La France malade des mesures catégorielles
Il est de bon ton de s’offusquer des pratiques douteuses de certains qui, dans de jeunes démocraties, corrompent les électeurs en les payant pour obtenir leur suffrage. Nous voulons ainsi dénoncer ceux qui polluent le débat démocratique en utilisant leur puissance financière pour assurer leur élection.
La démocratie doit être un lieu de confrontation des idées, de recherche du bien commun, et non pas un simulacre permettant à ceux qui en ont les moyens de devenir les propriétaires des prérogatives de la puissance publique.
Ces pratiques déshonorent ces républiques, sapent leur fondement démocratique, et c’est à bon droit que nous les dénonçons.
Nous voyons la paille, mais que faisons-nous de notre poutre ?
Nos vieilles démocraties semblent à l’abri de telles pratiques : on n’imagine pas tel ou tel candidat payer sur sa fortune le soutien de ses électeurs. Notre morale y répugne, et de manière très pratique, si 10 $ par électeur suffisent dans certains pays déshérités pour garantir une élection, il en faut bien plus dans notre démocratie pour obtenir un même effet. Et pourtant, à y bien regarder, des maux comparables empoisonnent notre démocratie.
Chacun peut constater l’effet d’une période pré-électorale sur les décisions des pouvoirs publics et si certaines prêtent à sourire, par exemple l’activisme d’un maire à refaire ses trottoirs dans l’année précédant la fin d’une mandature, d’autres sont bien plus préoccupantes et sont couramment désignées sous le vocable de « mesures catégorielles », et de promesses électorales.
L’objectif de ces mesures ? Caresser l’électeur de telle ou telle catégorie « sensible » dans le sens du poil et espérer que les faveurs qui lui sont accordées (ou promises) l’influenceront dans son vote. La différence avec les démocraties bananières ? L’argent distribué ne sort pas de la poche du candidat, mais de celle du contribuable...
Le dernier exemple nous a été donné avec l’exonération de charges patronales sur le SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés... Coût de la mesurette ? 680 millions d’euros... soit, rapporté aux 2,3 millions de TPE, grosso modo, 300 € par entreprise, c’est-à-dire par entrepreneur. Ce n’est certes pas la fortune, mais c’est toujours ça de gagné... A condition que la majorité actuelle reste en place, puisque la mesure doit être effective le 1er juillet 2007...
Il n’est pas ici question de vilipender les patrons de TPE qui n’ont, à la différence des grands groupes, souvent pas les moyens de se payer les services d’un avocat fiscaliste, et ont le sentiment de payer plus qu’ils ne doivent. Il s’agit de dénoncer une pratique électoraliste qui vise à récupérer les voix d’une catégorie de personnes mécontentes, sujette au vote protestataire, et ceci alors que les caisses de l’Etat sont vides et que les dépenses de fonctionnement sont payées par une dette qu’il faudra bien rembourser un jour.
Cette mesure n’est pas seulement électoraliste, elle est en plus intrinsèquement mauvaise, incite à l’immobilisme puisqu’elle enferme dans des trappes au SMIC des bataillons d’employés et accroît l’effet de seuil entre les entreprise de 19 salariés et celles de 20, limitant ainsi leur expansion. Chacun, employé ou entrepreneur, est incité à rentrer dans une catégorie, et surtout à n’en point bouger... En outre, certaines entreprises de 20 salariés et plus feront tout pour rentrer dans cette catégorie privilégiée, au besoin en licenciant. Notre corpus législatif est plein de ces mesures catégorielles paralysantes, pensées à court terme, sans prise en compte du bien commun, plein de promesses électorales catégorielles, quand elles sont appliquées.
Une élection se joue souvent à quelques centaines de milliers de voix près, Jospin a raté le second tour et probablement la présidence pour moins de deux cent mille. On peut comprendre la terreur du gouvernement actuel à l’approche des élections et son zèle à en récupérer quelques-unes... Mais le vote protestataire s’appuie avant tout sur l’impression d’ une perte du sens du bien commun, sur le sentiment que notre pacte social est en danger, que certains profitent d’avantages indus, que d’autres utilisent leurs prérogatives, non pour le bien de tous mais à leur seul profit.
Quelle crédibilité accorder à ceux qui utilisent la Loi dans le seul but de favoriser leur réélection ? Ce n’est pas en utilisant des recettes électoralistes ou en bidouillant les statistiques que notre classe politique ramènera dans le « camp républicain » les électeurs de M. Le Pen, mais bien au contraire par un surcroît d’honnêteté intellectuelle, en faisant preuve de courage et de sens du bien commun. Sans cela, ils perdront un jour la mise, leurs prérogatives, et la France avec.
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