Notre Dame des Landes, commencement du caractère endémique de l’échec d’Emmanuel Macron
Gouverner, un métier qui s’apprend. On pourrait reprendre ce slogan des enseignants devant la suppression de leur formation initiale qu’avait instituée le Président Sarkozy. Les deux derniers présidents de notre République n’avaient que peu l’expérience du « pouvoir ». Leur manque d’expérience a deux histoires qui ne se ressemblent guère, mais le fait est là : ils ont en commun d’avoir été élus à la Présidence avait une expérience restreinte. Emmanuel Macron a une telle confiance en lui qu’il a l’air de croire sa pensée créatrice (il n’y a pas que lui pour croire que la pensée est créatrice). Il a pris la présidence de la République un peu comme la direction d’une entreprise : c’est-à-dire que les consignes sont plus ou moins bien exécutées, mais elles ne sont pas contestées frontalement. Or, nous ne sommes pas qu’en République, nous sommes en démocratie. Que cela ne fonctionne pas assez bien, qu’il y ait nombre de citoyens pour trouver que cela fonctionne très mal voire pas du tout fait partie du jeu (jeu pris au sens des règles de la vie commune, de notre chose publique). Il en résulte que le débat est permanent (c’est la démocratie) et que des directions sont prises sur l’idée que l’on se fait d’un « intérêt général », tel que déterminé par les élus. Une fois la direction prise, le débat continue. Et le débat démocratique, s’il passe par la parole et souhaite y rester, peut se mettre en acte (en marche, on pourrait dire, les actes d’opposition démocratique étant fréquemment des marches appelées manifestations). La question de savoir où doivent atterrir les avions qui se posent près de Nantes est largement dépassée et ne compte plus. Ce qui importe, c’est qu’Emmanuel Macron a cru, qu’après avoir renoncé au nouvel aéroport, il pouvait en déloger par la force les occupants plus ou moins autorisés à être là, selon le droit de propriété français et ainsi, solder l’affaire qui traîne depuis plus de cinquante ans. Savoir ce qu’il en est de ce plus ou de ce moins des Zadistes par rapport à la propriété n’est pas non plus la question.
La question, ce qui se passe vraiment, c’est que les mobilisations populaires mettent en échec la force publique de l’Etat. Apparemment de façon durable. Les gendarmes mobiles ont en face d’eux des citoyens français qui ne font pas beaucoup de mal (ils ne volent pas, ne violent pas, n’incendient pas les voitures… Il y a eu quelques excès de violence de la part de certains manifestants extrémistes, peu nombreux, mais dans l’ensemble ce ne sont pas les pires brigands de l’Hexagone). Les forces de l’ordre doivent agir avec beaucoup de prudence (il n’est pas certain qu’elles le fassent). On peut tous redouter qu’il y ait un mort, et dans ce type de lutte, la mort n’arrive pas nécessairement par l’intention de la donner.
En bref, le gouvernement est mis dans la nécessité de retirer ses forces et de laisser l’installation de la ZAD et son fonctionnement autonome. Il vaut mieux ne pas attendre cet accident grave que serait la mort d’un citoyen. On peut imaginer entrer dans une longue litanie de discussions entre les Zadistes et le gouvernement, assez longue pour que les tensions tombent et que l’affaire s’oublie. Les médias vont vite à épuiser les sujets et nous y sommes habitués. Chaque camp pourrait dire qu’il a eu la victoire, avec, en plus, la compréhension du point de vue adverse. C’est un peu la tentative du ministre de l’écologie Nicolas Hulot ces jours. S’enliser dans la guérilla, alors que les chiffres du coût de ces manœuvres sont publiés et republiés, ils sont exorbitants, alors qu’on va vers l’été, en passant par le mois de mai et ses ponts longs comme celui de Saint-Nazaire… s’enliser dans la guérilla ne paraît guère envisageable. Le gouvernement va devoir lâcher prise.
Le reste va suivre, c’est le tissu social, on pourrait même dire, le tricot social. Je prends date. Sitôt qu’une maille aura sautée, les opposants aux réformes lancées cette année par le Président Macron vont comprendre qu’il faut tenir bon pour ne pas les voir mises en œuvre : donc, la SNCF, les universités, Air France… etc. vont s’enquiller sur l’air de « on ne lâche rien ». Peut-être de nouveaux secteurs d’activités vont-ils tenter l’aventure de la grève ? Lancer de nouvelles réformes deviendra quasiment impossible et la belle idée que la volonté parvient à ses buts de par sa détermination autonome, la belle idée selon laquelle le nouveau Président réalise son programme, qu’il n’a pris personne en traitre, contrairement à ses prédécesseurs, mais on en avait perdu l’habitude… risque de se dissoudre dans la mauvaise tête des Français. Quand cette dissolution de la volonté politique centrale sera finie, accomplie, il ne restera plus à Macron qu’à tuer le temps et à nous, qu’à voir à quelle sauce le prochain président sera mangé.
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