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Jacques Delors, l’Européen

Ce livre de mémoires ne restera pas comme une oeuvre littéraire. La construction sous forme de questions de Jean-louis Arnaud, le journaliste, est étouffée par l’ampleur des réponses. Le résultat n’a ni la familiarité du direct, ni la logique écrite de la rédaction. Le tout est un compromis hasardeux.

L’homme politique Delors est hanté par cette « conscience coupable » qui, selon Mauriac, habite tout chrétien, spécialement les catholiques convaincus. Cette « aliénation » à un péché originel l’empêche d’être apprécié des laïcs du Parti socialiste, donc a bloqué sa candidature à la présidentielle de 2002. Delors, par ce dégoût de soi perceptible, passe donc très vite sur son itinéraire personnel et vante en termes convenus l’excellence des collaborateurs et des interlocuteurs à qui il a eu affaire. Pour ceux qu’il n’aime pas, Elstine par exemple, il se contente de dire qu’il les a rencontrés à tel moment, à tel endroit.

Mais le vrai Delors n’est pas dans ce personnage conventionnel et emprunté. Il est dans sa nature humaine. Jacques Delors aime les êtres humains, il a pour eux de la compréhension, de la compassion, de l’empathie. Il aime s’y frotter, discuter avec eux, négocier, faire avancer les choses, ensemble. Et là, pas de fausse modestie, Delors est très fort. C’est l’un des mérites de François Mitterrand d’avoir su s’entourer de tels hommes pour les utiliser. La force politique du président de gauche a été de savoir les manipuler, certes, mais pour ce qu’ils savaient faire le mieux. C’est là le meilleur de la politique, la vraie.

Delors

Dans une Europe à la diversité culturelle sans équivalent sur un même périmètre, aux méfiances réciproques, aux intérêts divergents, Jacques Delors a su forcer le respect des Allemands comme de Margaret Thatcher, par sa probité et par son goût du compromis. Il a fait avancer l’Europe dans sa construction, en évitant « l’arrogance française », en étudiant ses dossiers avec sérieux, en échangeant beaucoup d’idées lors de réunions de travail ou dans des ambiances détendues. Il savait « partager le pain », comme il le dit avec componction. Il est l’homme des « petits pas », adaptant le souhaitable au possible immédiat. Cette forme de leadership est très efficace dans une telle diversité d’Etats en processus d’union.

Jacques Delors croit en l’osmose entre le politique, l’économique et le social ; entre le financier et le monétaire. Il croit en l’équilibre institutionnel du Parlement, du Conseil et de la Commission, mais à la condition que chacun remplisse pleinement son rôle. Les récriminations sont dues, en général, à ce que l’une des institutions se défausse : le Parlement en hésitant à légiférer, le Conseil en ne parvenant pas à dégager une politique économique commune, la Commission en se mêlant de petits détails qui fâchent.

Delors croit en l’éducation tout au long de la vie, pour éviter les échecs, empêcher la marginalisation et brasser le monde des décideurs à tous niveaux. Il croit que la porte n’est jamais fermée à qui a une volonté. En bref, il croit en l’homme et en ses possibilités. Appliqués à la construction européenne, ces principes issus du syndicalisme des origines, ont fait merveille. Delors_signature

Pour ces réflexions de sagesse d’un homme pragmatique, ces Mémoires se lisent avec bonheur. Dommage que la gauche française (du moins son électorat) préfère encore l’infantilisme de l’attente d’un Grand soir sans cesse à venir. Demain, on rase gratis - toujours demain. Aujourd’hui ? On attend. Qui ? Le prochain Jacques Delors. En attendant Godot.

Jacques Delors, Mémoires, 2004, Pocket, 613 p


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5 réactions à cet article    


  • Céline (---.---.232.110) 26 janvier 2006 19:50

    j’ai été très très déçue lorsque M. Delors à refuser de se présenter à l’élection présidentielle ; je croyais en lui puis à voir la direction prise par M. LAMY qui est un Deloriste je ne regrette rien. Je me dis OUF heureusement. Céline


    • Scipion (---.---.99.170) 27 janvier 2006 07:21

      Le projet européen n’ayant rien d’exaltant, contrairement à ce qu’on essaie de faire croire aux enfants, il est normal que ceux qui le défendent n’aient pas de quoi enthousiasmer les foules !


      • Calb (---.---.85.126) 27 janvier 2006 08:42

        Delors est pour moi le fossoyeur de l’Europe...comme il le disait en 1933 : « faisons l’Europe d’abord, le social viendra ensuite ! »...on attend toujours !

        quant à son bras droit, un certain Pascal Lamy, ne me dîtes pas que cet homme est de gauche et qu’il a une fibre sociale où je casse ma télé !


        • Gil (---.---.93.79) 29 janvier 2006 00:01

          Selon toute apparence, vous pouvez casser votre télé... mais attention , ce monsieur est également illusionniste (cf le coup de la « baguette magique » à l’OMC) !


        • www.jean-brice.fr (---.---.11.39) 7 mars 2006 15:36

          Sous des dehors rassurants, M. DELORS est un homme dangereux, car sa politique consiste à détruire la Nation, et les résultats sont désastreux : le référendum le confirme.

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Argoul

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