Le ver est dans les Verts ?
Alors que dans notre pays les enjeux écologiques n’ont jamais été aussi présents dans une campagne présidentielle, paradoxalement, rarement depuis vingt ans les sondages ont été aussi défavorables au parti vert. Nicolas Hulot, en se présentant transversalement et hors parti politique, a semé le trouble dans l’échiquier politique. L’écologie pourrait-elle être une valeur qui transcende les partis ?
Et d’ailleurs, pourquoi les Verts sont-ils de gauche ?
- Parce qu’ils sont historiquement en opposition au système, révoltés dans les années 1970 face aux ravages de l’Amoco Cadiz, oppositions aux constructions de barrages ou d’autoroutes, oppositions aux centrales nucléaires... Ce militantisme des débuts les rapproche naturellement des organisations d’extrême gauche.
- Parce qu’ils ne peuvent que s’opposer aux grandes entreprises qui exploitent les matières premières. Du pétrole aux mines en passant par les grandes entreprises forestières. Et tout cela pour alimenter le marché des biens de grandes consommations. Or un produit labellisé « développement durable » doit être, autant que possible, produit et consommé localement.
- Parce qu’il ne peuvent que s’opposer au libéralisme qui, par sa recherche d’efficacité et de rentabilité permanente, ne peut a priori se développer qu’au détriment de préoccupations écologiques.
- Parce que personne n’est propriétaire de la nature et que celle-ci ne peut donc pas être commercialisable.
- Parce que des populations, pour avoir le luxe d’avoir des préoccupations écologiques, doivent au préalable pouvoir couvrir leurs besoins primaires (se nourrir, avoir des vêtements, un toit pour s’abriter), voire, également, un système éducatif gratuit et ouvert au plus grand nombre. Donc, il faut mettre en place un Etat interventionniste avec une forte vocation sociale pour arriver à cet objectif écologique.
- Parce que pour mettre en place une politique écologique efficace, il faut mettre face aux puissants acteurs économiques des garde-fous indépendants (donc probablement étatiques) de même niveau de puissance, capables de sanctionner les dérives. Or un tel Etat fort, indépendant et interventionniste ne peut pas exister dans un modèle qui prône le laisser-faire.
- Parce que la solidarité est plutôt admise, à tort ou à raison, comme une valeur de gauche. Et s’occuper de notre planète à tous, c’est solidaire, donc de gauche.
Et pourtant, les événements vont peut être donner tort aux Verts dans leur positionnement visant à imposer leurs idées. En effet c’est la main invisible du marché qui pourrait bien réguler, pour le bien de tous, les dérives qu’il a engendrées.
On peut d’abord remarquer que l’exemple vient d’où on ne l’attendait pas, c’est au cœur du libéralisme que le souci écologique a soudain été mis en avant.
- La Chine d’abord, où l’écologie est devenue par la force des choses une préoccupation majeure. Son insatiable développement économique est en train de provoquer des problèmes de santé publique majeurs dont le gouvernement commence à mesurer les risques. Les premières mesures n’ont pas tardé, pour remédier à la désertification de l’Est du pays, des millions d’arbres sont plantés chaque année.
- La Californie ensuite, qui s’est lancée dans un ambitieux programme à vertu écologique. Si bien que le gouverneur Schwarzenegger, malgré son étiquette « républicain », va faire signer à son Etat le Protocole de Kyoto. Notons d’ailleurs que si les USA sont le pays qui pollue le plus, c’est aussi dans ce pays que se font le plus d’investissements dans la R&D liée à l’écologie.
- Par ailleurs et par défaut, la surconsommation de matières fossiles va imposer de choisir d’autres sources d’approvisionnement énergétique. Soit parce que ces ressources seront épuisées, soit parce qu’elles seront trop onéreuses comparées par exemple à des énergies renouvelables. D’ailleurs, un jour, il sera peut être moins cher de produire sur place ; vers une réindustrialisation de notre vieille Europe ?
- Cette évolution des mentalités partout dans le monde est inexorable au fur et à mesure que les populations s’enrichissent. Et c’est bien cette mondialisation et ce libéralisme, tant critiqué ici, qui permet aujourd’hui à la Chine et à l’Inde de se réveiller (plus de 2,3 milliards d’habitants..). Or ces populations en s’enrichissant vont avoir inévitablement les même préoccupations écologiques que les occidentaux, ne serait-ce que pour profiter au mieux de leur nouveau statut.
- Les produits à base écologique vont également être des sources incroyables de développements économiques à venir, car les clients sont de plus en plus en plus sensibles à ces aspects, et qu’à une demande répond forcément une offre.. C’est par ailleurs pour les fabricants l’occasion de se différencier par l’innovation.
- Pour lutter contre les effets néfastes de la mondialisation, des gouvernements ou des institutions vont, par ailleurs, comme ils l’ont déjà fait en Europe pour certains OGM, mettre en place des législations et des labels contraignants écologiquement qui permettent de lutter indirectement contre la concurrence des pays en voie de développement. Ainsi, imposer le traçage alimentaire ou un barème de consommation énergétique met, de fait, sur le carreau un certain nombre d’acteurs qui ne disposent pas des infrastructures ni des technologies adaptées, laissant ainsi la place libre aux acteurs locaux qui hésiteront à délocaliser ce savoir-faire à valeur ajoutée.
- Enfin et peut-être surtout, ne pas se préoccuper de l’écologie a un coût, et ce risque financier majeur impose des changements radicaux !
Alors qu’en France la charte de Hulot semble en voie d’être paraphée par les leaders de la plupart des partis, on peut se demander ce qu’il va rester des Verts après cette élection, ont-ils encore une raison d’être ?
Mais finalement, leur disparition ne serait-elle pas révélatrice du succès posthume de leurs idées ?
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