L’ huître et les perles
Avant sa double intronisation de ministre de l’éducation nationale et de Voix de son maître, Luc-Marie Chatel œuvrait comme député umpiste de la Haute-Marne durant la douzième législature. Le 7 septembre 2004, il s’était montré soucieux - déjà - de l’intérêt bien compris du rythme scolaire des élèves. Relisons sa prose :
" M. Luc-Marie Chatel attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la progressive modification du calendrier scolaire.
On constate en effet que la semaine aménagée de 4 jours, dont la rentrée scolaire est avancée à la dernière semaine d’août, peut avoir un impact non négligeable sur l’activité des commerçants des lieux de villégiature, qui voient la période estivale, où ils réalisent la plus grande part de leur chiffre d’affaires, réduite d’autant.
Il souhaite savoir s’il peut envisager une autre répartition du reliquat de vacances dans l’année afin de préserver l’intégralité de la période estivale pour les commerçants. (sur le site de l’Assemblée nationale.)
Le 7 juin 2010, Luc-Marie Chatel, ministre de l’Education, a installé le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, dans l’intérêt encore mieux compris des élèves ( voir plus haut).
- Vaincre l’école de la République -
Parmi ce comité, Laurent Bigorgne, le directeur des études à l’Institut Montaigne pour qui l’école doit être une entreprise comme une autre. Le rapport de l’institut "Vaincre l’échec à l’école primaire" , paru en mai 2010, en soutien conceptuel à Luc-Marie Chatel, s’inscrit dans la logique des réformes libérales.
Pour asseoir le raisonnement il convient de jongler avec les chiffres, les graphiques et les courbes démontrer l’échec de l’école responsable de la dégradation du niveau moyen des écoliers et qui aggraverait les inégalités sociales. "Des positions de principes, qu’aucune réflexion sérieuse, qu’aucune preuve ne vient véritablement étayer. ".
- La chienlit chez le Mammouth -
Mais "Qui est responsable de la dégradation des résultats de notre école ?" La réponse est simple : l’absence de chefs.
"En effet, ni le ministre ni son administration ne sont en mesure d’organiser un pilotage du système.
Ni le rôle, ni les responsabilités des directeurs d’école ne sont clairs. Ces derniers souffrent systématiquement d’un manque d’autorité sur leurs collègues. Imagine-t-on un instant un collège fonctionner sans un principal ou un lycée sans un proviseur ? Cette vision a de quoi effrayer… C’est pourtant celle que renvoie le premier degré, c’est-à- dire l’étage où se construisent les bases de la réussite ou de l’échec scolaire pour des classes d’âge entières…
Quant aux inspecteurs, ils ne sont pas assez nombreux pour assumer leur mission et sont contraints de déployer leurs activités en sacrifiant le plus souvent la formation pédagogique comme l’évaluation des enseignants. Il est urgent de s’attaquer à cette situation qui fait de la première marche de notre système scolaire un corps ingouvernable. "( p. 90 du rapport - c’est moi qui souligne)
- A la ’Nouvelle école d’antan’ -
D’où la proposition, sur le modèle anglo-saxon, de renforcer l’autonomie des écoles en créant des " établissements publics d’enseignement primaire " (EPEP) doté de la personnalité morale et juridique et d’une autonomie administrative et financière - avec pour corolaire l’éclatement de l’école républicaine, le désengagement de l’État, l’élimination des structures difficiles à financer ou/et non rentables ainsi que le flicage organisé entre enseignants, les notations arbitraires des "patrons" - apothicaires dans leurs comptes, épiciers dans leurs notes. Vive l’école "ultra libre" !
Les gros mots saupoudrés par ces nouveaux pédagogues - DRH, tout au long du rapport, donnent la couleur de leur orientation : recrutement, rémunération, mérite, management, évolution de carrière, évaluation, reporting (sic), performance, gestion, pilotage, coaching, politique de ressources humaines, leaders... C’est Bouvard & Pécuchet en formation pédagogique chez les Précieuses ridicules.
"L’Institut Montaigne dresse un tableau noir de l’école primaire" L’Humanité.fr
Rien de neuf donc dans ce rapport qui prévoit de fait la mise en concurrence des établissements scolaires, voire la marchandisation de l’école.
- Le sale caractère propre -
"Le projet que l’on exige de l’ensemble des établissements publics français, depuis 1990, s’apparente fort au "caractère propre" des établissements de l’enseignement catholique.
Amplement médiatisé et mis au service des stratégies de carrière de tel ou tel, il représente un élément moteur dans la compétition des écoles.
Une offre ouvertement concurrentielle d’éducation est ainsi désormais à l’ordre du jour, sans que l’on se soucie trop de la provenance des fonds extérieurs nécessaires, sans que l’on s’attache trop à reconnaître ce qui relève de la prestation de services ou de la réponse aux besoins réels."
Yves Careil : ’L’école publique à l’encan " un article dans le Monde diplomatique,1998 - « PLACER l’élève au centre du système éducatif », « respecter son rythme propre », « ouvrir l’école sur l’extérieur », le tout sur fond de « projets » et autres " partenariats "... Telle est la nouvelle idéologie qui occupe le devant de la scène scolaire française
Et pour rire un peu plus...
A propos de l’Institut Montaigne, think tank libéral aux financement privés, mais "dépourvu de toute attache partisane"... Son fondateur n’est autre que Bébear " qui , après s’être alarmé du "suicide " de la "race blanche " ; après avoir noté le " crétinisme rampant de certains de nos concitoyens, qui utilisent à peine 200 mots - et encore, je devrais dire 200 borborygmes " s’est également penché de toute sa hautesse sur le sort des taulards inoccupés pour qui le travail en prison, c’est la santé.
J’allais oublié encore que, pour tant de compétences déjà honorées à leur juste prix, Bébéar (avec l’ami présidentiel Bolloré ) est un des médaillés d’une promotion pascale de légionnés d’honneur.
Bébéar c’est aussi un capital de 106 millions d’euros (c’est beaucoup de millions pour un seul homme, mais le Canard enchainé précisait qu’en vingt années il "a pu accumuler une fortune de plus de 1 milliard d’euros".)
Pour 2008, il déclarait ainsi une pension de retraite de 438 000 euros à laquelle s’ajoutait 360 000 euros sous forme de "jetons de présence " annuels pour ses participations aux conseils d’administration des Mutuelles AXA, de BNP Paribas, de Vivendi et Schneider Electric...
On voit à quoi peut mener l’ absence d’une bonne attache partisane.
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON