Front de Gauche : Dans la majorité de gauche ou dans l’opposition de gauche ? Au-delà des mots et des postures
Le Front de Gauche doit-il se positionner dans une « majorité de gauche » ou bien dans une « opposition de gauche » au gouvernement et au PS ? La question est en débat au sein du Front de Gauche, même si la position officielle est celle d’une « majorité du peuple de gauche », hors de la majorité gouvernementale et parlementaire[1]. Pourtant, au vu des débats auxquels j’ai pu assister, delà des mots, les uns et les autres partagent pratiquement une même analyse, en déduisent pratiquement les mêmes actions à mener et ne divergent que sur une question de posture symbolique ; même si elle a également son importance.
Une analyse très critique de la position du gouvernement largement partagée
Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de Gauche qualifie le premier ministre de « social-menteur », le texte au 36ème congrès du PCF présenté par la direction sortante qualifie la politique gouvernementale de « social-libéralisme ».
Le Front de Gauche est totalement opposé à la politique d’austérité mené par le gouvernement, et très critique vis-à-vis de tous ses reculs et atermoiements face aux puissances financières, au patronat : amendement pigeons, rapport Gallois, non-nationalisation de Florange, etc … (cf. mon article « le PS n’est plus de gauche »).
Ce constat est largement partagé par la base de l’ensemble des partis membre du Front de Gauche, y compris le PCF autrefois allié de gouvernement traditionnel du PS.
Des moyens d’actions largement partagés.
Durant les six premiers mois de la législature, les parlementaires du Front de Gauche, très majoritairement communistes, ont tenté de peser sur la politique du gouvernement par le travail parlementaire, en déposant des amendements. Ceux-ci sont systématiquement rejetés par la majorité socialiste. Les sénateurs socialistes ont même rejeté au budget 2013 des amendements qu’ils avaient approuvés, alors dans l’opposition, au budget 2012 présenté par le gouvernement Fillon !
On peut faire aujourd’hui le constat, et il est partagé jusque parmi les députés communistes que j’ai pu interroger : il y a un total refus du PS de prendre en compte les propositions du FdG au parlement.
Face à ce blocage total, le FdG organise la construction d’un rapport de force « par l’implication citoyenne » ou « dans la rue », selon les termes que chacun voudra employer : appel à manifester contre le TSCG ou Notre Dame des Landes, marche en soutien aux ouvriers de Florange ; campagne du PCF contre l’austérité avec tracts et pétitions, en sont quelques exemples.
Cette stratégie de construction d’un rapport de force ne serait pas tellement différente si le FdG avait en face de lui, non pas un gouvernement « de gauche », mais un gouvernement de droite. Et elle est là encore largement partagée par la grande majorité au sein du Front de Gauche.
Alors, dans la majorité du peuple de gauche ou dans l’opposition de gauche ?
Tenant de la « majorité du peuple de gauche » et de l’ « opposition de gauche » partagent une même analyse critique du gouvernement socialiste, partagent la même nécessité de la construction d’un rapport de force contre ce gouvernement.
Reste une différence sémantique : faut-il se considérer comme des « ayants droits » de la victoire de F. Hollande, dans la « majorité du peuple de gauche » néanmoins critique vis-à-vis de la majorité parlementaire et gouvernementale ? Ou faut-il se considérer comme étant une « opposition de gauche » à un gouvernement trop « centriste » ou « social-libéral » ?
Il ne s’agit en fait que d’un débat entre deux stratégies différentes pour parvenir à un même but politique : construire le rapport de force le plus efficace possible face au PS.
Pour les tenants de la « majorité du peuple de gauche », le PS est considéré comme le principal parti de gauche par le peuple de gauche et convaincre que le PS n’est plus de gauche est impossible. Donc, si sa politique venait à être un échec, elle serait l’échec de l’ensemble de la gauche, et il entrainerait le Front de Gauche avec lui. L’extrême droite apparaîtrait alors que la seule alternative encore possible, la droite classique (N. Sarkozy) et la gauche (F. Hollande) ayant échoué. Pour construire une mobilisation efficace du peuple de gauche qui permette de changer le cap de la politique gouvernementale, il faut donc inventer le concept de « majorité du peuple de gauche » et d’ « ayant-droit » qui permet la critique d’un gouvernement de gauche tout en restant soi même de gauche, sans effrayer l’électeur de gauche.
Pour les tenants d’une « opposition de gauche » (dont je suis), le PS n’est plus un parti de gauche. Si sa politique venait à être un échec, il ne doit pas devenir l’échec de toute la gauche pour justement éviter d’ouvrir le chemin à l’extrême droite. Il faut faire émerger l’idée qu’à un échec de la social-démocratie, il pourrait exister une alternative de gauche anticapitaliste. Mais il ne s’agit pas d’avoir pour stratégie d’espérer, d’attendre, de favoriser un échec qui enfoncerait le pays et la population pour de nombreuses années afin d’apparaître en sauveur. Il s’agit surtout de réorienter le cap, en imposant dès aujourd’hui les solutions anticapitalistes et non les solutions sociales démocrates et pour cela, il faut l’énoncer clairement, l’afficher et l’assumer. Il faut dire : « la politique du gouvernement n’est pas une politique de gauche. Si vous voulez que la gauche réussisse, il faut faire une vraie politique de gauche, celle du Front de Gauche ». C’est ce discours qui sera, je crois, le plus mobilisateur et le plus à même de créer le rapport de force capable de changer le cap de la politique gouvernementale.
[1] Je ne prétends ici à aucun caractère d’exaustivité ou de représentativité, juste à faire état des débats auxquels j’ai pu assister comme militant PCF et du FdG dans mon entourage.
Article initialement publié sur le blog "pensées politiques et communistes"
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