Influence politique des blogs : les réseaux dans le Réseau
Comment les blogs influencent-ils la politique ? C’est la question sur laquelle nous sommes invités à travailler, durant la session Blogs & Politics de la conférence « Blogs 2.0 » du 5 décembre 2005. Le cœur de la question réside, il me semble, dans le sens qu’on donne au mot influence. Pour les MSM -les médias traditionnels- leur influence sur la politique se traduit en premier lieu par leur fonction « d’agenda-setting » (la conférence étant en anglais, j’en profite...), c’est-à-dire par leur capacité à influer -voire à produire des effets décisifs- sur l’ordre du jour de l’actualité politique, et donc à orienter l’action politique en captant l’attention de l’opinion publique et des gouvernants.
Les blogs ont-ils aujourd’hui ce type d’influence ? Quelques-uns, aux États-Unis, tels Daily Kos ou Instapundit, l’ont certainement, mais ils sont l’exception ; ils sont les quelques « élus » de la blogosphère, les über-bloggers au sommet de l’iceberg. Ceux-là sont lus par les MSM et par les décideurs qui détiennent réellement le pouvoir d’influence médiatique et feront d’un simple post un vrai sujet d’actualité (pour un décryptage de ce processus, lire cet excellent article de Vanity Fair qui décrypte le lynchage des journalistes de "60 minutes" par les bloggers).
Est-ce à dire que 99,99% des blogs n’ont pas d’influence ? Bien au contraire, ils ont bel et bien une influence, mais qui se manifeste à mon sens davantage par un phénomène de maillage et de masse critique pour développer leur « share-of-voice », leur audibilité, c’est-à-dire leur capacité à émerger de la masse pour se faire entendre.
Repartons de l’exemple fourni par la campagne du non à la constitution européenne, premier fait d’armes des bloggers politiques en France. L’un des principaux enseignements que l’on peut en tirer, c’est la force de frappe de certains groupes qui ont su multiplier les liens réciproques et densifier leur réseau, leur masse critique, pour gagner en visibilité, en capacité de diffusion de leurs messages, et donc en influence. C’est ce que Joël de Rosnay appelle la révolte du pronétariat.
A titre d’exemple, prenons le cas d’un réseau qui ne paie pas de mine, et se développe doucement mais sûrement au sein de la blogosphère française : le réseau « Freemen ». En partie anti-capitaliste, proche des courants ATTAC, alter et zapatistes, le réseau "Freemen" s’est progressivement développé depuis quelques mois, de lien en lien, de blog en blog, pour créer un réseau extrêmement dense et bien structuré, ouvertement présenté comme « ’’une arme’’ » pour mener un combat idéologique [une de leurs convictions communes est que le changement climatique est un problème majeur, pas uniquement écologique, mais aussi politique et économique].
Mais contrairement à l’idéal d’ « un réseau sans chef, sans règle, sans direction, sans ordre. Invulnérable. » le réseau Freemen est, semble-t-il, parfaitement régi, à l’initiative des leaders du mouvement, par quelques règles simples de cooptation (« faites-vous connaître de l’un des membres, et il transmettra ») et de liens croisés massifs et redondants. A terme, ce réseau, aujourd’hui composé d’une cinquantaine de blogs, deviendra certainement un nœud de réseaux dont l’influence effective pourrait bien finir par dépasser la somme des blogs qui le composent, voire celle de sites politiques ou de médias traditionnels.
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