La France rattrapée par les affaires et la corruption
Après avoir connu une décennie marquée par les affaires et les mises en examen de personnalités, la France voulait tourner la page, et se refusait à faire de la lutte contre la corruption une priorité. L’ouverture, lundi 23 janvier, du procès à Paris sur les malversations financières de l’Office HLM de Paris (OPAC) qui auraient servi au financement occulte du RPR risque d’en décider autrement.
Abus de biens sociaux, détournements de fonds, enrichissements personnels, emplois fictifs, ou délits d’initiés sont les formes de corruption les plus répandues aujourd’hui en France. Pendant vingt ans, le nombre de condamnations a été en constante augmentation. 1984 : 69 condamnations d’élus ou de personnes investies d’une fonction publique pour différentes raisons (corruption, trafic d’influence, ingérence, prise illégale d’intérêt). En 1987, les condamnations atteignaient le chiffre de133 pour monter, dix ans plus tard, à 286, soit deux fois plus.
Depuis les années 2000, plus rien. Silence radio. Or, le plus grave ce n’est pas de parler des affaires lorsqu’il y en a, c’est de faire croire qu’il n’y en a plus.
L’affaire des HLM de Paris est révélatrice de ces protections particulières. Douze ans après le début de l’affaire, le procès qui va se tenir se fera en l’absence de tout responsable politique, et de celui qui est devenu le premier d’entre eux, le président de la République, pourtant directement concerné. Tout un symbole. Celui d’un pied de nez à la moralité, à la justice et à l’égalité.
Mais ce qui est plus grave, c’est que cette situation est le résultat de multiples compromissions. Celle de la classe politique qui, hormis Arnaud Montebourg, a sciemment fermé les yeux sur une situation ubuesque, qui alimente le sentiment populiste selon lequel nos dirigeants sont "tous pourris".
Celle d’une justice bâillonnée, aux ordres du pouvoir, incapable de faire le ménage en son sein. L’isolement du procureur de Montgolfier est révélatrice de cette prime au silence et de l’étouffement qui, aujourd’hui, fait avancer le système judiciaire.
Celle enfin d’une presse otage de ses actionnaires, qui a renoncé à l’une de ses plus belles missions : l’investigation. Là encore, le départ d’Edwy Plenel est tout un symbole.
La corruption est un phénomène vieux comme le monde. Aristote en parlait déjà longuement en son temps. On peut, d’une manière générale, classer les phénomènes de corruption dans trois catégories.
La première catégorie repose sur le comportement malhonnête des fonctionnaires vis-à-vis des règles administratives, et prend essentiellement en compte les écarts des agents publics qui négocient des emplois pour les membres de leur famille, recherchent des avantages financiers ou professionnels (avancement, mutation). En échange de ces avantages, le fonctionnaire signe un contrat qu’il n’aurait pas dû signer, attribue un poste de façon partiale, influence une décision injuste, ou accepte l’utilisation de ressources publiques à des fins privées.
Une deuxième catégorie repose sur les relations entre le privé et le public et, en particulier, sur l’attribution de marchés.
Enfin, le troisième terrain de chasse de la corruption est le vaste domaine des nominations aux emplois publics dans les associations et des attributions de subventions. Elles se font dans le souci de procurer à des amis ou à des collègues de l’administration des postes bien au chaud, et grassement rémunérés, dans les associations subventionnées.
De nombreux rapports considèrent que le phénomène de corruption se serait amplifié à cause de la décentralisation. Il est indéniable que les collectivités locales se sont vues dotées d’un pouvoir de décision important, concentré entre quelques mains, sans véritable contrôle.
Les Chambres régionales des comptes ont déjà publié des dizaines de rapports sur des affaires locales, mais cela ne représente pas grand-chose par rapport au système associatif français, financé à 93 % avec de l’argent public. Quelle est la part de cet argent utilisée pour des rémunérations occultes, pour des emplois fictifs, frais divers, enrichissement personnel ? Ou bien, comment savoir combien des 800 000 associations recensées aujourd’hui jouent effectivement un rôle dans la société ?
A l’aube des prochaines présidentielles, il serait enfin souhaitable que les formations politiques se positionnent sur ce sujet, véritable thermomètre de la démocratie.
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