Change the wor(l)d !
Bien que déjà un peu éloignée on se souvient tous de la campagne électorale qui a ponctué l’année 2007. La gauche parlait de devoir de victoire et d’« élection imperdable ». C’est pourtant bien Nicolas Sarkozy qui a été élu à la suite d’une campagne placée sous le signe du changement. « La France ne peut pas rester immobile, et je veux porter le changement » déclarait-il, la gauche, probablement trop désordonnée, n’a pas réussi à démontrer l’incohérence - pour un candidat qui a été un ministre majeur du gouvernement sortant - de se revendiquer comme changement. En revanche, elle a su communiquer sur ce thème, « le grand vent du changement s’est levé », scandait Ségolène Royal à Toulon avant de dévoiler son affiche pour le second tour intitulée « le changement ».
Indéniablement, on peut donc affirmer que pour être élu en France, il faut être le candidat du changement. « Changer la vie », disait Mitterrand, ce que Raymond Barre approuvait par cette formule gravée dans le marbre par un sketch de Coluche : « il faut mettre un frein à l’immobilisme ». D’ailleurs, quand on veut se revendiquer de l’héritage de son prédécesseur, c’est le cas de Pompidou puis de Giscard, on se revendique certes du changement, mais du « changement dans la continuité ». Mais alors ce thème récurrent du changement est-il un mal français ? Rien n’est moins sûr.
Outre-Atlantique, le mot est aussi utilisé avec une unanimité stupéfiante. Barack Obama a ouvert le bal, en communiquant énormément sur le terme change plus que sur son propre nom. Ses militants sont des « agents of change » (agents du changement pas agents de change !) et son slogan principal est « stand for change » (représenter le changement). Voyant que ce terme faisait mouche Hillary a emboîté le pas prenant pour slogan « ready for change » (prêt pour le changement). Elle a même déclaré que le fait même qu’une femme entre à la Maison-Blanche serait un changement, renchérissant : « Je veux faire des changements, mais j’ai déjà fait des changements. Je continuerai à faire des changements. Je ne me contente pas de promettre des changements. Je propose trente-cinq ans de changement ». Les républicains ne comptaient certainement pas être de reste, d’autant plus que pour eux il est difficile de se revendiquer de George Bush au plus bas dans les sondages. Mitt Romney, qui vient de retirer sa candidature déclarait « J’ai apporté du changement à toute une série de sociétés. Pendant les JO, on a eu des problèmes : j’ai apporté du changement. Dans le Massachusetts, j’ai apporté du changement. Je l’ai fait. J’ai changé les choses ». Le favori de ces élections, John McCain, a d’ailleurs déclaré « Change is coming » (le changement arrive).
Difficile de se retrouver dans tous ces changements. Notons tout de même une expression très intéressante dans l’intervention de Romney. Les réponses qu’il apporte aux « problèmes » ne sont pas des solutions mais « du changement ». On dirait que le lexique électoral s’est figé sur ce mot. Impossible d’en utiliser un autre. Mais cette omniprésence du mot « changement » dans ces élections amène toute une série de questions. Est-il possible que deux rivaux se réclament tous deux du changement ? Comment les électeurs peuvent-ils s’y retrouver ? Qui est le plus légitime des candidats pour se réclamer du changement ? Pourquoi faut-il absolument promettre le changement ? Comment se fait-il que les candidats qui parlent de changement ne soient pas totalement décrédibilisés quand leurs adversaires et leurs prédécesseurs utilisaient déjà le même terme ?... La liste pourrait être longue sans que l’on ait pour autant de réponses. Donner une réponse semble d’autant plus impossible que personne ne cherche jamais à définir ce que veut dire ce terme. Qu’est-ce que c’est qu’un changement ? C’est comme une révolution, mais sans le côté révolutionnaire ? On veut bien changer, mais pas trop ? Pourquoi alors ne faut-il pas utiliser le terme amélioration, modification, mutation... ? Comment le consensus autour de ce mot a-t-il pu s’établir alors qu’il est franchement difficile de le définir ?
Beaucoup trop de questions auxquelles je ne pourrai pas répondre, puisque la seule définition du terme qui me vient à l’esprit est celle donnée par Coluche : « le changement, c’est quand on prendra les Arabes en stop ».
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