Municipales du 9 mars : quelques interprétations tracées sur fond de teint rose

La
politique est un jeu de « tueur » (qu’on peut faire à Pau) autant
qu’un enjeu entre valeurs et projets. Une élection municipale se joue sur ces
deux déterminants mélangés aux valeurs. La qualité des combattants, leur
charisme, indispensables pour prendre une mairie moyennement gérée, ou bien
leurs résultats de gestion satisfaisante, quand il s’agit de conserver une
mairie bien gérée. Tous les cas de figures sont possibles, se mélangeant, étant
entendu que les valeurs de gauche ou de droite comptent encore et que Sarkozy
déçoit l’impatience de Français conscients des difficultés à vivre au quotidien,
inquiets et pas du tout rassurés par ce que projette le gouvernement, avec, en
plus, nombres de scandales financiers.
En
fait, les Français sentent un peu ce qui se dessine, mais les analystes ne
traduisent pas une évolution débordant le champ politique, pour voguer vers des
rivages d’ordre métaphysique, la technique, la puissance, les dominations, les
gestions. Bref, on n’en dira rien sauf qu’un tour d’illusionnisme, auxquels se
prêtent, de bonne guerre les politiques, et par désinvolture les médias, par négligence
la gauche, se déroule. Un trompe-l’œil ajoutant
une confusion à la vie politique. Sarkozy n’applique pas la rupture, mais se situe
dans le prolongement des réformes
accomplies (et desseins projetés) par les gouvernements Raffarin et Villepin.
Le tangage à gauche bien affirmé constitue le résultat de cette politique visualisée
par les citoyens de gauche et comme il a été dit, on assiste à un rééquilibrage
par rapport aux pertes subies par les listes PS en 2001. Les pendules ont été
remises à l’heure. Seul le second tour permettra de conclure à une poussée
contre la droite. Une poussée du reste avérée si on décompte les voix où la droite
devient minoritaire, totalisant 40 points ; mais comme les municipales
sont un scrutin local, on ne peut juger sur ces chiffres, simplement capter une
tendance. Tout en pointant des résultats emblématiques. Chacun ses goûts et sa
région. Tourcoing ou alors Rodez, basculant au premier tour à gauche après une
gestion de droite. Mais attention aux lectures trop faciles, scrutin
local !
Un
mot sur Pau, avec François Bayrou en posture délicate. Plus d’un point à
rattraper face à la candidate du PS, qui pourrait bénéficier d’une partie des
six points de l’extrême gauche. Le candidat de l’UMP, avec un retard de six
points, n’a aucune chance. Mais il peut se maintenir et logiquement, favoriser
l’échec de Bayrou. Qui n’est pas un banal candidat. En se maintenant, la liste
UMP peut « théoriquement flinguer » Bayrou dont on voit une fois de
plus la position inconfortable où il se trouve. Prions pour qu’il ne se
transforme pas en âne de Buridan faute de choisir entre la droite et la gauche,
alors que compte tenu de ce qu’il a dit sur Sarkozy, il devrait
« naturellement » appuyer et s’allier au PS. Tout ceci semble
incompréhensible, à moins que Bayrou n’ait un béguin pour quelques réformes
déjà entreprises par Raffarin et Villepin et ne soit pas tant anti-sarkozyste
que progressiste dans l’âme, mais moins à droite que Fillon. Bayrou, en
refusant de négocier (attendons ce que le MoDem fera à Aix où il peut fusionner
avec la gauche pour battre la très controversée maire de l’UMP, ou à Saint-Etienne avec 20 points, clé d’un scrutin qui s’oriente tout de même à gauche,
autre signe d’une possible revanche de 1983) ajoute un peu de confusion à la
politique. A Pau, il pourrait bien jouer un suicide de rock star dans une
comédie musicale, dernier acte d’une scène fulgurante jouée en 2007. Car
Bayrou, les historiens finiront par découvrir sans doute qu’il a joué sur une
confusion des valeurs et de la politique dans les années 2000 avec comme point
d’orgue la candidature de Sarkozy et le score de 18 points qui ne peut pas se
traduire dans les élections locales, mis à part quelques situations singulières.
Une
remarque sur les débats à la télé. Fades, attendus, convenus et rien de neuf
depuis des décennies. Une soirée de cons, comme il y a un dîner de cons. Les
faits marquants, ce sont les réélections d’Alain Juppé à Bordeaux et de Gérard
Collomb à Lyon. Ces deux événements sont emblématiques. Bordeaux a voté
Ségolène, Lyon a voté Sarkozy et pourtant, les deux maires respectifs sont de
couleur opposée. Mais ils ont en commun le fait d’avoir mené des
transformations architecturales de leurs villes respectives (notamment les
berges) et d’autant plus spectaculaires que les moyens étaient disponibles, au vu
de la configuration locale. Ne pas oublier que le tram de Bordeaux (ville de
250 000 habitants) a été une aventure menée par la CUB, qui compte plus de
850 000 âmes, presque autant que la communauté lyonnaise. Des moyens
et une bonne gestion, voilà la clé d’une réélection.
Maintenant,
une vue d’ensemble. Indéniablement, la gauche a réussi à marquer des points
dans des villes-clés, Lille, Tourcoing, Caen... et puis Rouen avec une élection
attendue, mais pas au premier tour, de la candidate socialiste. Comme quoi, il
y a plus qu’un rééquilibrage de 2001 dans l’air, mais wait and see, au
second tour, qui verra comment vont se jouer trois villes sous les feux de la
rampe médiatique, Strasbourg, Toulouse et Marseille. Sous réserve de données
consistantes, il semble que les grandes villes comme Strasbourg, avec une
évolution vers des populations plus favorisées, moyennes et plus, virent vers
la gauche, comme si ces gens avaient compris que la politique de droite est
suicidaire, alors que Marseille, avec sa population plus populaire dans les
quartiers, devrait naturellement être gouvernée à gauche mais c’est là une
énigme qui semble du midi. Les villes ont une âme. Elles disent, peut-être, que
pauvreté économique rime avec pauvreté en esprit et que les puissants peuvent y
exercer leur domination puisque les faibles sont souvent ignares et dévots de
qui sait rouler les mécaniques. Comme les paysans du XIXe siècle
quand le châtelain ou le seigneur arrivait en cheval. Que de courbettes !
Et quelque part, à travers ces brèves municipales, se dessine un théorème.
Celui des politiques influents sur les populations, mais qui sont fait aussi par
les gens et les citoyens. Un politique serait-il celui qui sait capter un « égrégore »
dans une population en épousant ses contours et en le renforçant ?
Pour
finir, la ville où j’ai voté, Talence, pressentie comme un scrutin emblématique
de 2008. Les résultats me donnent raison. Le maire sortant, Alain Cazabonne,
recueille 46,6 points alors qu’il avait été élu au premier tour en 2001 et que
Talence est gérée à droite depuis 1983. En face, il a trois listes
d’opposition. Celle menée par le socialiste Gilles Savary (union des gauches)
fait 46,8 points. Soit deux points à rattraper dans un scrutin où la liste LCR
conduite par André Rosevegue fait 5 points (4,98, donc fusion exclue) et celle
de Philippe Rieu, divers gauche, fait 3,6 points. Si la mobilisation ne faiblit
pas, Talence sera gérée par une équipe de gauche, comme je l’avais pressenti,
symbole d’une réaction contre les politiques de droite. Ce qui participe d’un
réflexe salutaire, mais ne résout toujours pas le fond du marasme politique actuel.
Tout en livrant quelques enseignements fort instructifs sur la vie politique
française. Mais sans qu’on ne sorte de la confusion régnante.
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