Les Fronts et la politique internationale
L’une des grandes oubliées de cette élection : la politique internationale. Quelles sont donc les positions des candidats à ce propos ? J’ai en fait choisi de n’exposer les positions que des deux candidats qui donnent lieu aux polémiques les plus virulentes : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
1. Dans les programmes
Ce qui suit tente de résumer les éléments essentiels des politiques étrangères des deux candidats, le mieux étant de lire l’intégralité des programmes.
Le programme du Front National
Dénonçant une guerre programmée par les élites, Marine Le Pen propose notamment la sortie du commandement intégré de l’OTAN, un rapprochement avec la Russie et un développement des relations avec un monde arabe ayant récemment connu une série de révolutions, une Afrique livrée économiquement aux grandes puissances telles que les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, une Asie où la présence française est quasi-nulle et plus généralement, un rôle de médiateur pour une France promouvant la paix dans un monde soumis à des tensions de plus en plus vives, notamment à cause de la raréfaction des ressources naturelles. La candidate du Front National dénonce par ailleurs l’ingérence dans les affaires étrangères et se positionne en faveur d’un respect de la souveraineté des nations.
Le programme du Front de Gauche (voir chapitre 8)
Condamnant l’état de servitude vis-à-vis des Etats-Unis dans lequel a été plongé la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon propose de s’affranchir de l’influence atlantiste afin de développer une politique de solidarité entre les peuples, en sortant de l’OTAN et en œuvrant pour la suppression de cette organisation, en rappelant les troupes françaises d’Afghanistan, et en respectant la souveraineté des peuples. Plus généralement, le candidat du Front de Gauche milite pour la défense des peuples aux niveaux politique (mise en place de relations privilégiées avec les états promouvant la démocratie), financier (annulation des dettes des pays pauvres) et environnemental (création d’un tribunal international environnemental). Il se prononce également en faveur d’un désarmement qui concernerait aussi bien les armes nucléaires que les armes conventionnelles.
Synthèse
Finalement, un socle commun semble supporter les programmes de ces deux candidats, la mesure phare commune, s’il devait en être nommée une, étant l’abandon de la participation militaire à l’OTAN. Les deux candidats défendent le respect de la souveraineté ; néanmoins, c’est une souveraineté de l’état que défend Marine Le Pen quand Jean-Luc Mélenchon défend une souveraineté des peuples. Les propositions de Marine Le Pen sont essentiellement axées sur la position de la France sur la scène internationale, une France souveraine qui défendrait ses intérêts propres tout en jouant un rôle de médiateur au sein des grands conflits bipartites. Jean-Luc Mélenchon quant à lui, propose de nombreuses mesures qui nécessitent la coopération à l’échelle internationale et des accords concrets dont on peut se demander parfois s’ils sont véritablement réalisables : la France pourrait-elle à elle seule décider de l’effacement de la dette des pays pauvres ?
2. Les interventions dans les médias à propos de l’actualité des pays arabes
1. L’Afghanistan
A propos de ce pays, peu de choses à dire : les deux candidats se positionnent tous les deux en faveur d’un retrait le plus rapidement possible, dénonçant l’absurdité de la présence des troupes françaises en Afghanistan.
2. La Libye
Résumé de la situation
La Libye, avant de connaître un soulèvement populaire, était le pays le plus prospère d’Afrique, la population bénéficiant de nombreux droits dont les occidentaux seraient jaloux. Les conditions du soulèvement populaire et sa transformation en guerre civile sanglante restent floues. Ce qui est sûr, c’est que la guerre menée par l’OTAN et un Bernard-Henri Lévy dont on ne fait plus le portrait a renvoyé le pays à l’âge de pierre où les populations noires sont enfermées nues dans des cages et où les milices sèment la terreur, violent et torturent. Le pays est désormais dévasté, et en passe d’être morcelé en plusieurs états, l’est de la Libye ayant d’ores et déjà déclaré son indépendance.
Position de Marine Le Pen
Environ un mois après le début des révoltes armées, Marine Le Pen se pose la question du bien-fondé de l’intervention de la France dans une Libye soumise à une guerre civile tribale qui semble s’annoncer être de long terme, alors que l’armée française est déjà embourbée en Afghanistan. Quelques jours après cette première intervention, lors d’une émission avec Jean-Luc Mélenchon, elle critique une intervention menée sous couvert de défense des droits de l’homme, l’un des motifs déjà utilisés pour la guerre en Iraq, en plus des silos à grain pris pour des armes de destruction massive soit dit en passant. Elle reproche également une partialité dans le choix des pays dans lesquels les puissances occidentales interviennent, alors que des populations comme celles du Yémen – on pourrait également citer Bahreïn ou l’Arabie Saoudite – connaissent des répressions identiques à celle que connaît le peuple libyen.
Position de Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon s’est toujours montré favorable à une intervention militaire encadrée par l’ONU et de laquelle serait formellement exclue l’OTAN, pour protéger le peuple libyen et garantir le succès de sa révolution. Le journal communiste La Riposte critiquera à ce propos la naïveté du candidat du Front de Gauche à propos de la véritable nature de l’ONU et des mensonges médiatiques qu’il relaie, inconsciemment ou pas, à propos de ce qui semble de plus en plus être un soulèvement d’islamistes radicaux.
3. L’Iran
Résumé de la situation
L’Iran est accusé de souhaiter se doter de la bombe atomique sous couvert de programme nucléaire civil. Depuis plusieurs années désormais, ce pays subit une campagne de désinformation qui rendrait jaloux un Goebbels : lapidation, peine de mort, répression des journalistes, tout est bon pour discréditer un pays où un président élu par le peuple se doit de comparer devant le Parlement pour répondre de sa politique. Il est à savoir que l’Iran n’a jamais refusé à l’AIEA la visite d’un quelconque site, contrairement à ce que prétendent les médias occidentaux. D’anciens membres de l’AIEA reprochent de plus à Yukiya Amano son évident parti-pris pour les puissances occidentales.
Position de Marine Le Pen
Rappelant qu’on a laissé certains pays se doter de la bombe nucléaire sans plus d'histoires (Inde, Pakistan, Israël), elle pense que la diplomatie est le seul moyen de résoudre la crise iranienne et plus généralement, tous les conflits internationaux. Son père, quant à lui (voir 47:20), estime que l’Iran dispose du droit au développement technologique en matière d’énergie et même à l’obtention de la bombe nucléaire dans la mesure où nombre de ses voisins la détiennent, préférant toutefois la solution du désarmement à l’échelle mondiale et ajoutant ne pas penser que l’Iran veuille se doter de l’arme nucléaire.
Position de Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon, conscient ou inconscient de la manipulation, relaie la propagande à propos du radicalisme iranien et de son intention de bombarder Israël, mettant ainsi en garde contre un pays qui serait un danger pour l’humanité.
4. La Syrie
Résumé de la situation
La Syrie fait face à un soulèvement armé qui dure depuis bientôt un an. Si une partie de la population souhaitait effectivement voir al Assad s’en aller, ce dernier conserve tout de même le soutien d’une majorité de la population. En 2005, déjà, il dénonçait l’ombre de la guerre qui se dessinait en mettant en cause l’évolution de la politique libanaise à l’égard de son pays et la volonté américaine de faire tomber le régime syrien ; il disposait alors du soutien de sa population. Il n’est plus besoin de démontrer que l’actuel soulèvement a été financé et armé par les puissances occidentales et certains pays arabes dont le Qatar est le chef de file, les preuves en ce sens abondant. Côté propagande, la Syrie n’est pas en reste : massacres de civils, tortures d’enfants (on n’a pas osé ressortir les couveuses, il fallait bien varier un peu…), etc. Il est désormais connu que les terroristes de l’Armée Syrienne Libre surpassaient de très loin l’armée étatique en barbarie.
Position de Marine Le Pen
Elle condamne l’hypocrisie des médias et la vision « gentils contre méchants » que l’on cesse de nous présenter, ainsi que le rôle plus que flou du Qatar dans ce conflit. Elle se prononce de plus (voir 9:00) contre une intervention armée, mais pour l’envoi éventuel de militaires musulmans sous l’égide de l’ONU. En ce qui concerne Jean-Marie Le Pen, il condamne également la propagande qui est réalisée à l’encontre de la Syrie (voir 36:00), du régime de Bachar al Assad et notamment à propos des enfants torturés par l’armée syrienne.
Position de Jean-Luc Mélenchon
Le candidat du Front de Gauche dénonce certes une éventuelle intervention militaire, critiquant ce en quoi s’est transformé le raid libyen, mais ne remet jamais en question la version officielle présentée dans les médias à propos du conflit syrien, reprenant notamment la version simpliste d’un Bachar al Assad oppresseur du peuple. Il préconise donc de frapper cette famille au portefeuille, seul moyen de faire partir le président syrien. Il dénonce de plus les vétos chinois et russe à propos des projets de résolution de l’ONU, de toute évidence partisans et non-équilibrés selon le président Medvedev.
3. Jean-Luc Mélenchon, le désarmement et Dassault
Au cours d’une récente entrevue avec Médiapart, Jean-Luc Mélenchon est interrogé à propos de l'entreprise d'armement Dassault. Quelques commentaires sont à faire à propos de cette entrevue où il lui est tout d'abord demandé pourquoi il n'a pas voté "oui" à la question de savoir si le Conseil Constitutionnel devrait être saisi à propos d'un éventuel conflit d'intérêt concernant Serge Dassault, élu au Sénat en 2004. Pour le lecteur n'ayant pas vu la vidéo, il est difficile de comprendre les reproches que j'adresse ici, exposer tout en détail pour quelqu'un n'ayant pas vu la vidéo serait trop long, je m'en excuse.
1. La première raison invoquée pour justifier son abstention quant à une éventuelle saisine du Conseil Constitutionnel : la courtoisie, qui passerait donc avant un éventuel conflit d’intérêt au sein d’une République...
2. La deuxième raison invoquée est que la question a déjà été posée et le Conseil Constitutionnel saisi. Cette saisine a été faite il y a plus de trente ans et ne serait donc pas sujette à remise en question. Il transforme de plus la conclusion du Conseil Constitutionnel en affirmant que celui-ci avait assuré qu’il n’y avait pas conflit d’intérêt alors qu’il avait simplement dit que la loi ne l’interdisait pas.
3. Jean-Luc Mélenchon affirme que son vote n’a pas empêché la saisine du Conseil Constitutionnel. Cette affirmation est tout simplement scandaleuse ! Mélenchon prétend qu’il s’est d’abord assuré auprès des autres votants du résultat pour pouvoir décider de son propre vote. Mais là on marche sur la tête : si chacun décide en fonction des autres, comment fait-on ? En plus d’être anti-démocratique, c’est tout simplement absurde sur le plan de la logique…
4. Il fait un amalgame volontaire entre d’une part le privé et le public, ce qui est quand même franchement différent et d’autre part entre ce qui est légitime et ce qui est légal. Pour le candidat du Front de Gauche, si ça n’est pas dans la loi, on ne s’en occupe pas.
5. Il prétend que la France n’arme pas l’Inde, mais que c’est l’entreprise Dassault : c’est être ou bien très naïf ou bien menteur. D’autant plus qu’il reparlera de la France dans la suite de l’entretien et pas de l’entreprise Dassault.
6. Jean-Luc Mélenchon affirme enfin qu’il est nécessaire qu’il y ait une force de dissuasion puisque nous ne vivons pas dans un « monde de bisounours ». De plus, comme rappelé plus haut, son programme fait état de la volonté d’un désarmement à l’échelle mondiale, et ce quels que soient les armements en question. Or, il se félicite ici de ce que la France participe au réarmement permettant la dissuasion, lui donnant une position privilégiée sur la scène internationale
On pourra conclure sur la caricature des propos de la journaliste qui pose pourtant des questions très claires et s’appuyant sur des faits.
Conclusion
La position de Marine Le Pen sur les questions internationales apparaît bien plus cohérente que celle de Jean-Luc Mélenchon. Dénonçant la propagande médiatique, elle plaide toujours pour une résolution diplomatique des conflits. Le candidat du Front de Gauche, quant à lui, oscille entre le désir d’une intervention pour la protection des droits de l’homme dont on sait pertinemment qu’elles ne sont qu’un prétexte à la mise à feu et à sang d’un pays entier, population civile comprise – avant la Libye, l’Iraq l’avait déjà démontré – et des sanctions économiques qui seraient néfastes pour le régime en place, certes, mais avant tout pour la population. Son programme fait de plus état de la volonté d’une suppression de la puissance atlantiste, alors qu’il cautionne la chute de régimes qui comptent justement parmi les derniers à résister à l’hégémonie de l’OTAN dans les régions africaine et moyen-orientale. Il ne dénonce en outre pas le bourrage de crâne à propos de ces régimes : mésinformation, diront certains ? Marine Le Pen n’a, elle, apparemment aucune difficulté à s’enquérir de la véritable situation dans ces pays… Jean-Luc Mélenchon, bien à l’écoute des propos de la candidate du Front National, devrait donc savoir qu’elle se fait le relai d’une information alternative : que ne vérifie-t-il ses propos ? Chacun se fera juge sur la véritable honnêteté de celui qui prétend placer, au centre de son programme électoral, l’Humain d’abord.
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