Efficacité énergétique : hypocrisie française et lobby nucléaire…
Efficacité énergétique : alors que nos dirigeants politiques n’ont que cette expression à la bouche, la réalité est que la France s’emploie actuellement à torpiller les avancées législatives à l’échelle européenne sur la question. Dans le silence assourdissant de l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle, écologistes compris…
Les associations environnementales viennent de sonner l’alarme : le gouvernement français est en train de détricoter discrètement la directive européenne qui vise à promouvoir l’efficacité énergétique à l’échelle européenne. Nicolas Sarkozy fanfaronnait pourtant fin 2011, à l’occasion des 4 ans du Grenelle de l’Environnement : « L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. » Or, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), comprenons le Ministère de l’environnement, est en train de travailler activement à affaiblir la directive. L’enjeu : continuer à pousser la consommation d’électricité plein pot, avec en sous-jacent le développement de notre fabuleuse industrie nucléaire. Évidemment, l’Europe, c’est loin et technique… Alors expliquons.
L’Union européenne a mis en place une stratégie dite 3 fois 20 pour prendre le virage de la troisième révolution industrielle, celle des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique : une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, une amélioration de 20% de l'efficacité énergétique et une part de 20% d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie de l'UE d’ici à 2020. C’est le paquet climat-énergie. Sauf qu’au train ou les mesures se déploient, l’Europe ne devrait économiser que 9% d’énergie, soit la moitié. Manquer cet objectif coûterait au moins 34 milliards d'euros aux États d'ici 2020 et compromettrait la possibilité de créer plus de 400 000 emplois « verts », selon le directeur général de la DG Énergie de la Commission européenne, Philip Lowe. D’où l’idée de mettre en place une directive un peu contraignante, pour inciter les Etats à investir.
Sauf que… Le lecteur aura compris qu’une telle directive gêne un certain nombre de lobbies, en premier lieu celui du nucléaire. En effet, pourquoi investir dans l’énergie nucléaire, cette énergie de base lourde et onéreuse, si la tendance est à la baisse de consommation d’énergie ? La France, patrie du nucléaire, accompagnée d’autres Etats, est donc hostile à la directive. Cela se murmurait dans les cénacles européens. Cela vient de se confirmer avec des prises de position récentes. Les principales associations environnementales françaises (GREENPEACE, CLER, France Nature Environnement, Fondation pour la Nature & l'Homme, Isolons la terre contre le CO2, Réseau Action Climat France, Effinergie, WWF, Gimélec) se sont donc manifestement senties obligées de sortir un communiqué de presse pour alerter l’opinion publique de ces pratiques. Que nous disent-elles ? « Les premières prises de position officielles de l’administration française sur le projet suscitent l’étonnement et nombre de leurs demandes inquiètent, comme la suppression du plan de long terme de rénovation de l’ensemble du parc immobilier, l'affaiblissement de l'ambition de développement de la cogénération ou bien encore l’exclusion des collectivités locales de l’obligation de rénovation des bâtiments publics. De plus, alors que le coût des carburants bat actuellement des records, la demande de ne pas prendre en compte dans l’assiette de calcul des pans entiers de la consommation énergétique française mène à une diminution de 40% des objectifs globaux d’économies d’énergie. »
Les collectivités territoriales ne seraient plus obligées d’être économes en énergie ? « Nous ne pouvons pas imposer aux collectivités territoriales la rénovation de leur patrimoine, cela leur coûterait trop cher », répond le ministère de l’Energie français.
On ne comptabilisera plus que l’énergie finale dépensée et plus l’énergie primaire (celle extraite de la terre, comme le pétrole, le gaz ou le charbon) ? « C’est plus pratique de comptabiliser les économies au compteur. On voit tout de suite les effets des efforts réalisés. », nous dit la DGEC. Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’une telle comptabilisation est favorable à l’énergie nucléaire et au modèle français du chauffage électrique : si l’on remplace une chaudière à gaz par un chauffage électrique plus performant, on améliore bien l’efficacité énergétique sur l’énergie finale. Mais, pour générer cette électricité, il faut augmenter la production nucléaire et construire des centrales au gaz et au fioul pour les périodes de pointes de consommation. Résultat, le bilan est négatif si l’on comptabilise le tout en énergie primaire. « L’énergie primaire est défavorable à l’électricité, résume le Cler. Ce subterfuge permettrait à la France de continuer sa politique absurde de développement du chauffage électrique. »
Voilà donc la politique énergétique française : faire semblant de promouvoir les économies d’énergie et organiser un travail de sape discret de toutes les mesures qui y sont favorables ? Pourquoi ce genre de scandale n’est-il pas dénoncé par les différents candidats à l’élection présidentielle ?
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