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Accueil du site > Actualités > Politique > Eva Joly, la femme aux lunettes rouges

Eva Joly, la femme aux lunettes rouges

Un photographe rencontre une icône de la justice française

Jeudi 08 septembre 2009, à Saint Cloud se tenait un débat portant sur les Mécanismes et conséquences des « trous noirs » de la finance mondiale. J’avais écrit à Éva Joly pour lui demander l’autorisation de la prendre en photo. Depuis longtemps, je souhaitais lui rendre hommage à ma façon, la prendre en photo dans le feu de l’action. Quand j’arrivais, je notais que si la salle était comble, il n’y avait pas un seul chat de la presse. Je fis quelques tests photo et retournai à tout hasard à l’entrée. Et, je fis sa rencontre.

Jean MERCKAERT, Eva Joly, MAxime Paquet, François d’Aubert et Julien Coll

A gauche le public, à droite Jean Merckaert, Éva Joly, Maxime Paquet, François d’Aubert et Julien Coll

Eva Joly

Eva Joly et Maxime Paquet

Elle entrait comme on entre dans une boulangerie, en toute simplicité. Elle accrocha sa veste au porte-manteau. Je fus un peu troublé quand ce monument passait devant moi. Je pris le partie de la saluer. Ensuite, suivie de son attaché de presse, elle rejoignit François d’Aubert, Jean Merckaert, Julien Coll et Maxime Paquet. Et le meeting commença.

Une mine pincée qui valaient 45 milliards d’euros

Eva Joly

Éva Joly ôta ses célèbres bésicles rouges comme pour mettre à nu son sentiment d’exaspération face au chiffre étourdissant des 45 milliards d’euros constituant la fraude fiscale en France.

Cette photo parmi toutes celles que j’ai prises d’Éva Joly est celle qui m’a le plus émue. J’ai compris que cette femme n’était pas une politicarde parce qu’elle avait foi en ces actions, et que chaque mot ne trahissait aucune concession.A u moment où j’ai pris cette photo, cette dernière déclara amère que 45 milliards d’euros constituaient le coût de la fraude fiscale en France, soit 3 fois le déficit de la sécurité sociale en 2008.

Je sentis dans la tension nerveuse qui fit plisser ses lèvres, le poids d’une désespérance presque totale. Elle eut l’air fatiguée, désabusée, revenue de tous ses combats, désenchantée de la justice, de la Communauté européenne dont les caciques se caractérisaient par un esprit « tellement buté ». Ses traits exprimèrent la tension entre la plénitude d’une tâche vaine et la forte conviction sincère d’une justice équitable pour tous.

Le fait est qu’Éva Joly ne disposait pas des expressions et des gestes artificiels dont usent tout expert de la communication sensibles aux caméras ou objectifs me surpris. Elle ne cherchait pas à cosmétiser son discours par le raffinement de la pose. Cette sincérité simple du personnage la distinguait de ces homologues attachés aux choses convenues, à la théâtralisation du propos ou à l’éclat. Est-ce à dire que madame Joly se moquait totalement de son image. Certes non, je ne le pense pas. Il y a tout de même une sorte de signature visuelle, un accessoire qui marque les mémoires : ses bésicles rouges.

La norvégienne aux lunettes rouges

Eva Joly

Éva Joly, Députée européenne, Conseillère spéciale du gouvernement islandais sur la crise financière, Ancienne juge d’instruction

Il y a des visages que l’on assimile très vite à un type de lunettes. Peut-on imaginer Woody Allen sans ses lunettes à monture épaisse, Gandhi sans ses lunettes rondes, le docte Guillaume de Baskerville sans ses verres ou Clark Kent sans ses lunettes d’intello ? Je savais que cette dernière les a toujours considérées comme des bijoux mais en ce qui me concerne, je n’y entrevoyais pas seulement un accès de coquetterie.

Eva Joly

Déformation professionnelle oblige, je percevais cette célèbre parure moins comme un atout de séduction efficace qu’une métonymie de la clairvoyance et de la lucidité. Lorsque celle-ci les porte, elle vous regarde en baissant la tête, comme un chevalier lèverait sa visière pour vous jauger. Je n’ose imaginer les perquisitions d’antan d’Éva Joly, les lunettes avisant les réquisitoires quand ses pupilles ciblaient sentencieusement l’accusé.

Eva Joly

Eva Joly

La fin du débat

Lorsque je me suis approché d’elle à la fin du débat, je lui fis, désolé, la remarque : « Il n’y avait pas un seul journaliste dans salle ». Ce à quoi elle me répondit : « J’y suis habituée ». Elle remit sa veste et s’en alla comme on rentre chez soi, simplement.

Texte & photos : Serge-Henri Bouvet


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10 réactions à cet article    


  • jako jako 13 octobre 2009 11:41

    Bel article sur une Femme exceptionnelle que je classe dans les très grands mais si rares...
    Merci à vous , il n’y avait pas de journalistes dans la salle mais les gens savent


    • Michel DROUET Michel DROUET 13 octobre 2009 16:31

      Oui, ils savent qu’elle porte des lunettes rouges : quel scoop !!!


    • Alain-Goethe 13 octobre 2009 12:22

      Lors d’un meeting « Europe écologie » à Lille le samedi de pentecote, Eva Joly et les autres orateurs ont décrit clairement la situation actuelle, ainsi que des pistes pour améliorer cette situation !
      C’était très clair !

      A la fin, il y avait en + toute la salle qui chantait la chanson adéquate ( dont je n’ai pas le lien, à cet instant sous la main). mais elle doit être sur site d’Europe écologie"
      A+


      • Lisa SION 2 Lisa SION 2 13 octobre 2009 13:14

        Bonjour, et bravo pour votre relais en matière de journalisme manquant...

        " François d’Aubert a beaucoup travaillé sur les affaires de corruption et de blanchiment d’argent. Il fut notamment président de la commission d’enquête parlementaire anti-mafia en 1992, puis rapporteur de la commission d’enquête sur le Crédit lyonnais en 1994. À l’Assemblée nationale il fut également rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule de 2003. Sa participation à dix commissions d’enquête de 1990 à 2004 lui a valu d’être décrit comme « l’un des meilleurs investigateurs de l’Assemblée »

        Quel soulagement de voir François d’Aubert aux cotés d’Eva Joly.


        • Gabriel Gabriel 13 octobre 2009 13:58

          Par bonheur, il y a encore des consciences qui s’expriment et indiquent le chemin au milieu de toute cette fange politique. Merci Madame Joly.


          • Michel DROUET Michel DROUET 13 octobre 2009 15:21

            Madame Joly, c’est autre chose qu’une paire de lunettes rouges.
            Ce n’est qu’un accessoire dont on peut jouer, éventuellement à des fins de communication.
            De Woody Allen ou de Gandhi, j’ai retenu autre chose que la forme des lunettes et de la manière de les porter.
            Votre article, qui ne nous apprend rien sur les combats, les convictions de Madame Joly aurait pu figurer dans la presse people, sur Agoravox, je suis perplexe.
            A quand un article sur Johnny à la gloire d’Optic 2000 ?


            • Tout d’abord, je vous rappelle que je ne suis pas journaliste mais photographe. Et donc, par la force des choses je m’intéresse à ce que je vois avant tout. Plus que tout, je m’attache aux apparences, au visible, aux couleurs, à la pose ou l’attitude des gens.

              Je sais que cela peut paraître bien superficiel mais, selon moi nécessaire à comprendre comment les politiques canalisent leurs messages. Si tu visites mon site à sergebouvet.com, tu observeras que tous mes commentaires sont essentiellement liés à celà.

              Tu verras que je parles des mains du ministres Olivier Stirn, du regard d’Arnaud Montebourg, etc. Que du blabla sur ce que je vois.

              Je n’aurai pas l’outrecuidance de vous renvoyer à quelques saines lectures comme Roland Barthes, Umberto Eco ou autres éminents sémiologues qui traitent du non-dit dans les images. C’est passionnant. On comprends dès lors combien il est intéressant de photographier Villepin allant sur le perron du tribunal avec sa famille, par exemple. Quel message Villepin nous lance-t-il en faisant celà ? Quelle signification implicite cela évoquera-t-il aux publics ? Etc. Ce n’est pas de « photo people » dont il s’agit. Y’a forcément un message la la dessous, ne croyez-vous pas ?

              Cordialement.


            • Ronny Ronny 13 octobre 2009 17:05


              C’est de gens comme elle dont la France a besoin... Pas de pseudo socialistes capitalistes à la DSK ou vichistes à la Besson, pas de tricheurs tendance grosse lèche à la Balkany, pas de xénophobe raciste version Le Pen, pas de mateur de petits garçons à la mode Thaï à la Fredéric M., pas de diva écervelé tendance rosatre à la Ségo... J’en passe et des meilleur(e)s !

              Heureusement les gens comme elle sont plus nombreux qu’on ne le croit, mais ils se cachent. On en voit de dévoués dans les écoles, les hostos, on en voit de sympas à la poste, on en voit des humbles dans la recherche, on en voit des tenaces dans les syndicats. Leur problème c’est que le pouvoir ne les intéresse pas souvent, et qu’il ne leur appartient de toutes façons pas. Il appartient en ce moment à une oligarchie ou le copinage le dispute au clanique, le mensonge à la manipulation, le cynisme au machiavélisme, le stupide à l’absurde, la politique de la peur au déni de démocratie, bref à un monde ou le tsar Sarkozy le dispute au rex emperator Nicolas 1er...


              • Pierre Crépeau 13 octobre 2009 18:36

                Il est fou Ralph le loup de vouloir faire tester le vol libre par les fenêtres à cette reine de beauté !!!
                Eva la bien nommée, tu es ce que d’aucun chanterait, l’avenir de l’homme.
                Il faudrait que nous prenions de la graine les mecs !!! Deux paires pour le prix d’une, elle a !!!
                Beaux portraits merci l’auteur-raporteur.


                • Emmanuel38 14 octobre 2009 09:07


                  Le 9 septembre, AGORAVOX avait publié «  Il y a quelque chose de pourri dans la République Française  ». J’y avais donné un commentaire, que je reprends en le modifiant et le complétant.

                  Il est désespérant de voir que vraiment tout le système est pourri.

                  Pour virer la RBF (République Bananière Française)(1), il faut chercher, pour 2012, quelqu’un de neuf, dont les opinions politiques soient connues mais peu tranchées (2), afin de faire un large consensus dans l’opinion . Il faut que l’on ait la certitude qu’en outre ce candidat ait une bonne connaissance du milieu politico-maffieux, que l’on désire mettre sur la touche. Et « qu’il en veuille » ! (2)

                  On connait au moins un tel oiseau rare , et c’est un(e) candidat(e) possible.

                  Lisez attentivement la biographie d’Eva JOLY, ligne par ligne, ici . Je n’en vois pas d’autre qui remplisse les quelques conditions énoncées ci-dessus.

                  Il nous reste à tous à en convaincre « Europe-Ecologie », qui a eu l’idée lumineuse de lui offrir le moyen que le MODEM lui avait refusé, de reprendre la lutte contre la corruption.

                  Continuez, SHB, et merci...Et aidons-le !
                  Ecrivons à Eva JOLY !

                  -----------

                   1. Entretemps, et comme si confirmation étaient encore nécessaires, il y a maintenant l’affaire du Prince Jean de l’Epade de La Défense, et il y en a eu bien d’autres..
                   2. Il faut rappeler que, pour reprendre sa lutte (via le Parlement Européen), Eva JOLY s’était adressée (en vain) à BAYROU par inclination personnelle, ce qui la situe à peu près politiquement. Son horizon s’est certainement élargi depuis, au contact des écologistes.
                   3. A lire l’émouvante contribution de S.H. BOUVET concernant Eva JOLY et au vu de sa 3° photo, cette affirmation devient incertaine,. Si cela se confirmait, ce serait à pleurer.

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