Ce que nous apprend la législative dans l’Oise
Dimanche 17 mars s’est déroulé le 1er tour d’une législative partielle dans l’Oise. Dans un contexte politique lourd pour le gouvernement, ce scrutin était attendu avec beaucoup d’intérêt par les observateurs...

17 juin 2012 : Jean-François Mancel est réélu député de la 2e circonscription de l’Oise (Beauvais sud-ouest) avec 63 voix d’avance lors du 2e tour des législatives. 25 janvier 2013 : l’élection de M. Mancel est invalidée par le Conseil constitutionnel au motif qu’il a fait distribuer le vendredi soir précédant le scrutin un tract portant préjudice à sa concurrente socialiste Sylvie Houssin. En conséquence de quoi, les électeurs de la 2e circonscription de l’Oise ont été appelés à revoter dimanche dernier pour désigner leur député.
Après 10 mois de gouvernance Hollande-Ayrault marqués par de nombreux cafouillages et un reniement des engagements présidentiels en matière de fiscalité, de lutte contre les puissances financières et de réforme constitutionnelle, l’occasion était belle pour les électeurs de cette circonscription de l’Oise de manifester dans les urnes leur soutien à l’action de l’exécutif ou, a contrario, leur rejet des potions amères administrées par le Dr Hollande et son infirmier-chef Ayrault. Comme on pouvait s’y attendre, ce vote était scruté avec beaucoup d’acuité, ici avec inquiétude, là avec gourmandise, par tout ce que notre pays compte de responsables politiques et d’éditorialistes de tous bords.
Les résultats de ce 1er tour sont éloquents, et quelque peu surprenants lorsqu’on les regarde de près. Des résultats nettement impactés par une abstention massive s’élevant à 72,21 %.
On s’attendait à une chute de la candidate du PS, et de facto cette chute s’est bien produite : avec 21,37 % des voix contre 30,5 % en 2012, soit une dégringolade de 9,13 %, Sylvie Houssin, victime d’une très faible participation (32,79 %), n’atteint même pas la barre des 12,5 % des inscrits et se trouve sèchement éliminée du 2e tour. Son image personnelle n’étant pas en cause, il ne fait aucun doute que Mme Houssin a très largement été victime du mécontentement de l’électorat de gauche à l’égard de la politique conduite par un gouvernement soumis aux diktats de la BCE et de la Chancelière allemande.
Eu égard aux difficultés prévisibles du PS lors de ce scrutin, on s’attendait à un bonus pour le candidat UMP Jean-François Mancel, mais un bonus limité par la défiance d’un électorat très largement échaudé par la gestion des affaires du pays durant la décennie précédente, et notamment durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Contre toute attente, il n’en a rien été, et le candidat de l’UMP, en passant de 33,36 % en 2012 à 40,31 %, soit une hausse significative de 6,95 %, tire largement les marrons du feu, en profitant tout à la fois de sa bonne image personnelle locale et de la crise de l’exécutif, mais également d’une forte abstention des électeurs socialistes qui a contribué à doper sa performance.
En réalité, on s’attendait à autre chose : en toute logique, la défiance vis-à-vis de la gouvernance passée de l’UMP et la volonté de donner un sérieux coup de semonce au pouvoir socialiste auraient dû favoriser les partis opposés à cette entité libérale qu’un nombre croissant de Français nomme l’« UMPS ». Or, malgré un contexte on ne peut plus favorable à un vote de rejet des partis dominants, ni le Front National ni le Front de Gauche ne tirent un profit significatif de ce contexte. C’est ainsi que la candidate du FN Florence Italiani, en passant de 23,23 % en 2012 à 26,58 %, ne progresse que de 3,35 %, bien loin des ambitions affichées par les caciques de son parti. Quant au candidat du FdG Pierre Ripart, il passe de 5,25 % à 6,64 %, soit un gain modeste de 1,39 %, là aussi bien loin des espoirs nourris par le Parti Communiste local qui escomptait en 2013 un report sur son candidat d’un nombre nettement plus élevé d’électeurs socialistes de 2012, frustrés par le contenu délibérément libéral de l’action gouvernementale mise en œuvre sous la houlette de François Hollande.
Dimanche 24 mars se déroulera le 2e tour de cette législative partielle. Il opposera le sortant Jean-François Mancel à la frontiste Florence Italiani. Selon toute probabilité, le candidat UMP retrouvera facilement son siège et il n’y aura sans doute aucun enseignement majeur à tirer de ce face-à-face. Sauf si le score de la candidate du FN faisait un bond spectaculaire à plus de 45 % que seul un important report des voix de gauche sur son nom pourrait rendre possible. À l’évidence, un tel scénario « anti-front républicain » contribuerait à redessiner dans les états-majors les stratégies en vue des prochaines échéances électorales.
L’important n’est toutefois pas dans ces spéculations très improbables, mais dans les réalités du 1er tour tel qu’elles nous sont apparues. Manifestement, les électeurs français restent, dans une large majorité, enchaînés aux partis dominants. Un constat qui ne manquera pas de donner des aigreurs à tous ceux qui, comme moi, aspirent à un changement profond du paysage politique. Encore faut-il – une hirondelle ne fait pas le printemps ! – relativiser le poids de cette élection partielle, la dimension personnelle des candidats et les contingences locales ayant pu jouer un rôle important lors du vote. Mais le fait est que l’abstention a majoritairement été imputable aux électeurs socialistes déçus. Des électeurs qui ont préféré ne pas se rendre aux urnes plutôt que d’apporter leur voix à la gauche radicale. Cela doit nous interpeller, et surtout servir d’aiguillon au Front de Gauche pour qu’il adapte son discours et son action à cette réalité en forme d’avertissement.
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