Gauche ou Droite ?
Malgré la relative perte de sens de cette question, force est de constater qu’elle occupe toujours une place importante dans notre système démocratique. Système qui n’est d’ailleurs pas le seul à connaître une telle question.
Aussi schématique soit-elle, elle force à choisir un « camp », au détriment d’un autre. L’un étant supposé défendre des valeurs diamétralement opposées à l’autre. Le choix de son « camp », si l’on part du postulat que l’on veuille en choisir un, peut obéir à plusieurs logiques. Et il demeure notamment (car ce n’est pas toujours le cas) un « choix » fondé sur une logique purement partisane, parfois issue d’une tradition qu’aurait l’électeur de voter pour un bord plutôt que pour l’autre. Pour faire simple, on peut trouver des raisonnements qui se résument de la sorte : « Je suis de droite parce que je ne suis pas de gauche » voire « n’aime pas la gauche ». Et inversement, évidemment.
Autrement dit, le « choix » est effectué par défaut. Il est exprimé et se justifie principalement par le rejet de l’autre option.
A interpréter cette logique, on en vient à la conclusion que les idées d’un bord excluent celles de l’autre. Ou alors, pour être moins catégorique, que les idées et projets d’un camp ne trouvent pas d’équivalent approprié ou appropriable dans l’autre camp.
Ce « vote partisan » a sa part de déplorable ; de même qu’aucune mouvance n’a et ne doit avoir le monopole de l’idée, aucune mouvance n’a l’éternelle bonne solution à chaque problème qui se pose. D’où l’idée, sans doute, de La République En Marche – mais pas que d’elle – de dépasser cette opposition gauche/droite. C’est ce qui a pu faire la force et l’attractivité de ce mouvement. Philosophie intéressante et novatrice, il faut en convenir.
Mais, à y regarder de près, la logique « transpartisane » du mouvement En Marche, ne pouvait et n’a d’ailleurs pas perduré. Pour deux raisons que nous pouvons souligner.
D’abord parce qu’elle s’est traduite par un parti politique, très largement majoritaire à l’Assemblée Nationale. Ce qui a eu pour première conséquence de ne laisser de visibilité qu’aux extrêmes, radicalisant de facto le vote partisan. Et ce qui a eu pour deuxième conséquence de créer une relative solidarité entre des élus traditionnellement opposés. Il est en effet difficile de se dire que c’est un mouvement qui rassemble des femmes et des hommes politiques de tous les bords, et qui est, pourtant, à même de voter « comme un seul homme ».
Ensuite parce que la logique partisane refait régulièrement surface. Autrement dit, la solidarité au sein du parti est loin d’être inébranlable. Cela s’observe notamment lorsque des sujets pour le moins clivants sont à l’ordre du jour. Ainsi en a-t-il été de la PMA en 2019. Plus récemment, on a pu entendre la volonté de créer un « pôle de gauche » à l’intérieur même du groupe. Et la pandémie de Covid-19 nous laisse aussi, à son tour, son lot de divisions internes.
Alors, tout détachement d’une opposition de blocs à blocs est-elle impossible dans notre régime politique ? A priori, oui. Oui, parce que l’opposition partisane est culturellement inscrite dans la politique française : elle est au moins bicentenaire. Oui, parce qu’elle est dans l’ADN de notre Constitution en vigueur. Les mécanismes prévus par elle – ainsi en est-il, notamment, de l’élection du Président au suffrage universel direct, uninominal, majoritaire et à deux tours, mais aussi de l’élection des députés selon les mêmes principes – supposent et nourrissent la confrontation entre deux pôles. Oui, enfin, parce que c’est la conséquence évidente de la mise en œuvre de la théorie de la représentation, c’est-à-dire de la démocratie représentative. L’offre politique étant limitée à des « packs d’idées » (C. Viktorovitch) matérialisés par les partis politiques, la solidarité est de mise. Le parlementaire défend les idées du parti grâce auquel il a été élu, mais qui sait s’il aurait exprimé les même idées sans être, ni membre, ni élu de ce parti ?
Quid alors de la démocratie directe pour pallier ces inconvénients ? A l’échelle nationale, sur un pays aussi grand et aussi peuplé que ne l’est la France, en faire le système principal s’avèrerait plus que compliqué. Voire impossible. Mais est-elle au moins souhaitable ?
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