l’âge de 7 ans, dans les prisons cachées du pays, que l’on vienne les délivrer. Des femmes, pourchassées pour avoir aimer, rêvent de respect et de liberté. Les hommes, vaillants et travailleurs, ne veulent plus voir leurs économies périr. Les jeunes, veulent apprendre, voyager, porter des jeans, vivre avec leur temps. Honte à notre société génératrice d’images chocs, des images que l’on veut spectaculaires pour en parler. Or, trop peu de celles-ci sortent de Birmanie. Est-ce pour autant qe l’on doive oublier le pays ? Si sans images on ne peut voir un pays, on ne peut entendre une population, alors à quoi bon prétendre à l’information ? Déjà silencieuse, c’est en réalité un cri de désespoir que la population lance. Par respect pour elle, nous ne pouvons oublier ou ne pas agir.

Les généraux, ces hommes avant tout guidés par l’appat du gain et de la considération, n’ont aucun concept politique ni social. Ils suivent leurs instincts et leur astrologues. Comment alors gagner le combat ? Comment vaincre des esprits, des croyances ? Situation dégradée, processus de réconciliation nationale au point mort, mécanismes politiques inacceptables, le pays reste loin derrière « l’acceptable ». Les autorités ont en tête de rédiger une constitution qu’ils souhaitaient adopter début 2007. Bonne volonté démocratique ou déculpabilité ? Celle-ci vise en réalité à pérenniser le régime autoritaire en place.

Boycotter le pays ? Les sanctions économiques internationales sur le gouvernement ont indirectement touché la population et particulièrement les jeunes et les femmes, les usines et les investissements étrangers s’étant retirés du pays. Les sanctions ont deux effets particuliers : le premier touche le gouvernement et son revenu provenant de l’étranger qui diminue ; le second touche le chômage des jeunes, des femmes et le revenu des générations. Ainsi, le boycott est-il réellement efficace ? Plus politiquement : interdire aux étrangers d’aller en birmanie tue le pays. Comment alors témoigner, comment apporter le soutien à un pays déjà très fermé ? Comment favoriser l’économie locale ? Un seul mot d’ordre : éviter tout ce qui n’est pas en phase avec la réalité du pays : les grands hôtels et les grandes parades. L’attente d’une réforme économique demeure interminable tandis que le sentiment d’un engagement politique non respecté s’accroît. L’agacement et la crainte de voir le pays se retirer complètement de la vie internationale sont bien présents avec en octobre 2006 le retrait surprise du Bureau international du travail à Rangoun. Limitation de la liberté de circulation et d’action des opérateurs humanitaires (Nations unies compris), plate-forme politique disparue, rupture progressive des échanges avec les partenaires de la région (Bangkok, Kuala Lumpur, Singapour) : on ressent une volonté nette de ramener le pays à ce qu’il était début 80, c’est-à-dire à l’autarcie. Le déplacement récent et précipité de la capitale représente une dernière manifestation de cet isolement. Elle coupe les autorités de l’extérieur, le dialogue réactif devenant impossible (surtout pour les questions judiciaires). Ajouté à cela, les relations de méfiance, voire de défiance entre les membres du gouvernement (certainement à cause de l’absence de leadership) et l’état du pays apparaît véritablement compromis. Il n’est plus aucun domaine social, médical, économique, politique sans que la question birmane ne soit posée. Entre grippe aviaire, enfants soldats, sida, immigration illégale, trafic de stupéfiants : les sujets n’en finissent pas.

La situation actuelle en Birmanie peut changer. Elle passe avant tout par le tourisme que le pays souhaite développer. Les étrangers véhiculent le changement et des idées modernes. La globalisation offre des failles au système. Les pratiques de communication bougent et évoluent. Les jeunes birmans se connectent un peu partout dans le pays, même quand cela paraît complètement impossible. Le dialogue en ligne ou le téléphone interactif permettent à chacun de développer un nouveau mode de pensée. Radio, satellite et autres chaînes de télévision, regardées clandestinement, aident à sortir la société de l’impasse de l’ignorance. Ces outils de « médiation » ne seraient rien, en revanche, sans les acteurs politiques, ceux qui mettent en place ces processus : les hommes. Les efforts de ces hommes restent cruciaux. Le lien entretenu entre la politique birmane et la politique internationale doit être sauvegardé. La coupure entre ces deux mondes serait fatale et n’engendrerait qu’un repli total birman. Nous devons y veiller à chaque instant.

L’ingérence étrangère apparaît comme une nécessité pour imposer un regard différent sur le monde et la modernité. Chacun doit avoir accès au choix, à la liberté, à l’expression, aux droits de l’homme. L’expérience montre que nombre de dirigeants birmans sont néophytes car beaucoup n’ont pas eu accès à une éducation. Le processus de décision n’est pas baigné de réflexion. L’Etat n’entretient pas l’intellect. Il s’agit donc d’éduquer par la présence du corps international et de mélanger les communautés entre elles. Ce n’est qu’en travaillant avec la population et en partageant des idées d’avancées humaines que l’on réussira à imposer un savoir et des convictions démocratiques. Si le « Global Fund » (aide internationale dont le pays ne peut se passer) a décidé de se retirer de Birmanie en septembre 2006, c’est près de 8 millions de dollars qui ont manqué depuis aux programmes d’aide au développement dont beaucoup d’ONG et autres institutions internationales. Ces dernières sont forcées au départ. Beaucoup d’ONG à mandat médical comptaient sur ce financement. Au final, c’est la population qui en pâtit. Les capitaux étrangers, même s’ils nourrissent en partie la junte corrompue, constituent un apport essentiel à la survie économique du pays.

La Birmanie n’a reçu aucune aide directe de la Banque mondiale, du FMI ou de la Banque asiatique de développement depuis 1987. Il est certain que sans une présence étrangère le pays reste voué à la misère la plus totale. Ce qui apparaîtra comme une connivence avec le régime militaire ne sert en réalité qu’à apporter un peu de « plus value » mentale et financière. Après cinquante ans de guerre civile et des décennies de régime militaire, le peuple birman souffre d’une immense perte de vie, de propriété, de confiance en lui et de courage. Il faut l’aider à rallumer la flamme de l’espoir.

Le désintérêt des dirigeants du pays pour la condition humaine birmane reste le point central des préoccupations. Comment ne pas baisser les bras face à cela ? Au vu de la lenteur des progrès sociaux et économiques, l’espoir est un mot qui résonne faiblement dans nos têtes occidentales emplies de droits de l’homme et d’une certaine idée de la liberté. Dans l’enceinte de l’hémicycle des généraux, il subsiste néanmoins une lueur d’espoir. Croire en un meilleur avenir, c’est ne pas sombrer dans le néant. Aider ce peuple pour ne pas l’oublier, c’est rester vivant et humain. Rester digne du respect d’un peuple d’or. Réveillons-nous, peuples occidentaux, pour la Birmanie, il n’est peut-être pas trop tard.


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5 réactions à cet article    


  • Romain Baudry 10 octobre 2007 16:19

    Les Birmans ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se libérer de la dictature. Les gouvernements occidentaux n’iront jamais au-delà des déclarations et de quelques mesures d’ampleur limitée.

    C’est tragique, mais il ne faut pas se voiler la face : à moins que cela ne serve directement leur intérêt, les démocraties d’aujourd’hui ne font à peu près rien pour promouvoir la démocratie dans le reste du monde.


    • adeline 10 octobre 2007 18:35

      oui et ce qu’il y a aussi de lamentable c’est le niveau de commentaires..... 1 seul commentaire alors que meme un article sur le rugby fait plus lamentable

      sinon merci à l’auteure de cette article plein d’infos smiley


    • Mich 19 octobre 2007 23:18

      C’est le même problème qui tue la culture tibétaine - dévastée et submergée sur son propre sol - après avoir tué plus de 1 800 000 tibétains dans l’indifférence générale. Y a-t-il un espoir pour la Birmanie quand, jour après jour, les infos les plus rabachées dans ce pays portent sur les « people », les stars et les « coupe » de ceci ou de cela ? Il y a des tsunami qui ne sont pas faits d’eau de mer et qui tuent en silence. Le nôtre.


    • moebius 11 octobre 2007 00:05

      Ce n’est pas le désintéret du monde entier qui tue la Birmanie, ce sont ses généraux et surement pas nos rugbymen et « droit d’ingérence », pas si simple


      • faxtronic faxtronic 11 octobre 2007 14:24

        Birmanie :

        Il y un autre probleme, la Birmanie se trouve dans la sphere d’influence chinoise. Ce n’est pas la Birmanie qui peut etre changée, c’est le soutien de la Chine, et la Chine n’est pas une democratie.

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