Hymne à la joie pour Sarkozy et Marche funèbre au PS... Bayrou seul pour danser
UMP, Parti socialiste, MoDem : quatre mois après les Présidentielles, où en est-on ? Analyse par le maire centriste Luc Binsinger.
Nicolas Sarkozy en “Hollywood Star”
Costume et cravate noirs, coupe de cheveux savamment masculine, teint hâlé et sourcils tirés à quatre épingles, Nicolas Sarkozy n’a visiblement pas été répertorié pour rien par le magazine Vanity Fair dans les hommes les plus élégants de la planète. L’intervention télévisée du chef de l’Etat ce jeudi 20 septembre 2007 semble directement inspirée du film Ocean’s Eleven : gestuelle identique à celle de Brad Pitt, caractérisée par la souplesse du poignet et la fermeté de la main - doigts dépliés mais en rangs serrés ; même allure de rigueur et d’aisance que celle d’Andy Garcia.
A ce plumage s’ajoutent un talentueux ramage et une force oratoire qui sont salués par la presse dans son ensemble : “Il y a du rédacteur en chef dans cet homme-là”, affirme Laurent Joffrin dans Libération en date du 21 septembre, tandis que Hervé Chabaud note dans L’Union : “Tel un acteur sur la scène, Nicolas Sarkozy vit à la télé sa passion de la France... Il sait prendre en douceur l’ascendant sur ceux qui l’interrogent”.
Ne lui ôtons pas ce mérite : son raisonnement et ses connaissances sont froidement techniques, mais le style est devenu chaleureusement affectif. C’est probablement dans cette union que réside le secret d’une séduction qui fait mouche au sein de toutes les catégories de la population. L’habilité et la capacité de Nicolas Sarkozy à osciller sans effort entre esprit technocratique et cœur ouvrier lui permet de se placer en père de tous, et de prendre chaque Français par la main pour lui dire les mots qu’il veut entendre. Le ton est juste, l’idée est forte, l’orientation précise et l’objectif ciblé. Comment dès lors ne pas avoir envie de le croire ou de le suivre ?
Pour autant, il faut toujours rester vigilant avec les « beaux parleurs », car l’art de communiquer n’est pas l’art de solutionner. Nicolas Sarkozy possède le « feu sacré » aussi parce que nous ne pouvons pas encore tirer le bilan des mesures prises. Si dans deux ans, échéance qu’il s’est lui-même fixée pour observer les premiers résultats de sa politique, la croissance reste atone, le pouvoir d’achat des Français continue à stagner, la délinquance s’aggrave en dépit de la mise en place d’une « République policière et judiciaire », et que le niveau de l’emploi et l’état de l’environnement ne s’améliore pas, alors il sera temps de lui reprocher non pas d’avoir agi, mais d’avoir agi avec précipitation... et mal agi.
Autres obstacles perceptibles : la culture du « moi ». Le « moi pour tous et tous pour moi » risque d’être mal vécu par une bonne partie de la classe politique. C’est d’autant plus probable, que le gouvernement actuel se singularise par son degré d’ouverture à gauche et que le président de la République cultive l’amertume au sein même de ses sympathisants, bien davantage que dans un régime de cohabitation.
La scène internationale n’est pas non plus son terrain le plus facile ; déjà parce que son talent oratoire s’arrête à la langue française. Ensuite parce qu’il est plus hasardeux d’imprimer une idée et un rythme « Sarkophage » à des Etats souverains et à des étrangers desquels il ne tire aucune légitimité, qu’aux Français qui ont voté majoritairement pour lui.
Enfin, parce que certaines de ses idées motrices ne sont pas à l’image de la réalité. Si l’on prend le thème de campagne de Nicolas Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus » par exemple : le rapport du Bureau international du travail (BIT) publié en septembre 2007, montre que le travailleur français se classe au 3e rang mondial en termes de productivité horaire (35 US$ de richesse créée par heure), derrière les travailleurs norvégien et américain. Or, avec 10 euros pour les femmes et 12 euros pour les hommes (enquête Insee 2006 sur les salaires en France), le salaire moyen horaire du travailleur français se classe à la traîne des pays de l’OCDE, et notamment d’Europe de l’Ouest.
Alors, avant de songer à le faire travailler plus, ne serait-il pas normal que l’on rémunère d’abord le travailleur français, l’un des plus productifs au monde, à la hauteur de son effort et de ce qu’il mérite ?! C’est d’abord cela, la valorisation du travail...
Le Parti socialiste : dans la légende de Solutré
Avec près de 220 000 adhérents au moment de l’élection présidentielle, le Parti socialiste disposait d’un réservoir de votes inégalé par le passé qui lui permettait tous les espoirs. C’était sans compter les divisions internes et la stratégie de l’ex-couple Royal-Hollande à la tête du PS. Quatre mois après les élections, non seulement la défaite l’a emportée, mais le PS n’arrive toujours pas à se reconstruire. Il faut savoir que le Parti socialiste se structure autour de plus de 19 courants différents et autant de « petits leaders ». Les rivalités n’ont jamais manqué au sein de cette famille « recomposée », que ce soit entre Fabusiens et Hollandistes au moment du référendum sur la Constitution européenne, ou entre Royalistes et Jospinistes au moment du choix du candidat, voire Strauss-Khaniens. La phrase assassine du député Arnaud Montebourg, réélu de justesse, mais qui n’a pas manqué pour autant de pavoiser, symbolise à la fois cette rupture politique et intergénérationnelle, à la limite de l’arrogance.
Le livre de Lionel Jospin, rendu public au lendemain de la Fête de l’Huma le 16 septembre dernier, aura porté le coup de grâce en qualifiant Ségolène Royal d’incompétente ; ce à quoi elle répondit en l’accusant de racisme. Belle image de la famille socialiste. Rappelons toutefois, pour “l’ordre juste”, que Jospin n’a pas su passer le premier tour de l’élection présidentielle de 2002, face à un Jacques Chirac pourtant en fin de règne. Ici, c’est l’hôpital qui se fiche de la Charité.
La stratégie de l’ex-couple Royal-Hollande joue également un rôle dans cette déconfiture. Menant leurs troupes comme les chevaux ont été "sacrifiés" jadis à la falaise de Solutré, ils ont dit, et disent encore, mais séparément : « que ceux qui m’aiment me suivent ». Pourtant, si Ségolène Royal a reproché le manque de soutien des dirigeants du PS, elle ne s’est que peu interrogée sur la manière dont elle a géré seule, et sans concertation, la campagne présidentielle. De même, François Hollande, alors qu’il peine à remettre ses troupes en rangs unis sur le chemin de la sociale démocratie, se sent visiblement toujours le leader charismatique d’un PS qui réclame pourtant renouveau et changement.
Mais les vieux éléphants ne s’y trompent pas : Lionel Jospin, Dominique Strauss Khan, Laurent Fabius, Jack Lang... ont déjà choisi d’autres chemins que cette chevauchée mortelle.
François Bayrou : isolement ou indépendance ?
Le Forum des Démocrates s’est tenu du 13 au 16 septembre à Seignosse dans les Landes. Réunissant plus de 2 000 participants, cela a été l’occasion pour Français Bayrou de faire le point et de réaffirmer les valeurs intangibles que le Mouvement Démocrate défend. En ressortent, deux projets fondateurs, une Charte des valeurs et une Charte éthique en 12 articles chacune, véhiculant les valeurs démocratiques de liberté d’expression, d’indépendance, de pluralisme, de laïcité...
François Bayrou, dans son discours de clôture, a également souligné la nécessité pour la France d’avoir une offre politique riche et diversifiée, dans laquelle le MoDem a toute sa place. Il a rappelé le sens et le rôle d’un mouvement démocrate, en France, mais aussi dans le monde. Le MoDem compte aujourd’hui 45 000 adhérents, soit 15 000 de plus qu’en début d’année. En tant que délégué départemental de Meurthe-et-Moselle [ndla : Luc Binsinger], j’ai recensé 400 nouvelles inscriptions. Autant d’espoir, d’envie... Cet engouement est aussi enivrant qu’énigmatique sur les attentes, nombreuses, spontanées !
François Bayrou n’a pas manqué non plus d’évoquer les dissidents du Nouveau Centre, attirés par le pouvoir, et de marquer la différence de valeurs qu’il y a entre lui et Nicolas Sarkozy, avant d’aborder le rôle des institutions, mais aussi du citoyen dans notre société.
La richesse du discours de François Bayrou n’empêche pas cependant de constater que certaines questions majeures ont été éludées. Au-delà des valeurs qu’il défend, quelles directives et quels projets pour le MoDem pour les mois à venir ; le manque de consignes claires s’est fait péniblement ressentir au sein des participants qui n’ont qu’une envie : construire, agir. Pour preuve, les 700 contributions apportées par les militants pour construire le MoDem. Ce formidable bloc de sympathisants constitue une inépuisable énergie vive, d’actions et de réflexions, qu’il ne s’agit pas aujourd’hui de gâcher.
La question de la place du MoDem sur la scène politique se pose également quand on voit la capacité d’ouverture de Nicolas Sarkozy. Sans attester qu’il est plus au centre que le centre, Nicolas Sarkozy a redéfini la « centralité politique » française et c’est lui qui occupe aujourd’hui, mieux que quiconque, le rôle de rassembleur et de catalyseur des énergies de gauche et de droite, auquel le centre prétendait. Le MoDem se retrouve de ce fait isolé, voire marginalisé, à l’Assemblée, comme au gouvernement.
Enfin reste la question du MoDem lui-même. Il est quand même formidable de continuer à se prévaloir de 7 millions de voix alors que moins de 2 millions de voix ont été réunies à l’élection suivante. A mon sens, on ne peut pas, politiquement et déontologiquement, rester sur cet acquis et refuser de se remettre en cause. Des points, voire des lignes et des positions sont très certainement à retravailler. Des observations sont également à prendre en considération, comme celles d’Hervé Morin, de Jean Arthuis ou de Jean-Louis Bourlanges qui, même s’ils sont considérés à tort ou à raison comme opportunistes, ont accompagné, travaillé et imaginé eux aussi le centre.
Par exemple, les conditions de la création du MoDem, décidée entre les deux tours de l’élection présidentielle, a laissé à bon nombre un goût amer. Ce n’était peut-être pas le moment le plus propice pour renouveler un parti qui a plus de trente ans d’histoire et qui méritait, à mon sens, une plus grande attention et la consultation de tous nos militants sur le sujet, éventuellement par voie référendaire. Le fait qu’à ce jour, il n’y ait toujours pas de congrès fondateur ni de bureau politique souligne un empressement qui a probablement été préjudiciable pour le parti et, je le pressens, amène son leader à douter.
Aussi me concernant, j’aime le centre et je veux un centre réuni, plus fort, mieux organisé, mieux structuré et intégré dans la vie politique française. Je veux un centre qui sait être libre sans se retrouver marginalisé, je veux un centre qui existe pleinement, vastement, et qui ne soit pas cantonné à un rôle d’équilibrage ou d’arbitre entre les autres forces politiques, je veux un centre autant capable de travailler avec l’actuel président de la République, qu’avec les plus petites minorités, je veux un centre qui écoute autant qu’il agit, je rêve d’un centre qui soit novateur dans ses actions, ses idées sans faire fi des enseignements du passé, je rêve d’un centre qui compose et partage avec tout le monde sans avoir à renoncer à ses valeurs, je veux un centre qui progresse au rythme des attentes des Français, mais toujours avec un temps d’avance, je rêve d’un centre qui brille par l’intelligence du projet de civilisation nouvelle qu’il sera capable de proposer aux Français et aux Européens pour les années futures... François Bayrou peut et doit y apporter toute sa force.
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